Certificats médicaux: une omnipraticienne coupable de complaisance

En pleine pandémie de COVID-19, alors que les tensions s’accumulaient dans les établissements carcéraux, la Dre Céline Leonard a délivré une série de certificats médicaux à un patient qui travaillait alors comme agent correctionnel. Ces sept billets émis entre mai 2020 et septembre 2021 sont devenus l’objet d’une plainte disciplinaire déposée par le syndic du Collège des médecins du Québec (CMQ) en octobre 2022. L’omnipraticienne plaidait non coupable d’avoir produit des certificats de complaisance, mais elle a reconnu que sa tenue de dossier avait été incomplète. Après cinq jours d’audience, le Conseil de discipline l’a déclarée coupable sur les deux volets.Le contexte est particulier. Le patient, confronté à des quarts prolongés et à une hausse des altercations avec les détenus, se disait épuisé, anxieux et souffrant d’insomnie. L’employeur refusait régulièrement ses certificats médicaux, ce qui a mené à des modifications répétées. Certains furent même obtenus par l’intermédiaire de la réceptionniste, sans que la Dre Leonard ne soit consultée. Dans l’un d’eux, daté du 17 septembre 2020 et valide pour deux ans, la médecin de famille avait laissé au patient la possibilité de s’absenter «au besoin», une formulation qu’elle a elle-même qualifiée par la suite de «bar open» aux congés.À consulter: Code de déontologie des syndics: un dossier au point mortLa clinicienne a expliqué qu’elle avait voulu éviter un épuisement professionnel, dans un contexte où les conditions de travail du patient ne changeaient pas et où la consultation en personne était rendue difficile par la pandémie. «Je ne connais pas personnellement ce patient et je n’ai certainement pas voulu faire preuve de complaisance», a-t-elle soutenu devant le Conseil, tout en admettant que «ça aurait pris une réévaluation. C’est clair. C’est net.»De son côté, le syndic a insisté sur le fait que certains certificats avaient été formulés par le patient lui-même. Interrogée sur ce point, la Dre Leonard a confirmé: «Le patient a dicté directement la prestation en quelque sorte.» L’intéressé a quant à lui reconnu qu’il a «tenté de trouver avec la Dre Leonard une formulation acceptable aux yeux de mon employeur.»Neutralité du clinicienDeux experts ont été entendus par le Conseil. Le Dr Mathieu Pelletier, médecin de famille mandaté par le syndic, a critiqué l’absence d’évaluations cliniques complètes et de notes détaillées. Selon lui, «les bonnes pratiques cliniques recommandent en général l’émission d’un billet médical d’environ deux semaines lors d’une première consultation, suivi d’une réévaluation médicale complète.» Pour le Dr Pelletier, il est impératif que le praticien demeure neutre: «Un médecin ne doit ni être dupe ni s’immiscer dans un conflit de travail.» Il a ajouté que «la limitation fonctionnelle ne peut consister à permettre au patient de prendre des congés à sa guise. Le médecin doit être descriptif, par exemple, mentionner quatre ou six semaines pour un arrêt de travail». Le Dr Pelletier a également rappelé que «le rôle du médecin est d’être factuel et de s’en tenir à des recommandations médicalement requises et souhaitables.»À lire aussi: Une omnipraticienne déclarée coupable de «grossière négligence»Psychiatre appelée par la défense, la Dre Dominique Bourget a pour sa part reconnu la plausibilité d’un trouble d’adaptation avec anxiété dans ce contexte carcéral difficile. Elle a toutefois concédé que l’absence de réévaluations régulières et de notes cliniques restait problématique. Selon elle, même si les stresseurs demeuraient constants, «il est préférable que le patient soit réévalué.»Le Conseil a repris à son compte plusieurs de ces constats. Dans sa décision, il souligne que «le comportement de (la Dre Leonard) s’écarte gravement de la norme de conduite applicable», estimant que l’omission d’évaluer régulièrement le patient et de consigner ses observations au dossier constituait une faute déontologique sérieuse.Avant tout un acte médicalAu final, le Conseil a considéré que l’ensemble des billets médicaux contestés constituaient bel et bien des certificats de complaisance. Il a retenu que la Dre Leonard avait émis des documents sur la seule base des demandes du patient ou des refus de l’employeur, sans réévaluation ni justification médicale claire. «L’absence de notes complètes au dossier empêche toute vérification du fondement médical des certificats», écrit-il par ailleurs.La décision rappelle aussi que le certificat médical n’est pas un geste anodin: «La délivrance d’un certificat médical n’est pas un accommodement administratif. C’est un acte médical qui engage la responsabilité professionnelle du médecin et doit reposer sur une évaluation clinique.» La Dre Leonard, par ses propres aveux, a admis avoir dépassé cette ligne. «C’est un “bar open”… j’aurais dû plutôt serrer le vis que la desserrer», a-t-elle admis à l’audience.À consulter: Une chirurgienne plastique radiée six semainesCette affaire rappelle que le certificat médical, parfois perçu comme un acte banal, engage la responsabilité professionnelle du médecin et peut devenir un terrain glissant lorsque s’y entremêlent considérations administratives et pressions professionnelles. Comme le souligne encore le Conseil, «le médecin doit demeurer factuel et se tenir à l’écart des pressions ou conflits de travail.»La sanction de la Dre Leonard sera déterminée ultérieurement, mais le message de ses pairs est déjà clair: tout certificat médical doit rester un acte clinique rigoureusement fondé et ne doit jamais être une monnaie d’échange dans un conflit entre un employé et son employeur, peu importe le contexte.

Certificats médicaux: une omnipraticienne coupable de complaisance

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