Dépistage du cancer de la prostate: les lignes directrices sont dépassées

Les lignes directrices élaborées par le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs concernant le cancer de la prostate sont tellement dépassées qu'elles mettent les hommes en danger en n'encourageant pas le dépistage, alerte l'Association canadienne d'urologie (ACU).Cette situation est particulièrement problématique pour les hommes qui présentent déjà un risque élevé de cancer de la prostate. Mais surtout, le groupe de travail n'a pas inclus d'urologues experts dans l'équipe qui a élaboré les lignes directrices, souligne le Dr Troy Sitland, urologue, professeur adjoint de médecine à l'Université Dalhousie et porte-parole de l'ACU.«Elles ne soutiennent pas le dépistage du cancer de la prostate, ce qui nous semble fondamentalement erroné. Cela met en danger un grand nombre d'hommes canadiens», ajoute-t-il. Pourtant, «pratiquement toutes les autres lignes directrices dans le monde recommandent désormais le dépistage du cancer de la prostate chez les hommes».L'ACU tire la sonnette d'alarme car «nous voyons défiler dans notre bureau, chaque jour, chaque semaine, des hommes atteints d'un cancer de la prostate avancé qui auraient dû être dépistés il y a des années, et qui auraient dû bénéficier d'une intervention il y a des années, ce qui aurait permis d'éviter des complications et de sauver des vies», observe-t-il.À lire aussi: Cancer: la prévention et le dépistage fonctionnent, dit une étudeLes lignes directrices du groupe de travail, longues de 10 pages, ont été publiées en novembre 2014 dans un numéro du CMAJ. En effet, elles recommandent de ne pas dépister le cancer de la prostate chez les hommes âgés de 55 à 70 ans à l'aide du test de l'antigène prostatique spécifique (APS). Toutefois, les «recommandations ne s'appliquent pas à l'utilisation du test de l'APS pour la surveillance après le diagnostic ou le traitement du cancer de la prostate», précisent les recommandations.En outre, les lignes directrices élaborées par le groupe de travail indiquent que le test de l'APS pourrait potentiellement évaluer le risque futur de décès ou de métastase lié au cancer de la prostate, «ce qui pourrait soutenir un dépistage basé sur le risque, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires avant que cette approche puisse être recommandée».«Mais tous les hommes n'ont pas besoin de se soumettre à un dépistage, rappelle le Dr Sitland. Il y a certaines subtilités, mais le dépistage ne devrait être proposé qu’aux hommes concernés et les patients devraient pouvoir en discuter avec un médecin de première ligne.»L'ACU propose plusieurs lignes directrices relatives au cancer de la prostate, dont une qui traite du dépistage. Mais ce sont les lignes directrices du groupe de travail que les médecins de premier recours ont tendance à lire. Les lignes directrices de l'ACU, publiées en 2022, sont plus détaillées et conçues pour les spécialistes. Mais elles sont disponibles gratuitement pour quiconque consulte le site web de l'association. En outre, il existe des boîtes à outils et des résumés qui peuvent être téléchargés et qui seraient utiles aux médecins.«Nos lignes directrices indiquent que, pour la plupart des hommes, le dépistage doit commencer à l'âge de 50 ans. Pour certains groupes à haut risque, comme les personnes ayant des antécédents familiaux, il est préférable de commencer à 45 ans. De manière générale, la plupart des hommes devrait passer un test de l'APS à 50 ans», assure le Dr Sitland. En général, le dépistage doit se poursuivre jusqu'à ce que les patients n’aient plus une espérance de vie de 10 ans. «Le cancer de la prostate est un cancer à croissance lente. Si les hommes n'ont pas une espérance de vie de 10 ans, le dépistage présente moins de bénéfices. Au Canada, pour la plupart des hommes, cette espérance de vie se situe au début et au cours de la 70e année», précise l’urologue.À lire aussi: Cancer de la prostate: l’IRM comblerait les lacunes des tests de l’APSÀ l'époque où les lignes directrices du groupe de travail ont été rédigées, il y avait beaucoup moins de certitudes quant à l'utilité du dépistage et certaines preuves n'étaient pas claires. À l'époque, «il était un peu difficile d'interpréter les données. En 2014, je ne dirai pas que nous étions d'accord avec leurs recommandations, mais les choses étaient moins claires… Depuis, les données se sont renforcées et plaident en faveur du dépistage, qui permet d'éviter la morbidité et les complications», explique le Dr Sitland. D'où la nécessité d'une mise à jour.Un autre problème est l'absence d'urologues dans la rédaction des lignes directrices du groupe de travail. «Nous (l'ACU) avons proposé notre aide, affirme-t-il. Nous avons la chance d'avoir des leaders mondiaux dans le domaine du cancer de la prostate. Ce sont ces personnes que nous avons chargées de mettre à jour nos lignes directrices (de l'ACU) en 2022».L'élaboration des lignes directrices repose en grande partie sur l'analyse des données de grandes études, la détermination de la qualité des études et les questions connexes, ce que les épidémiologistes savent faire. Mais la participation d'un urologue renforcerait la capacité d'analyse des données, apporterait des connaissances sur des questions subtiles et renforcerait le contenu clinique.Les lignes directrices du groupe de travail mentionnent neuf auteurs: cinq épidémiologistes, un statisticien, deux médecins de famille et un médecin interne en gastro-entérologie.À lire aussi: Pourquoi les cancers sont-ils en augmentation chez les moins de 50 ans?Le dépistage de la prostate ne doit pas nécessairement être effectué par un médecin, ajoute le Dr Sitland. Un grand nombre de patients n'ont pas accès à un médecin de famille ni à des spécialistes. Le dépistage de l'APS est un test sanguin qui n'a pas besoin d'être effectué par un médecin. «Idéalement, une stratégie nationale pourrait être mise en place pour que les hommes puissent se faire dépister sans passer par un médecin de première ligne. On pourrait peut-être élaborer un programme analogue à d'autres programmes de dépistage. Le programme de dépistage du cancer du sein de l'Ontario en est un exemple: la province envoie périodiquement aux femmes des avis de dépistage et leur conseille de se rendre dans un laboratoire pour passer une mammographie.»Selon le Dr Roland Grad, président du groupe de travail sur le cancer de la prostate, «les révisions du protocole pour la mise à jour des recommandations sur le dépistage du cancer de la prostate ont fait l’objet de débats au sein du groupe de travail». Il n'a toutefois pas donné d'estimation sur la date de rédaction ou de publication.La question du test de l'APS pour le dépistage général est envisagée dans une future mise à jour. Le groupe de travail fait partie du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, créé par l'Agence de santé publique du Canada.

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