Conseil numérique: ça vaut vraiment la peine, dit un médecin spécialiste de l’Outaouais

Le gynécologue gatinois Eric Himaya a adhéré à «eConsult» dès ses débuts et va poursuivre avec le conseil numérique.À moins d’imprévus majeurs, c’est en janvier 2021 que le «conseil numérique», une application sécurisée qui permettra à des médecins de famille de demander l’avis d’un médecin spécialiste et d’obtenir une réponse rapidement, sera déployé à travers la province. Quelques dizaines de médecins québécois ont déjà pu expérimenter cet outil avec succès depuis deux à trois ans grâce aux projets pilotes menés dans leur région sous le nom de «eConsult».C’est le cas du Dr Eric Himaya, un gynécologue de l’Outaouais qui a participé au projet pilote «eConsult» dès son lancement, en 2017. Il fait encore partie des spécialistes de son territoire qui répondent aux questions des omnipraticiens et va continuer de le faire quand l’application changera de nom pour «conseil numérique»; il est en effet pleinement satisfait de ce système et de ses retombées positives pour toutes les parties.«Personnellement, je travaille toujours pour le patient et je fais toujours ce qu’il y a de mieux pour lui, commente-t-il. C’est un bon projet, une bonne idée, ça vaut vraiment la peine. C’est une façon de répondre rapidement à plusieurs interrogations que se posent les omnipraticiens et d’éviter que des patients aient à attendre des mois pour une consultation en médecine spécialisée alors que, très souvent, il suffit de dire à un médecin de famille: “Oui, c’est correct” ou “Essaie tel médicament”.»À lire aussi: Télésanté: le conseil numérique de médecins spécialistes à médecins de famille, c’est pour très bientôtPour sa part, précise-t-il, il répond le plus souvent à des questions pour des cas qui lui apparaissent simples en tant que médecin spécialiste. Ce sont des problèmes que des médecins de famille ne connaissent pas ou dont ils ne sont pas certains et pour lesquels ils veulent connaître la marche à suivre, traitements, médicaments, référence, etc. Par exemple, un examen n’a pas révélé de cancer ou de cellules pré-cancéreuses, mais montré une anomalie. «Ça ressort souvent dans les questions, dit-il: “Je n’ai jamais vu cela. Qu’est-ce je fais?”» Il y a alors deux possibilités: soit il donne des informations à l’omnipraticien pour traiter ou lui dire d'ignorer le problème, soit le cas est trop complexe et il demande à ce que le patient lui soit référé.Comme médecin spécialiste, il réserve trente minutes pour les nouvelles consultations. Il considère que si le cas qui lui a été référé par le CRDS peut être réglé en quelques minutes ou aurait pu rapidement l’être par le médecin de famille grâce au conseil numérique, il aura alors perdu un temps précieux qu’il aurait pu accorder à un patient qui en avait réellement besoin. Sans compter que l’on a fait épargner des mois, voire des années, d’attente inutile à un patient.Avec le temps, le nombre de demandes de conseils qu’il reçoit a diminué. Le mois dernier, il croit en avoir reçu deux seulement. «Ça n’a jamais été quelque chose qui occupe énormément, souligne-t-il, et plus il y aura de médecins spécialistes impliqués, moins ça va nous occuper.»«Ce n’est tellement pas lourd et en même temps, c’est tellement facile, je ne vois pourquoi j’arrêterais, ajoute-t-il. Ce sont souvent des questions auxquelles je peux répondre de mon téléphone quand j’attends quelque part. Je n’ai pas besoin d’aller sur mon ordi ou de faire des recherches. Personnellement, ça me prend 10 minutes pour répondre parce que j’écris beaucoup et j’essaie de faire de l’enseignement en même temps, mais on peut très bien répondre beaucoup plus rapidement.» En plus, avec la Covid-19, le conseil numérique devient encore plus pertinent, croit-il.Le Dr Himaya s’attend à une hausse des demandes quand les médecins de famille seront rémunérés lorsqu’ils utiliseront le conseil numérique.«C’est tellement efficace et merveilleux» La Dre Annabelle Lévesque-Chouinard a été la première médecin de famille au Québec à utiliser «eConsult».Première médecin de famille au Québec à avoir recouru à «eConsult» en juillet 2017 dans le cadre du projet pilote amorcé en Outaouais, la Dre Annabelle Lévesque-Chouinard, qui pratique au GMF universitaire de Gatineau, dit que dans 70% des cas qu’elle soumet à un médecin spécialiste, le conseil numérique est suffisant. Avec les informations qu’elle reçoit, elle peut la plupart du temps régler elle-même le cas par téléphone ou revoir le patient, mais dans les deux situations, cela évite à ce dernier des mois d’attente inutiles pour être vu en spécialité.«Sans le conseil numérique, il y a beaucoup de situations où je référerais le patient au spécialiste, dit-elle. Ça peut être l’étape préalable pour beaucoup de cas de CRDS.» À ses yeux, l’un des grands avantages du conseil numérique est d’offrir un dialogue avec le spécialiste, et tant qu’elle a des interrogations, l’échange se poursuit. «Avec le CRDS, souligne-t-elle, je vais peut-être voir la note du spécialiste quand il aura vu mon patient, mais peut-être que non. Avec le conseil numérique, j’ai toute l’information et c’est beaucoup plus clair.»Actuellement, elle utilise le conseil numérique environ une fois par semaine. Remplir une demande lui prend en moyenne 5 à 10 minutes. Toutefois, pour les demandes en lien avec la psychiatrie, elle peut y consacrer jusqu’à 30 à 45 minutes, car il faut présenter le cas, l’historique du patient et décrire sa médication, mais elle juge que ça en vaut la peine.Le conseil numérique contribue aussi à nourrir les connaissances des omnipraticiens. Sa toute première demande portait sur un cas de polype au col de l’utérus. Avec les informations que lui a procurées le gynécologue, elle n’a plus eu besoin par la suite de se référer au médecin spécialiste pour un cas similaire.Dans l’Outaouais, la Dre Lévesque-Chouinard utilise le conseil numérique notamment en dermatologie («on prend une photo en haute résolution et la plupart du temps, ils sont capables de faire un diagnostic et nous dire quoi faire», précise-t-elle), en gynécologie, en psychiatrie, en médecine interne et en neurologie. Elle aimerait pouvoir obtenir le service en rhumatologie et en urologie. Aucun urologue de sa région n’aurait voulu adhérer au conseil numérique, ce qu’elle déplore.Les motifs de refus qu’elle a reçus de médecins spécialistes pour embarquer dans le «eConsult» étaient de trois ordres : manque de temps pour répondre aux demandes, absence de familiarité avec la technologie malgré sa simplicité et baisse de rémunération. Lors des projets pilotes, les médecins spécialistes étaient rétribués grâce à des fonds de recherche, mais certains se sont aperçus que ce service pouvait diminuer le nombre de patients qui leur sont référés et qu’une réponse numérique était moins payante qu’une véritable consultation. Pour certains médecins, c’était suffisant pour refuser d’y participer, même si l'outil peut éviter des mois d’attente et d’anxiété à des patients. On ignore encore à quelle hauteur les médecins spécialistes participants au conseil numérique seront rémunérés. Le 20 novembre dernier, les négociations étaient toujours en cours entre la FMSQ et le ministère de la Santé et des Services sociaux.L’absence de rémunération pour les médecins de famille lors des projets pilotes a aussi pu dissuader plusieurs omnipraticiens de recourir à ce mécanisme, mais ils seront rétribués lorsque le conseil numérique sera déployé dans toute la province. Une entente a été conclue à ce sujet avec la FMOQ le 16 novembre dernier.La Dre Lévesque-Chouinard a pu constater le très haut degré de satisfaction des patients pour lesquels elle avait utilisé «eConsult». «Ils n’en reviennent pas que j’aie parlé de leur cas au spécialiste en quelques jours, décrit-elle. C’est tellement efficace, c’est tellement merveilleux, disaient-ils. C’est le fun d’entendre cela comme médecin de famille!»

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