Comment les différentes configurations de l’assurance médicaments fédérale peuvent-elles affecter les résultats des pharmacies?

La loi fédérale sur l’assurance médicaments est entrée en vigueur au début du mois. Le futur régime national couvrira les contraceptifs, de nombreux médicaments contre le diabète ainsi que des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.Cependant, on ne sait pas encore exactement qui sera couvert et comment, et les détails pourraient avoir un impact profond sur la charge de travail et les revenus des pharmacies.La première étape pour le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, est de nommer un comité qui fera des recommandations sur la mise en œuvre de l’assurance médicaments. L’Association canadienne des pharmacies de quartier (Pharmacies de quartier) et l’Association des pharmaciens du Canada (APhC) plaident toutes deux pour que des représentants des pharmacies fassent partie de ce comité. «Nous espérons que les pharmaciens seront présents tout au long du processus», déclare Joelle Walker, vice-présidente des affaires publiques et professionnelles de l’APhC. «Car ce sont eux qui seront en première ligne pour mettre en œuvre le programme.»L’une des principales questions en suspens est celle du fonctionnement du système. Couvrira-t-il tous les Canadiens ou seulement ceux qui ne sont pas assurés? Le régime fédéral sera-t-il utilisé pour ces médicaments et les assurances privées n’interviendront-elles pas? Ou s’agira-t-il d’une sorte de système à payeur mixte, dans lequel les Canadiens pourraient utiliser leur assurance privée et le régime public? «La décision sera prise en fonction des données, de la science et des preuves», a indiqué le ministre Holland à la Presse Canadienne.Mark Holland avait déjà déclaré que les médicaments concernés bénéficieraient d’une couverture universelle, à payeur unique et seraient «remboursés dès le premier dollar». Auparavant, il avait avancé que les gens pourraient choisir d’utiliser leur assurance santé ou le régime fédéral.«Le gouvernement a déclaré qu’il allait mettre en place un système de paiement unique pour ces médicaments, mais la manière dont tout cela va se dérouler reste complexe. Les patients vont-ils abandonner leur couverture privée? Aurons-nous une double couverture? Il y a beaucoup de questions», observe Shelita Dattani, première vice-présidente des affaires pharmaceutiques et de l’engagement stratégique chez Pharmacies de quartier.Les pharmacies plaident en faveur d’une assurance médicaments à payeur mixteL’APhC et Pharmacies de quartier plaident toutes deux en faveur d’un système à payeur mixte.Ce système présente de nombreux avantages, selon Shelita Dattani, qui s’est adressée à la commission sénatoriale des affaires sociales, de la science et de la technologie au sujet de l’assurance médicaments. L’un d’eux est qu’il a un impact direct sur les résultats des pharmacies, car un système à payeur unique réduirait à la fois les honoraires de dispensation et les marges bénéficiaires, qui constituent la majeure partie des revenus de la plupart des pharmacies.Les honoraires de dispensation devraient subir l’impact le plus important, bien que les marges bénéficiaires soient également touchées. En Ontario, par exemple, le programme provincial de médicaments verse aux pharmacies des honoraires de 8,83 dollars, tandis que les régimes privés paient en moyenne 11 dollars.L’APhC a demandé au Sénat d’étudier l’impact de l’assurance médicaments sur les résultats des pharmacies et d’inclure les frais d’exécution d’ordonnance ainsi que le coût du médicament. «Nous voulons qu’il soit officiellement reconnu que l’assurance médicaments ne concerne pas seulement le coût du médicament, mais aussi les services pharmaceutiques qui l’accompagnent», signale Joelle Walker.Pharmacies de quartier a soumis au Sénat une analyse de ces répercussions. Il en ressort qu’un programme national d’assurance médicaments couvrant les contraceptifs et les médicaments contre le diabète, tant pour les personnes non assurées que pour celles bénéficiant déjà d’une couverture, réduirait les revenus des pharmacies de 43 millions de dollars par an.Un impact sur les coûts du gouvernementCette solution est également moins coûteuse pour le gouvernement: couvrir chaque Canadien non assuré pour le diabète et la contraception coûterait 300 millions de dollars par an, tandis que couvrir tous les Canadiens coûterait 900 millions de dollars, selon les estimations de Pharmacies de quartier. «Si l’on pense à l’argent que nous devrons dépenser pour cela, nous pensons qu’il serait beaucoup plus avantageux pour un plus grand nombre de Canadiens de cibler un large éventail de groupes de maladies, mais de financer ceux qui n’ont pas de couverture plutôt que ceux qui en ont déjà une et qui n’ont pas [de problèmes]», mentionne Joelle Walker.Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’accès aux médicaments à l’Université de Colombie-Britannique, Michael Law estime que ce n’est pas si simple. Selon lui, le coût public augmenterait, mais pour de nombreuses personnes, cette augmentation serait compensée par le fait qu’elles n’auraient pas à payer la «taxe salariale implicite» liée au coût de leur assurance privée. Malgré cela, il estime qu’il est trop tôt et qu’il y a trop peu de détails pour qu’il sache quel modèle est le meilleur selon lui.En revanche, la Dre Fiona Clement, directrice de l’unité d’évaluation des technologies de la santé de l’Université de l’Alberta, se dit en faveur d’un système à payeur unique. «D’après les données dont nous disposons dans d’autres pays, le fait de réglementer ou d’inscrire l’assurance privée dans le cadre du mécanisme visant à établir une couverture complète de la population a donné lieu à des modèles complexes dans lesquels chaque individu bénéficie de différents niveaux de couverture. Si l’objectif final est que tous les Canadiens bénéficient de la même couverture, l’assurance privée n’y parviendra pas», observe-t-elle. Elle ajoute que la mise en place d’un système à payeur unique donnerait au gouvernement une position plus forte pour négocier les prix des médicaments.Lire aussi: L'assurance médicament coûterait 11,2 milliards $ en 2024-2025Mise en œuvre et perturbationsUne autre raison pour laquelle l’APhC et Pharmacies de quartier sont favorables à un régime mixte est que la mise en œuvre est plus simple.Shelita Dattani et Joelle Walker ont toutes deux cité l’assurance santé OHIP+ de l’Ontario comme exemple des perturbations que pourrait entraîner le passage à un régime public. «L’une de nos pharmacies membres avait un enfant atteint d’un cancer qui recevait une chimiothérapie couverte par l’assurance des parents, mais lorsque le changement s’est produit, la chimiothérapie n’était pas couverte par le régime OHIP+», illustre Shelita. Le médecin a dû remplir une demande dans le cadre du programme d’accès exceptionnel, et l’enfant n’a pas reçu sa chimiothérapie pendant huit semaines.Pharmacies de quartier craint également qu’un programme public soit plus restreint qu’un régime privé, ce qui augmenterait les risques de pénurie et limiterait le choix des médicaments.Les préférences des CanadiensLes deux associations affirment que les Canadiens ne veulent pas renoncer à leurs régimes privés. «Il y a un système qui fonctionne très bien pour beaucoup de Canadiens à l’heure actuelle. Les régimes publics sont généralement moins complets, et nous ne voulons pas ramener tout le monde au niveau de base; au contraire, nous voulons tirer tout le monde vers le haut», affirme Joelle Walker.Pharmacies de quartier a également mené un sondage en 2020 qui a révélé que 80% des Canadiens étaient satisfaits de leur assurance-médicaments et que 75% d’entre eux ne souhaitaient pas que leurs prestations soient remplacées. «Nous devons être à l’écoute de ces personnes», considère Shelita Dattani. Que se passera-t-il ensuite?De nombreux aspects pratiques seront décidés dans le cadre des accords que le gouvernement fédéral négociera avec les provinces, ce qu’il espère faire d’ici le printemps. La Colombie-Britannique est la plus avancée dans ce domaine, puisqu’elle a déjà conclu un protocole d’accord avec Ottawa.L’Alberta, en revanche, est réticente: sa ministre de la santé, Adriana LaGrange, a déclaré qu’elle ne participerait pas au régime fédéral et qu’elle préférerait que les fonds soient alloués à son programme Alberta Blue Cross. Le Québec, qui dispose de son propre régime d’assurance médicaments, a également exprimé son souhait de ne pas participer, mais d’être indemnisé.Lire aussi: Assurance médicaments: les provinces ne pourront avoir les fonds sans conditionsLe gouvernement fédéral doit aussi faire face à la menace d’élections anticipées qui pourraient amener le chef du parti conservateur, Pierre Poilievre, à supprimer le plan ou à en minimiser les effets. «Un gouvernement conservateur pourrait très bien arriver au pouvoir, ajouter les montants de l’assurance médicaments aux transferts en santé et s’en laver les mains», prévient Michael Law.Il craint que le calendrier ne mette en péril l’ensemble du projet, mais il espère que les choses se feront à temps. «Nous avons donné tellement de coups de pied dans la fourmilière pour améliorer la couverture pharmaceutique au Canada — cela remonte aux années 1960 — et il serait assez triste de perdre encore une fois une occasion politique d’améliorer l’accès aux médicaments.»

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