Comment gérer l’anxiété de performance

Il existe heureusement des façons de gérer l’anxiété de performance, et même de la prévenir. Bien que l’anxiété de performance ne figure pas dans la liste des troubles anxieux reconnus dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), elle s’apparente en tous points à l’anxiété : elle en revêt le même caractère irrationnel, persistant et excessif. « La COVID-19 a des effets sur la santé mentale et l’anxiété de performance, car elle comporte deux facteurs fondamentaux dans la genèse de ce trouble : le manque de contrôle et l’imprévisibilité. » Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec Marquée par la perception d’une menace à l’ego si le professionnel sous-performe, l’anxiété de performance chez les médecins et les pharmaciens s’explique non seulement par les exigences et les attentes élevées des patients, mais aussi par celles qu’ils s’imposent eux-mêmes, indique Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. L’importance critique, voire vitale, des actes que posent ces professionnels au quotidien vient amplifier leur désir de perfection à tout prix, précise-t-elle. « Ils utilisent des mécanismes qui vont augmenter l’anxiété de performance, par exemple ils se montrent très perfectionnistes, remettent à plus tard des tâches qu’ils croient ne pas pouvoir bien faire et ne se donnent pas le droit à l’erreur. » La pandémie a exacerbé ce désir de perfection chez les médecins et les pharmaciens, augmentant ainsi le risque de souffrir d’anxiété de performance. À ce chapitre, un sondage réalisé par le Collège des médecins du Québec démontre que 66 % des médecins ont noté un impact plutôt négatif ou très négatif de la pandémie sur leur niveau d’anxiété. Cette proportion est de 65 % en ce qui concerne l’impact négatif sur leur santé mentale globale. « La COVID-19 a des effets sur la santé mentale et l’anxiété de performance, car elle comporte deux facteurs fondamentaux dans la genèse de ce trouble : le manque de contrôle et l’imprévisibilité », souligne la psychologue. Le Dr Serge Marquis, médecin spécialiste en santé communautaire, fait remonter l’anxiété de performance à l’enfance. « Même si un enfant a les meilleurs parents au monde, il peut confondre être aimé et réussir à tout prix pour obtenir de la reconnaissance, simplement parce qu’il se fait applaudir lorsqu’il ne se trompe pas. Et ça, ça se transporte tout au long de notre vie : on pense que si on ne performe pas, on ne sera pas reconnu. » Qui plus est, la place qu’occupe la performance dans la société, qui donne l’impression qu’une vie réussie n’est possible que si l’on… performe, est un facteur important dans la manifestation de l’anxiété de performance, ajoute-t-il. Détecter les drapeaux rouges De nombreux signaux de l’anxiété de performance commenceront, petit à petit, à apparaître chez un professionnel anxieux. On pourra alors constater une plus grande irritabilité, des sentiments d’autodépréciation, de la difficulté à s’endormir ou à se rendormir à cause de pensées liées au travail qui occupent l’esprit et une tendance à s’isoler des autres. Le Dr Marquis ajoute à cela des troubles somatiques, comme des problèmes de peau ou de digestion, signes d’un excès d’anxiété. Chez un collègue, il sera possible d’observer un grand désir de contrôle, une tendance à l’hypervérification, une attitude compulsive, la répétition de gestes et l’évitement de certaines situations, ou l’urgent besoin de poser certains actes médicaux ou pharmaceutiques, décrit à son tour la psychologue Christine Grou. « Si l’on sent qu’on ne reconnaît plus son collègue, c’est généralement le signe que quelque chose cloche », note le Dr Marquis. « Il faut trouver l’équilibre et découvrir ses limites entre surperformer et relever des défis, parce que cela permet d’actualiser son potentiel. » Dr Serge Marquis, médecin spécialiste en santé communautaire Des moyens pour la gérer Heureusement, plusieurs moyens sont à la disposition des professionnels pour atténuer les effets de l’anxiété de performance. Christine Grou suggère d’abord la méditation de pleine conscience. « Il suffit de prendre le temps de s’arrêter, de se détendre, de fermer les yeux et de prendre conscience des pensées qui nous envahissent. Il faut accueillir ces pensées et les laisser passer plutôt que de les chasser, puis prendre du recul. » Pour aider un collègue aux prises avec l’anxiété de performance, une approche toute en délicatesse, qui reflète son comportement, est à privilégier. Pour y arriver, le Dr Marquis conseille d’approcher le collègue avec des faits, sans jugement. Puis, on lui fait part de son inquiétude, tout en lui proposant de l’aide ou en lui donnant des choix pour lui permettre de se rétablir s’il est récalcitrant. Humaniser le trouble peut d’ailleurs contribuer à ce qu’un collègue qui en souffre se sente à l’aise de partager ce qu’il vit. « Quand l’anxiété de performance est grande, on ne parle pas de ce dont on n’est pas fier. Ça entretient à tort l’illusion d’une protection », confirme la psychologue. La prévention est la clé Les gestionnaires peuvent néanmoins poser plusieurs actions afin de prévenir l’anxiété de performance chez leurs employés. Aussi simple soit-elle, la reconnaissance constitue un moteur de motivation important pour ces derniers, et les gestionnaires ont la capacité de l’instaurer, rappelle le Dr Marquis. « Elle peut s’appuyer sur le travail, les actes accomplis dans le cadre professionnel, mais elle peut aussi être humaine, et s’exprimer à travers des mots simples comme “bonjour, comment ça va ?”, ou encore “merci”. En somme, c’est montrer à l’autre qu’il existe et l’écouter attentivement quand il nous parle. » Offrir des outils psychologiques à ses employés, c’est aussi mettre à leur disposition non seulement des stratégies d’autosoins, mais aussi des façons de détecter l’anxiété de performance lorsque les signes avant-coureurs deviennent de plus en plus marqués, selon Christine Grou. « Favoriser une culture de la santé psychologique, ça passe par la formation, mais aussi par un discours ouvert, du mentorat et de l’aide lorsque les employés en ressentent le besoin pour traiter le trouble plus tôt que tard », indique-t-elle, précisant qu’il faudrait mettre l’accent sur la prévention dans le cursus universitaire. Or, l’anxiété n’est pas toute mauvaise; il en faut pour avancer, bien se concentrer sur une tâche et offrir une performance optimale, en l’utilisant comme une alliée. « Il faut trouver l’équilibre et découvrir ses limites entre surperformer et relever des défis, parce que cela permet d’actualiser son potentiel. Mais la ligne est mince et très subtile », conclut le Dr Marquis

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