Collaboration interprofessionnelle et avantages de l’autorité de prescrire pour les pharmaciens

Rendez-vous au bas de l'article, pour faire part de vos commentaires.« Alors, êtes-vous infirmière ou médecin ? »« En réalité, je ne suis ni l’un ni l’autre. Je suis pharmacienne. »« Je n’ai jamais entendu parler de pharmaciens exerçant en clinique. Est-ce un phénomène nouveau ? »« Oui, ça l’est. »« Et l’ordonnance que vous venez de me donner pour de la warfarine et une nouvelle injection, je ne savais pas que les pharmaciens pouvaient rédiger des ordonnances. C’est nouveau ça aussi ? »« Oui, relativement nouveau. »« Alors je ne suis pas obligé de voir mon médecin aujourd’hui ? »« Non, pas aujourd’hui. Cependant, le docteur B. souhaite effectuer un suivi avec vous dans une semaine, pour vérifier votre caillot à la jambe. Il y a également un certain nombre de choses que je voudrais revoir avec vous, à moins que vous ayez d’autres questions à me poser auparavant ? »J’ai très souvent eu ce genre de conversation en 2009, lorsque j’ai obtenu le plein droit de prescrire, deux ans après avoir commencé à exercer en tant que pharmacienne dans un réseau de soins primaires (Primary Care Network « PCN »), en Alberta. Je continue d’entendre de tels commentaires, mais moins souvent - une petite victoire pour moi, car cela prouve que je fais partie intégrante de cette équipe interprofessionnelle axée sur le patient. La collaboration prend plusieurs formes, que ce soit une consultation expresse dans le couloir avec un médecin, une évaluation de l’état du patient menée avec une infirmière ou encore, un cours particulier sur l’anticoagulation avec le patient. La prise en charge du diabète, la désaccoutumance du tabac ou le contrôle de l’hypertension artérielle font également partie des quelques domaines où l’approche d’équipe est préconisée.L’autorité de prescrire élargie m’a permis d’étendre davantage mon rôle au sein de notre équipe interprofessionnelle. Par exemple, notre réseau de soins primaires a récemment lancé un programme centralisé sur l’anticoagulation. Les médecins nous recommandent des patients qui commencent un traitement à la warfarine, qui nécessitent une prise en charge péri-procédurale ou qui ont un RIN instable et exigent une éducation spécialisée et une surveillance plus étroite. Une fois le patient recommandé dans le cadre de ce programme, nos pharmaciens l’instruisent, gèrent son traitement anticoagulant et lui prescrivent de la warfarine, de l’héparine de faible masse moléculaire et de la vitamine K lorsque cela s’avère nécessaire. La capacité de prescrire ces médicaments permet d’offrir une prestation de soins complète au patient et d’éliminer les retards autrefois liés à la nécessité d’obtenir l’approbation des ordonnances - un gain de temps pour les patients et les médecins. Nous avons constaté que les patients étaient ravis d’avoir un accès facilité aux pharmaciens, et que ces derniers jouaient fréquemment le rôle d’intermédiaire auprès du médecin lorsque les patients avaient des préoccupations à communiquer. L’approche d’équipe est une formule où toutes les personnes engagées trouvent leur compte.Le docteur James Bell est médecin de famille et médecin chef de notre réseau de soins primaires. Je lui ai demandé de décrire en ses propres mots les avantages que présente une équipe de soins de santé interprofessionnelle :« En ce qui me concerne, notre expérience de la pratique interprofessionnelle est un immense succès. Le programme sur l’anticoagulation en est d’ailleurs un exemple parlant. Avant l’instauration de ce programme, nous étions particulièrement contrariés de manquer de temps et de moyens pour traiter un si grand nombre de patients et gérer la complexité lorsqu’un problème survenait ou encore lorsque, pour une raison ou une autre, un traitement devait être interrompu. Nous avions toujours le sentiment que les contraintes de temps nous empêchaient de fournir des instructions adéquates, qui permettent aux patients de se protéger de toute complication, et tout particulièrement les patients débutant un traitement anticoagulant.« Le programme sur l’anticoagulation nous a permis de travailler en étroite collaboration avec nos pharmaciens, ce qui a donné lieu à un certain nombre de résultats positifs. Ma journée est moins perturbée puisque le pharmacien est présent et qu’il m’aide à régler les problèmes plus urgents. Les patients sont désormais mieux instruits et préparés au traitement anticoagulant, ce qui leur permet de mieux maîtriser leur état. De plus, nous sommes maintenant en mesure de fournir une meilleure prestation de soins et d’accompagner les patients de manière plus adéquate. »« Le fait que les pharmaciens soient habilités à prescrire nous a permis de gagner du temps et d’épargner de l’énergie. En outre, je pense que les médecins et les pharmaciens ont amélioré leur base de connaissances en partageant leurs compétences respectives. Cette expérience positive dans le domaine de l’anticoagulation nous a permis de développer des relations de confiance entre nous, et d’évoluer dès à présent vers un modèle de collaboration véritable pour la prise en charge de nombreux autres patients souffrant de maladie chronique. »Je ne pourrais être plus en accord avec les propos du docteur Bell. Le programme sur l’anticoagulation n’est qu’un début pour notre équipe et pour nos patients. Nous avons bâti de solides relations de travail, et avons acquis une compréhension accrue des compétences cliniques de chacun - ce qui favorise naturellement la collaboration sur d’autres aspects de la prestation de soins. Quand on commence à travailler côte à côte, on doit lutter pour la moindre victoire et s’en servir pour aller de l’avant. Le changement peut sembler difficile au début, mais les choses finissent par se simplifier quand on réalise tout ce qui peut être accompli. Le changement finit même par devenir une source de stimulation!Melissa Dechaine et James Bell font partie du réseau de soins primaires St. Albert and Sturgeon (St. Albert and Sturgeon Primary Care Nework), en Alberta. Ce réseau, qui offre une prestation de soins primaires multidisciplinaire et coordonnée à plus de 73 000 patients dans le comté de St. Albert and Sturgeon, comprend des pharmaciens, infirmiers, diététiciens, coordonnateurs de services de santé mentale et conseillères en allaitement.

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