Cinq conseils pour réussir une carrière en médecine de famille

Le 26 juin, j’ai mis un «gâteau du mercredi» au four. Plus ou moins régulièrement, j’apporte des gâteaux ou des muffins faits maison dans la salle de cours. J’essaie de le faire assez souvent pour que cela devienne une tradition, mais pas trop non plus pour que cela ne suscite pas une attente. Depuis le début de ma carrière, j’accueille les nouveaux résidents en médecine familiale dans notre clinique le 1er juillet. Je supervise des étudiants depuis environ quarante ans. Ce 26 juin était en quelque sorte mon chant du cygne.Dans l’après-midi, j’ai participé à l’un des meilleurs ateliers que j’ai jamais suivis au cours de mes nombreuses années d’enseignement. Ma collègue, la belle et talentueuse Dre Jenny Wu, qui est responsable de l’organisation des sessions d’enseignement pour les résidents au CLSC Parc-Extension, a demandé à trois médecins de famille chevronnés et bientôt à la retraite de donner des conseils sur la façon de survivre et de s’épanouir au cours d’une longue carrière en médecine familiale. Nous trois, Thomas, Juan-Carlos et moi-même, avons des personnalités, des intérêts et des parcours professionnels très différents. Pourtant, ce qui est remarquable, c’est que la plupart de nos conseils étaient les mêmes. Nous avons en commun d’être tous trois des cliniciens enseignants, travaillant avec des populations défavorisées et dévoués à la formation, cela peut donc ne pas être pertinent pour des personnes ayant d’autres priorités. Pour résumer, voici quelques-uns des conseils que nous avons donnés à nos étudiants et à nos jeunes collègues.1. Le temps Lorsque vous passez du statut de résident à celui de médecin en exercice, résistez à la tentation de vous surcharger de travail à temps plein. Votre première année d’exercice est un énorme saut. Chaque patient est nouveau. Chacune de vos tâches est un défi, car vous avez un niveau de responsabilité accru. Ne vous exposez pas à un épuisement professionnel prématuré! Compte tenu de la pénurie actuelle de médecins de famille, tout le monde réclame votre temps. Résistez! Il est plus facile d’ajouter que de retirer. Au début, essayez de ne travailler que trois ou quatre jours par semaine; les gardes comptant comme des jours de travail. Assurez-vous de réserver du temps pour la paperasse dans vos cliniques ou essayez un assistant médical virtuel. Dès le début, prévoyez des vacances tous les trois ou quatre mois. Lorsque vous commencerez à vraiment connaître vos patients et votre travail, vous voudrez peut-être ajouter un jour à votre semaine de travail, ou peut-être pas. N’oubliez pas qu’une carrière médicale est un marathon, pas un sprint, alors allez-y à votre rythme!Lire aussi: Les médecins de famille du Québec travaillent-ils suffisamment?2. L’argentL’argent est une bonne chose, mais ce n’est pas la seule chose qui compte. L’un de mes grands regrets est de n’avoir jamais travaillé en milieu rural ou fait de remplacements dans le Nord. Cela m’aurait permis de rembourser mes dettes plus rapidement et cette expérience aurait fait de moi un meilleur médecin, plus rapidement. Mes collègues qui ont travaillé en région ont acquis des connaissances et des compétences considérables, qui ne peuvent être acquises que lorsque vous êtes le seul responsable! De plus, lorsque vos enfants sont jeunes, c’est le moment idéal pour s’éloigner de la ville. Lorsque vous réfléchissez à votre équilibre professionnel, vous travaillez en partie par amour, en partie pour l’argent et en partie pour l’avancement de votre carrière. Si un emploi vous offre deux de ces trois possibilités, il vaut la peine d’être exercé. Si vous obtenez les trois en même temps, vous avez de la chance!Veillez à bien exercer votre métier. Il n’y a rien de mal à travailler dans des cliniques sans rendez-vous dans le cadre de votre pratique, c’est un bon moyen de gagner de l’argent. Mais une pratique entièrement axée sur la médecine de masse détruit l’âme. Les médecins de famille les plus malheureux que je connaisse sont ceux qui pratiquent une médecine à haut volume, avec peu de contact et peu de suivi. Ils sont constamment en colère contre les patients qui ont besoin de plus que ce qu’ils sont prêts à donner.Lire aussi: Dans la peau (et le cerveau) d’un patron médecin3. Pratique longitudinaleNous avons parlé des joies de la médecine familiale longitudinale. Comment aider les gens à avancer dans leur vie, jouer ce petit rôle important dans leur existence, peut être profondément gratifiant. Il a beaucoup été question du fait que cette génération de médecins de famille abandonne les soins longitudinaux au profit d’aspects plus lucratifs et moins contraignants de la pratique. C’est quelque chose contre lequel nous devons tous lutter, en supprimant les contraintes et les absurdités administratives. Honnêtement, c’est là que réside le véritable pouvoir de la médecine de famille. C’est là que se trouve la partie la plus épanouissante de notre pratique!4. Traiter avec le gouvernementLe message principal que nous avons passé aux résidents était étonnamment similaire pour nous trois. N’ayez pas peur de changer, car le changement est le cadeau de la médecine de famille. Essayez de manipuler le système à votre avantage, adaptez les règles à ce que vous voulez faire plutôt que l’inverse. En général, ne prenez pas le gouvernement trop au sérieux. Ses politiques changeront sans cesse. Restez sur votre lancée, essayez de vous adapter à ce qu’il veut sans compromettre votre âme.Lire aussi: Bienvenue à bord, chers collègues5. FamilleEnsuite, fidèle à moi-même, j’ai parlé de l’équilibre entre carrière et famille. Tout d’abord, j’ai rendu hommage à ma femme de ménage et nounou de longue date, Theresa Polydore. Pendant 20 ans, son travail m’a permis de me consacrer à ma carrière en toute sérénité, sachant que mes enfants étaient en sécurité et que ma maison ne sombrerait pas dans le chaos. Je conseille à tous les médecins de se faire aider à la maison. Comme ma mère me l’a dit lorsque je me suis mariée: «Perle, le mariage est déjà assez difficile, engage une femme de ménage!» Et comme mon père disait souvent: «Certains problèmes se résolvent mieux en y mettant de l’argent.» Presque rien ne cause plus de conflits dans une relation que des attentes différentes en matière d’ordre et de propreté. Même si vous vous sentez accablé par les dettes, payez quelqu’un pour vous aider à faire le ménage. Dans le même ordre d’idées, je recommande vivement de garder les rôles de genre fluides au sein du foyer. Acceptez les différences dans les styles parentaux. Chaque personne élève ses enfants différemment, ce n’est pas nécessairement une erreur. En tant que médecins, nous avons un problème: comme nous passons toute la journée à dire aux gens ce qu’ils doivent faire, nous pensons pouvoir continuer à le faire à la maison et dans nos relations intimes.Mon dernier conseil à mes résidents était: ne vous mariez pas avec un imbécile! Plus important encore, essayez de ne pas avoir d’enfants avec un imbécile. Mon mariage a été le soutien le plus important de ma carrière et la source la plus constante de ma joie. Se marier avec un imbécile, comme je l’ai vu chez beaucoup de mes amis, non seulement détruit votre bonheur, mais nuit aussi gravement à votre carrière. J’ai donné aux résidents quelques exemples de signaux d’alerte et de signaux positifs qui aident à distinguer les grenouilles des princes. Lire aussi: Vers un allongement de la résidence en médecine de familleLa dernière partie de l’atelier a été, pour moi, la plus stimulante. Les résidents nous ont posé des questions qui leur tenaient à cœur. Celles-ci étaient profondes, très variées et impossibles à résumer dans cet article. Cela m’a rendue pleine de gratitude que l’avenir des soins de santé soit confié à ces jeunes gens réfléchis, intelligents et dévoués. Nous avons parlé de la mort, des erreurs médicales et de la culpabilité. J’ai avoué mes regrets concernant mes propres défauts, notamment mon terrible caractère, que j’ai toujours excusé en le qualifiant d’indignation légitime. J’ai expliqué comment j’ai lutté pendant des années pour le contrôler. Nous avons discuté de la manière de gérer le sentiment d’impuissance face aux défis bio-psychosociaux écrasants auxquels sont confrontés nos patients, et de la manière de trouver un équilibre entre le courage de faire ce que nous pouvons et le désespoir de ne pas pouvoir réparer ce qui doit l’être. J’ai cité mon ancien mentor, le Dr Michael Klein: «Si vous n’êtes pas Dieu, vous n’avez pas à assumer la responsabilité des catastrophes naturelles.»L’atelier s’est terminé par un gâteau et des embrassades. J’étais heureuse d’entamer ma retraite avec le sentiment d’avoir bien fait mon travail.La Dre Perle Feldman est médecin de famille et pratiquait jusqu'ici à Montréal.Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession?Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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