Dernières données de l’étude PURE: «Prématuré de changer des recommandations», disent des cardiologues

Faut-il revoir les recommandations en matière d’alimentation? Les plus récentes publications tirées de la vaste étude internationale PURE* (Prospective Urban Rural Epidemiology) qui laissent à penser que les gras saturés seraient beaucoup moins dommageables que des experts l’ont prétendu pendant plusieurs années suscitent ce questionnement chez plusieurs médecins. Résultats les plus récents Lors du congrès de l’European Society of Cardiology tenu à Barcelone en septembre dernier, le Lancet a publié les résultats les plus récents tirés de l’étude PURE. Deux résultats ont particulièrement retenu l’attention, résume le cardiologue Martin Juneau, de l’Institut de cardiologie de Montréal :- La consommation de fruits, légumes et légumineuses est associée à une meilleure santé et à une réduction de la mortalité, mais cet effet protecteur est maximal à 3 portions par jour, ce qui suggère que, contrairement aux recommandations actuelles, manger plus de végétaux n’apporte pas de bénéfices concrets pour la santé.- La consommation élevée de glucides (plus de 60 % des calories) est associée à un risque accru de mortalité, tandis qu’un apport plus élevé en gras, incluant les gras saturés, diminuerait le risque de mortalité.«Les gras saturés ne seraient peut-être pas si délétères qu’on l’a prétendu ces dernières années, commente pour sa part le Dr Paul Poirier. Tu pourrais manger un hamburger, mais t’abstenir de consommer le pain, car il est bourré de sucre. L’étude tend à démontrer que le sucre, beaucoup plus que les gras saturés, serait le marqueur d’événements cardiovasculaires en association avec d’autres événements.»« Contrairement à la croyance populaire, une hausse de la consommation de gras est liée à une diminution des risques de décès prématuré », a réagi la responsable de l’étude, la docteure Mahshid Dehghan, à La Presse canadienne lors du congrès de Barcelone.Les fondations ébranléesSelon Paul Poirier, ces observations ont ébranlé les fondations et les convictions des dernières années sur les effets négatifs des gras saturés sur la santé cardiovasculaire qui étaient presque devenus l’ennemi no 1, comme le sel à une certaine époque. Avec PURE, on semble vouloir incriminer le sucre.«On réinvente la roue, commente-t-il. Il y a eu une "chire" à une époque au sujet des gras saturés, comme pour le cholestérol alimentaire. Mais on voyait venir que le sucre était associé à l’obésité et aux maladies cardiovasculaires. C’est une donnée de plus qu’on s’est peut-être trop acharné sur les gras saturés.»Le sucre est nocif pour le cœur, explique-t-il, parce qu’il entraîne de l’obésité viscérale, ce qui fait que les LDL deviennent petits et denses, le bon cholestérol (HDL) baisse et offre moins de protection, et les triglycérides augmentent.Les gras saturés seraient donc peut-être moins nocifs qu’on l’a prétendu. Néanmoins les gras trans resteraient à éviter. Même si cela n’a pas été mesuré dans PURE, on sait par ailleurs qu’ils sont très mauvais pour la santé.Revoir les recommandations?À la lumière de ces conclusions, faut-il revoir les recommandations en matière de consommation de fruits, de légumes et de gras saturés ? Il serait prématuré de faire fi des conseils des dernières années, pensent Paul Poirier et Martin Juneau.«Ces conclusions sont prématurées pour plusieurs raisons, la première étant que les études d’observation de ce type servent généralement à générer des hypothèses qui seront par la suite testées à l’aide d’études d’intervention, par exemple des essais randomisés», avance le Dr Martin Juneau.«Tu ne peux pas virer les anciennes recommandations après une seule étude, ajoute Paul Poirier. Le plus grand danger de ces données, c’est que les gens "scrappent" tout ce qu’ils faisaient. Pour l’instant, on ne change pas, car ces résultats doivent être confirmés par d’autres études.»Voici les principales recommandations qu’il fait aujourd’hui à la lumière des résultats de PURE :- Fruits et légumes: au moins trois par jour.- Gras saturés: à consommer sans excès et éviter le mélange gras saturés et sucre.- Gras trans: à éviter complètement.- Continuer d’être actif: un article paru dans le Lancet à la fin septembre démontre que l’activité physique, même récréative modérée, est associée à une diminution de la mortalité. Paul Poirier recommande de faire au moins 75 minutes d’exercice par semaine.- Manger ce qui pousse (végétaux), ce qui nage (poissons), ce qui vole (dindons), et éviter ce qui marche à quatre pattes (comme le bœuf, qui risque d’être plein d’antibiotiques).*L'étude PURE, c'est quoi?PURE est une étude d’observation qui a été lancée il y a une dizaine d’années par l’université ontarienne McMaster. Environ 135,000 personnes de 17 pays, dont le Canada, ont rempli un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires au début de l’étude et leur état de santé est suivi depuis. Au Québec, 2 500 individus, tous issus de la région de Québec, participent à PURE. La recherche est supervisée par les cardiologues et chercheurs Gilles Dagenais et Paul Poirier, de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.

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