Des scribes pour soulager les médecins et accroître leur disponibilité?

«Engagez un scribe. Ayez une vie!» Cette injonction est le titre d’un article publié l’automne dernier dans le Journal de la société canadienne de rhumatologie. La Dre Vandana Ahluwalia y partage son expérience depuis qu’elle a embauché un scribe médical, il y a trois ans. La rhumatologue, qui exerce à Brampton, en Ontario, est catégorique: «C’est l’une des meilleures choses que j’ai faites pour mes patients et mon cabinet.» La médecin explique que son scribe l’accompagne durant ses consultations, si le patient y a consenti, et qu’il «prend des notes sur la rencontre médicale, y compris les antécédents, l’examen physique, les hypothèses et le plan». À la fin de la journée, ils les passent ensemble en revue pour s’assurer que les comptes-rendus sont prêts à être envoyés au médecin traitant. «La documentation étant contemporaine de la rencontre, j’ai plus de temps en tête-à-tête avec les patients, j’ai réduit les temps d’attente dans les cliniques et j’ai augmenté le nombre de patients vus par jour», se félicite la Dre Ahluwalia, en précisant qu’elle a «encore assez d’énergie, à la fin de la journée, pour réaliser les choses que j’aime faire à la maison». Usuel aux États-Unis, où près du tiers des cliniciens les utilisent, le recours aux scribes est peu répandu au Canada, et encore moins au Québec comme peut en témoigner l’absence de réponses à l’appel à témoignages lancé récemment par ProfessionSanté.ca à ce sujet. Dans une fiche sur les scribes médicaux, publiée en novembre, le Collège des médecins du Québec (CMQ) note toutefois que leur embauche «est devenue plus fréquente depuis l’implantation des dossiers médicaux électroniques dans le réseau de la santé». «Le Collège a décidé de publier (cette fiche), car il a reçu des questions de médecins qui désiraient travailler avec des scribes ou qui travaillaient déjà avec eux», explique par courriel sa porte-parole, Leslie Labranche, en ajoutant que le CMQ «ne connaît pas le nombre de médecins qui collaborent avec un scribe». Du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), on sent également qu’il y a un intérêt grandissant pour les scribes, «mais leur usage reste anecdotique. Ce n’est pas encore dans les mœurs», observe Jean-Pierre Dion, le directeur des communications de la FMOQ. Ce dernier signale par ailleurs que les médecins de famille se font souvent aider par des infirmières auxiliaires pour gérer la paperasse. Dans un contexte où les omnipraticiens consacrent environ le quart de leur temps à des tâches cléricales, la publication de cette fiche par le CMQ, qui précise le rôle du scribe ainsi que les responsabilités et obligations du médecin (voir en pied de page), est perçue comme une «bonne nouvelle. Ça montre une ouverture du Collège», considère M. Dion, qui voit les scribes comme une bonne option, parmi d’autres, pour faciliter la pratique des cliniciens et la rendre plus stimulante. D’autres avenues à privilégier À la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le son de cloche est un peu différent. Dans l’absolu, la Fédération n’est pas contre les scribes médicaux, mais elle souligne que le recours à ces assistants traduit l’existence d’enjeux auxquels les médecins sont confrontés dans leur pratique quotidienne. «Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre généralisée auquel le réseau de la santé ne fait pas exception, l’accès optimal à des alternatives technologiques doit être priorisé et l’embauche continuelle de personnel destiné à effectuer des tâches cléricales n’est pas l’unique avenue», indique la porte-parole de la FMSQ, Sacha Lubin. Puisque l’utilité des scribes revient à accroître l’efficience du travail des médecins, la FMSQ pense que «les efforts devraient être consacrés à accroître l’efficacité du travail des médecins sur tous les fronts, notamment au niveau des outils technologiques mis à la disposition des professionnels de la santé». Elle fait ainsi référence aux services du Conseil numérique et à l’utilisation de logiciels de reconnaissance vocale. «Il s’agirait de rendre ces outils plus largement accessibles sachant que la dictée centrale, par exemple, n’est encore peu, voire pas disponible dans certains établissements», souligne Mme Lubin qui rapporte par ailleurs que «certaines listes de garde sont encore faites manuellement par les médecins eux-mêmes, alors que certains d’entre eux doivent se procurer eux-mêmes, et à leurs frais, les infrastructures électroniques pour être rejoints pendant leur garde». Lire aussi: Une solution élémentaire pour alléger le fardeau des fax Si les scribes n’en demeurent pas moins une solution pour alléger le fardeau des cliniciens, il y a des freins à lever, le premier étant leur coût — de 25 à 35$ de l’heure — qui est à la charge de leur employeur, autrement dit des médecins. Leur formation constitue un autre enjeu, puisqu’il n’en existe aucune actuellement au Québec. «C’est à la personne qui décide d’employer un scribe de s’assurer que celui-ci a les connaissances et les compétences requises», indique la porte-parole du CMQ. En Ontario, des entreprises comme Medical Scribes of Canada et Scribes Canada ont leur propre programme de formation. La Dre Ahluwalia a quant à elle formé son premier scribe ainsi que les deux autres que la rhumatologue a recruté pour ses collègues de la clinique qu’elle dirige. «Cela m’a incité à créer un programme de formation de scribes en rhumatologie afin de normaliser le processus», mentionne-t-elle dans son article. «Il reste encore beaucoup d’inconnus au sujet des scribes», convient le directeur des communications de la FMOQ. Mais pour déployer cette solution, «il faut former des gens, qu’ils soient reconnus et que ce soit financé [par le ministère de la Santé]», résume-t-il.

Des scribes pour soulager les médecins et accroître leur disponibilité?

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