Dépendance aux opiacés: «une maladie très démocratique»

La dépendance aux opiacés doit être vue, et traitée, comme une maladie chronique. Les patients qui en sont atteints se comportent vraiment comme des malades chroniques, avec les mêmes réalités de fidélité au traitement, ou non, de rechutes, de persévérance, etc.«Il ne s’agit donc pas juste d’une question de volonté ou de maladie auto-infligée», précise à ProfessionSanté la Dre Marie-Ève Goyer, médecin de famille affiliée au Centre de recherche et d’aide aux narcomanes de Montréal (CRAN), et bénévole à Médecins du Monde.Le médecin s’appuie sur un sondage pancanadien publié pour la Semaine nationale de sensibilisation aux toxicomanies (19-25 novembre).L’étude de Léger Marketing révèle entre autres, chiffres à l'appui, que la population n’a pas vraiment conscience du fait que cette dépendance ne relève pas d’un usage délinquant, mais plutôt d’une maladie chronique du cerveau.Préjugés«Oui, il y a une méconnaissance réelle, et aussi certains préjugés», poursuit la Dre Goyer.On pense souvent que les problèmes de dépendance sont limités à une population marginalisée, précarisée, bref, aux drogués de rue. «Or, c’est plutôt une maladie très démocratique. Elle existe également chez certains professionnels de la santé, médecins compris, qui ont un accès facile aux médicaments», explique le médecin.La Dre Goyer déplore par ailleurs que la clientèle toxicomane ne soit pas suffisamment prise en charge, et elle note même une réticence de certains professionnels de la santé à s’en occuper.«Ce qui fait que bien souvent, ces patients n’ont pas accès aux soins de santé, leurs droits étant bafoués à ce chapitre, souligne-t-elle. Cela dit, je peux comprendre qu’un médecin exerçant en solo se sente dépassé face à un patient toxicomane. Ça prend toute une équipe interdisciplinaire pour s’en occuper.»La Dre Goyer rappelle aussi que l’usage thérapeutique régulier peut parfois se transformer en abus.Ainsi, une simple prescription d’antidouleur consécutive à un accident ou à une opération peut mener à un cycle de dépendance problématique, voire mortelle, si elle n'est pas traitée. «Et on constate alors une réelle stigmatisation que vivent ces patients "normaux", souvent confondus avec d’autres toxicomanes», indique-t-elle.BarrièresLe sondage a été réalisé notamment auprès des médecins de famille. Il souligne la relation de plus en plus problématique que les Québécois entretiennent avec les médicaments antidouleur de prescription.La Dre Goyer souligne aussi qu’il existe un certain nombre de barrières à l’accès au traitement, dont la formation insuffisante des médecins, mais aussi, selon elle, l’accès difficile au traitement.Deux molécules sont utilisées à ce chapitre: la méthadone et la buprénorphine (suboxone).Pour prescrire de la méthadone, les médecins doivent suivre une formation (de l'INSPQ) et faire une demande d'exemption fédérale, qui doit être renouvelée régulièrement, puisqu'il s'agit d'une substance contrôlée.Pour la buprénorphine, une formation préalable est nécessaire et cette molécule est encore un médicament d'exception de la RAMQ.«Il y a donc des limitations techniques et bureaucratiques», conclut la Dre Goyer.

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