Chirurgien le jour, batteur le soir

Vers l’âge de 7 ou 8 ans, Michel Legault nourrissait deux rêves. Plus grand, il voulait être chirurgien et jouer de la batterie. La chirurgie, car devant la télé ou dans les livres, il était fasciné qu’on puisse réparer les corps à l’aide de ses mains. La batterie, parce qu’il trouvait l’objet beau en soi. «Comme un p'tit gars qui tombe en amour avec un camion, j’ai été émerveillé la première fois que j’en ai vu une. Une batterie, c’est étincelant, il y a du métal, c’est poli comme un camion neuf», raconte-t-il avec des yeux qui, depuis, n’ont jamais cessé de briller pour ces instruments de musique percutants.Fidèle à ses rêves d’enfant, Michel Legault les a réalisés et il les vit encore, 55 ans après les avoir formulés. Il exerce aujourd’hui comme chirurgien vasculaire au Centre hospitalier régional de Lanaudière, où il est devenu un spécialiste connu et reconnu du pied diabétique. En dehors de sa pratique, il est batteur dans deux groupes semi-professionnels: Cinnamon & The Silver Boys Blues Band et Why Not. «C’est mon antidépresseur. Ça me tient en équilibre et ça me permet de continuer cette job de fou, avec des horaires de fou», explique le praticien en signalant que d’autres collègues s’entraînent fort pour participer à des triathlons Ironman. Lui, son échappatoire, c’est donc la musique. «Depuis la 5e année du primaire, j’ai passé ma vie à jouer de la batterie. C’est ma soupape. Quand je ne joue pas, mon épouse le ressent. Ça s’apparente à un sevrage d’alcool, j’ai besoin de ma dose.»À consulter: La musique aurait un impact bénéfique sur la démenceComme son nom l’indique, le répertoire du Cinnamon & The Silver Boys Blues Band est composé de morceaux blues, avec la particularité qu’il s’agit de «reprises au féminin», précise le Dr Legault. «Les gens sont souvent surpris, car c’est plutôt rare d’entendre du blues chanté par une femme.» Créé en 2012, le groupe se reforme chaque année pour se produire dans les bars à l’occasion du Festival Blues de Joliette qui se déroule la dernière fin de semaine de l’été ou la première de l’automne.L’autre groupe auquel le chirurgien participe, Why Not, a vu le jour en 2008. «C’est celui qui me demande le plus de temps», signale-t-il. Composé de six musiciens aguerris, le band verse dans le rock progressif du 21e siècle en jouant des reprises des Porcupine Tree, des Blackfield, de Riverside ou encore de Barock Project, un groupe italien. «D’une année à l’autre, on change complètement notre répertoire. On choisit 20 à 25 nouveaux morceaux, on les travaille pendant un an et on les présente lors d’un show unique», indique le clinicien.Rock bienfaisantOrganisé généralement à la fin du mois d’octobre, ce concert léché, en format assis avec projection multimédia en arrière des musiciens, permet aux Why Not de récolter des fonds pour des organismes de la région qui œuvrent en santé. «Chaque année, on se trouve une cause. On a aidé l’Association sclérose en plaques de Lanaudière, le Centre de pédiatrie sociale, les Diabétiques de Lanaudière, etc.», détaille le Dr Legault.Lire aussi: Le Doc Show: Une passion pour la bonne causePour monter et peaufiner ce spectacle-bénéfice, le groupe se retrouve en studio un vendredi sur deux pour des sessions de répétition de cinq heures à six heures environ. À titre personnel, le chirurgien joue de la batterie une à deux fois par semaine, tout seul dans le sous-sol de sa maison, sur un kit électronique équipé d’un casque audio pour que sa femme ne l’entende pas répéter ses gammes et ses solos. Baguettes en mains et pieds sur les pédales, le Dr Legault se vide instantanément le cerveau.Doublement artisteAu-delà, le médecin considère que sa pratique musicale influence concrètement – et positivement – sa pratique chirurgicale, qui nécessite elle aussi de la dextérité et de l’agilité. «Un drummer se sert indépendamment de ses bras et de ses jambes. Son cervelet est bien divisé en quatre. Alors, la batterie, ça maintient la tête en forme de même que les articulations», explique le praticien âgé de 62 ans qui se dit surtout «plus zen et plus heureux» après avoir frappé ses fûts et ses cymbales. Avec ses patients, la batterie crée également du lien, ajoute-t-il. «Beaucoup savent que je joue dans un groupe. Plusieurs nous suivent d’année en année.»À lire aussi: «En pharmacie comme dans la musique, l’écoute de l’autre est primordiale»Indispensable à son équilibre personnel et professionnel, le Dr Legault dresse un parallèle entre la musique et la chirurgie. «Il y a un côté artistique dans la chirurgie. D’une opération à l’autre, chaque chirurgien fait la sienne. C’est pareil pour un peintre ou un musicien. Il y a des lignes directrices à suivre dans un espace de libertés.»

Chirurgien le jour, batteur le soir

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