Ce cours n'avait rien à voir avec la pharmacie, mais j’y ai tout appris

Je me souviens d'être assise dans une salle de classe obscure, à regarder un film français en noir et blanc qui se déroulait lentement, presque douloureusement. Les personnages parlaient peu. Les silences s’étiraient davantage que tout ce que j’avais pu observer dans mes cours de sciences. J’observais constamment autour de moi, me demandant si je ratais quelque chose. C'était mon cours d'introduction au cinéma, le cours optionnel que j'avais choisi en deuxième année de cégep, espérant une pause facile entre les laboratoires de chimie et les cours de biologie. Je pensais que ce serait des vacances mentales. Au lieu de cela, ce cours a ouvert une partie de ma réflexion dont j’ignorais qu'elle avait besoin d’être stimulée.Nous ne regardions pas seulement des films, nous les étudiions. Nous mettions des scènes en pause, décortiquions le langage corporel, remettions en question les choix d'éclairage, analysions les non-dits. Mon professeur nous rappelait souvent que «chaque plan est intentionnel et chaque silence compte». Cette idée m'est restée.Ne manquez pas: Au-delà des chiffres: le cœur de la pharmacieJ'ai toujours aimé les sciences. J'aimais particulièrement le fait qu'elles soient structurées. Je trouvais du réconfort dans les bonnes réponses et les cheminements clairs. En laboratoire, si l'on suit le protocole, le résultat est logique. Mais les cours de cinéma n'étaient pas comme ça. Ils étaient empreints d'ambiguïté, d'interprétation et d'émotion. Un étudiant pouvait voir une tragédie dans une scène, un autre de l'espoir. Ce qui était amusant et effrayant, c'est qu'aucun des deux n'avait tort. C'est pourquoi, au début, les cours de cinéma étaient frustrants. La certitude me manquait. Mais petit à petit, j'ai commencé à voir la valeur de l'incertitude. Plus nous évoquions les personnages, plus je réalisais que nous parlions vraiment de personnes, de leurs peurs, de leur histoire, de leurs motivations. Nous apprenions à les déchiffrer, même lorsqu'ils ne parlaient pas.Une fois arrivée à la Faculté de pharmacie, j'ai réalisé à quel point cette compétence était transférable. Un patient ne se résume pas à une liste de symptômes. Il n'arrive pas avec un script. Parfois, il est sur ses gardes ou gêné. Parfois, sa véritable inquiétude se cache derrière ce qui semble être une question banale. Et comme au cinéma, les silences comptent. Le langage corporel, les pauses, le ton, oui! Tout cela raconte une histoire.Lors de mon premier emploi en pharmacie, j'ai discuté avec une patiente qui venait se faire renouveler un antidépresseur courant. Elle était polie, mais réservée. L'interaction était techniquement correcte, mais quelque chose dans son langage corporel m'a fait réfléchir. Au lieu de me précipiter pour lui remettre son médicament, je lui ai posé quelques questions supplémentaires. Ce bref instant a ouvert la voie à une conversation plus longue. Elle souffrait d'effets secondaires, mais ne les jugeait pas «assez importants» pour les aborder. Nous avons collaboré avec la pharmacienne pour ajuster sa dose et assurer le suivi.Cette capacité à percevoir les non-dits, à interpréter le côté humain de la santé, me venait honnêtement de mes cours de cinéma. Ils m’ont appris à accepter l'inconfort, à résister à l'envie de catégoriser trop vite. Ce qui n'est pas toujours facile en pharmacie, un domaine centré sur les preuves et l'efficacité. Mais les patients ne sont pas des équations. Leurs parcours de santé sont complexes et non linéaires.Une autre leçon que le cinéma m'a apprise est l'importance du contexte. La décision d'un personnage est rarement logique prise isolément. Il est essentiel de comprendre leur histoire, les pressions auxquelles ils sont confrontés, ce qu'ils craignent de perdre. J'applique également ce principe en pharmacie. Lorsqu'un patient refuse un médicament, oublie des doses ou semble démotivé, il est tentant de le qualifier de «non-adhérent». Mais peut-être ne fait-il pas confiance au système. Peut-être doit-il choisir entre la nourriture et les ordonnances. Peut-être est-il simplement dépassé.Bien sûr, ma formation en pharmacie m'a apporté les connaissances cliniques nécessaires pour formuler des recommandations sûres et éclairées. Cependant, les cours de cinéma m'ont permis de voir la personne dans sa globalité, et pas seulement son diagnostic, mais aussi son récit. Et c'est ce récit qui détermine souvent l'acceptation des soins et, au final, leur efficacité.Consultez: Habiletés émotionnelles: le vrai superpouvoir du leaderAvec le recul, je réalise que ce cours a été la première fois que j'ai vraiment appris à écouter, non seulement ce que les gens disent, mais aussi leur façon de le dire. Leurs hésitations, et ce qu'ils omettent. Dans les films que nous avons étudiés, certains des moments les plus forts étaient muets. Je réalise maintenant que c'est souvent le cas dans le secteur de la santé.Je pensais autrefois qu'être un bon pharmacien signifiait maîtriser l'information. Aujourd'hui, je crois que cela implique aussi de maîtriser l'interprétation, de considérer le patient comme une histoire en devenir.J'ai suivi ce cours optionnel en espérant faire une pause dans mes cours de sciences. J'en suis ressorti avec une compétence qu'aucun manuel ne pouvait enseigner: la capacité de voir. Et dans une profession qui s'intéresse autant aux personnes qu'aux médicaments, c'est peut-être la leçon la plus précieuse de toutes.

Ce cours n'avait rien à voir avec la pharmacie, mais j’y ai tout appris

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