Comment aider les patients à modifier leur comportement?

Les patients difficiles à gérer font partie du quotidien du médecin. Il y a le patient impoli et agressif, celui qui se plaint constamment ou celui qui se présente pour un rendez-vous de 15 minutes avec une longue liste de problèmes de santé. Enfin, il y a les patients qui ne peuvent pas - ou simplement ne veulent pas - se conformer à leur plan de traitement. «Selon mon expérience, j'ai eu l'impression que les attentes des patients ne correspondaient pas à la réalité de ma pratique ou à la capacité du système de santé à répondre à leurs attentes», a commenté la Dre Lorraine Sharp, médecin de famille à Sault-Sainte-Marie (Ontario), qui travaille comme hospitaliste et médecin de garde en soins palliatifs. «J'ai également observé que de nombreuses préoccupations des patients - qui peuvent même donner lieu à des échanges houleux - sont dues au fait qu'ils ne comprennent pas ce qu'on leur demande de faire. Souvent, il y a beaucoup de tests à faire, et la marche à suivre n’est pas clairement expliquée aux patients.» Les patients difficiles peuvent alourdir le fardeau déjà lourd de la pratique des médecins. Ils prennent inutilement plus de temps que les autres patients et, dans certains cas, peuvent perturber l'équipe soignante et administrative. Validez, identifiez et proposez une solution Que peuvent donc faire les médecins pour modifier les comportements exigeants, voire difficiles, de ces patients? La Dre Sharp adopte une approche qui valide et identifie les sentiments du patient, et propose une solution. Par exemple, lorsqu'un patient se plaint d'avoir attendu trop longtemps, la docteure Sharp le remercie d'avoir exprimé son inquiétude, lui fait part de ses propres sentiments concernant l'attente et lui suggère de prendre ses prochains rendez-vous le matin, lorsque le cabinet est moins fréquenté. Elle oriente ensuite rapidement la conversation sur les problèmes de santé du patient. Mais s'il est important de faire preuve d'empathie, il est parfois nécessaire d'adopter une approche ferme, sinon sévère. La Dre Sharp explique que lorsque les patients deviennent agressifs ou carrément injurieux, elle les emmène immédiatement dans une salle privée et leur dit que leur comportement n'est pas acceptable. Contrôlez le rendez-vous Un patient vous a-t-il déjà présenté une liste de problèmes de santé? La Dre Sharp propose une solution à ce scénario commun: «Dites au patient: "OK, c'est bien, et nous pouvons aborder un ou deux points au cours de cette consultation. Par où voulez-vous commencer?"» Les médecins doivent également s'assurer de ne pas prendre le contrôle de la conversation trop tôt, et qu'ils ne supposent pas que le patient est venu pour faire le suivi d'un problème de santé dont il a déjà discuté. Cela mène souvent au redoutable scénario de la «poignée de porte», où le patient a enfin l'occasion d'évoquer la véritable raison de sa visite au moment où le médecin vient d'ouvrir la porte pour mettre fin à la consultation. Oubliez l'enseignement et l'information Selon le Dr Michael Vallis (PhD), psychologue de la santé et professeur agrégé de médecine familiale à l'Université Dalhousie de Halifax, une première étape importante consiste à reconnaître que, lorsqu'il s'agit de comportements ayant un impact direct sur la santé, l'ancien modèle des médecins - voulant qu’ils soient des experts qui «enseignent et informent» - ne fonctionne plus actuellement dans de nombreux scénarios. «Il fonctionne encore bien dans un contexte d'urgence où, par exemple, un patient subit une crise cardiaque et où l'issue dépend presque entièrement des actions du médecin et de l'équipe soignante, a précisé le Dr Vallis. Mais aujourd'hui, avec la prévalence croissante des maladies chroniques telles que le diabète, l'hypertension et la MPOC, les résultats sont déterminés non seulement par ce que le médecin fait pendant la consultation, mais aussi en grande partie par ce que fait le patient en dehors de la visite.» Faciliter l'acceptation Pour de nombreux patients, le premier obstacle sur la voie du traitement est d'accepter leur maladie. Selon le Dr Vallis, les médecins peuvent aider leurs patients en leur demandant ce qu'ils pensent de leur diagnostic, comment ils se perçoivent dans le contexte de leur maladie. «Je vous suggère même de demander à votre patient: "Comment puis-je, en tant que médecin, vous aider à accepter votre maladie?"» Une fois que les patients acceptent leur maladie, l'étape suivante consiste à accepter leur traitement. En pratique, cela signifie pour le patient de prendre les mesures nécessaires pour commencer et suivre le plan, comme faire exécuter une ordonnance et prendre les médicaments. Pour les patients qui semblent rejeter leur traitement, le Dr Vallis suggère d'aller à la racine du problème en posant des questions telles que: Dans quelle mesure pensez-vous avoir besoin de ce traitement? Dans quelle mesure avez-vous des inquiétudes à propos de ce traitement? Un bon moyen d'aider les patients à évaluer et à partager leurs sentiments est de leur demander de classer leurs réponses sur une échelle numérique allant de 1 à 10, par exemple. Pas de jugement, pas d'encouragement Codie Rouleau (PhD), psychologue clinicienne basée à Calgary, avance qu'une stratégie courante, utilisée par les prestataires de soins de santé qui tentent d'améliorer l'observance du traitement, consiste à renforcer la confiance de leurs patients en les félicitant. Dans le cas des patients qui ne parviennent pas à respecter leur plan de traitement, il est beaucoup plus utile de les aider à élaborer une stratégie d’observance que de les complimenter. «Au lieu d’évoquer des lieux communs comme “Je sais que vous pouvez le faire”, vos patients seront mieux servis si vous les aidez à créer un plan d'action et un plan d'adaptation, soutient la Dre Rouleau. Pour les aider à élaborer un plan d'action, posez-leur des questions très précises telles que: quand pourriez-vous commencer à améliorer votre alimentation, serait-il possible de vous fixer comme objectif d'ajouter une tasse de légumes à votre alimentation au moins quatre fois par semaine, et quels jours de la semaine serait-il plus facile pour vous de le faire?» Le fait d'entrer dans les détails peut aider les patients à fractionner les changements qu'ils doivent effectuer et à visualiser la manière dont ils peuvent intégrer ces actions dans un plan. En plus de ce plan d'action, les patients ont également besoin d'un plan d'adaptation qui les prépare à faire face à d'éventuels obstacles tels que l'impossibilité de préparer le dîner en raison d'obligations professionnelles. Ne dictez pas, mais collaborez Selon la Dre Rouleau, il est essentiel de donner aux patients le sentiment qu'ils participent activement à leur traitement. Au lieu de dire aux patients ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire, ou même de les gronder, la psychologue suggère plutôt d'adopter une approche collaborative. Cela peut être aussi simple que de demander au patient la permission de parler de changement de comportement et de l'encourager à partager ses idées qui lui permettraient d’améliorer son comportement en matière de santé. «Interrogez le patient sur ses motivations, sur l'importance qu'il accorde à ce changement dans l'immédiat et sur les avantages qu'il pourrait en retirer - par exemple, jouer au football avec son enfant ou, s'il fume beaucoup, cesser de fumer pourrait lui permettre d’économiser pour voyager, poursuit la Dre Rouleau. L'une des choses les plus utiles qu'un médecin puisse faire est d'être conscient de toutes les forces et réactions psychologiques qui font obstacle au changement, et de les aborder en collaboration avec le patient.»

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