Cancer du col: un objectif d’élimination encore hors de portée

En dépit d’une prévention efficace et d’outils diagnostiques bien établis, le cancer du col de l’utérus ne recule plus au Canada. Le rapport Statistiques canadiennes sur le cancer 2025, publié à l’occasion de la Journée mondiale pour l’élimination du cancer du col de l’utérus, montre une incidence stable depuis près de 20 ans. Un paradoxe pour un cancer théoriquement évitable, dont plus de 90% des cas sont attribuables au virus du papillome humain (VPH).Au Québec, l’incidence prévue pour 2025 demeure parmi les plus faibles au pays, mais la stagnation des courbes inquiète, surtout dans un contexte où les leviers de prévention sont bien connus et existent depuis longtemps. Pour le Dr Denis Soulières, porte-parole scientifique et médical de la Société canadienne du cancer (SCC), cette inertie traduit un problème structurel. «Malgré la disponibilité du test Pap, l’adhésion au dépistage n’est pas suffisante pour faire diminuer le nombre de cas». Il rappelle aussi que le changement d’outil diagnostique est indispensable. «Le test VPH devrait être en place depuis déjà quelques années. Il ne l’est pas encore dans toutes les régions».La tendance touche aussi des patientes plus jeunes. «On voit augmenter certains cancers dans la tranche des 30 à 50 ans qu’on ne voyait pas avant», observe l’hématologue-oncologue. Une évolution préoccupante pour un cancer presque entièrement attribuable au VPH et théoriquement évitable.Vaccination, un levier puissant à l’impact différéLa couverture vaccinale contre le VPH est élevée au Québec, souvent plus élevée que dans d’autres provinces. Selon le rapport 2025, cette situation place la province en bonne position pour réduire substantiellement l’incidence au cours des prochaines décennies. Le Dr Denis Soulières souligne que cette dynamique explique certains écarts provinciaux qui peuvent sembler paradoxaux. En effet, le Québec dispose de tous les outils pour faire baisser l’incidence du cancer du col, mais la pleine efficacité des interventions tarde néanmoins à se manifester. Ne manquez pas: Cancer: des progrès au Canada, un signal d’alarme pour le Québec«On sait que la vaccination atteint des niveaux fort intéressants au Québec, mais on n’a pas encore ce phénomène d’immunité collective.» Il faut en moyenne de 20 à 25 ans avant que la vaccination de masse se traduise par une baisse marquée des cas. Les cohortes plus âgées, non vaccinées dans leur adolescence, continuent d’alimenter la majorité des nouveaux cas, ce qui maintient les courbes à un plateau. Ce déficit d’immunité collective freine la décroissance attendue, malgré des taux de vaccination élevés chez les plus jeunes.Pour le Dr Denis Soulières, l’inflexion réelle passera par un double levier. D’un côté, la vaccination de masse doit poursuivre sa progression. De l’autre, le déploiement complet du test VPH comme dépistage primaire est essentiel pour identifier plus tôt les infections persistantes à haut risque. Il souligne également le rôle de la première ligne, dont les capacités limitées réduisent l’accès au dépistage. «Il faut que la population se sente concernée. On ne peut pas se fier uniquement à la vaccination tant que l’incidence n’aura pas franchement diminué.»À lire aussi: La moitié des régions du Québec offrent le test VPH qui remplace le test PapUn virus, plusieurs cancersL’attention se porte souvent sur le col de l’utérus, mais le virus du papillome humain est responsable d’une proportion croissante de cancers oropharyngés, en particulier chez les hommes plus jeunes. Aucune stratégie de dépistage organisé n’existe pour ces tumeurs, qui se déclarent tardivement et dont l’incidence augmente depuis une quinzaine d’années au Canada, observe le Dr Soulières.Le spécialiste en oncologie de la sphère ORL y voit un signal supplémentaire pour renforcer la prévention. «Les cancers de l’oropharynx associés au VPH sont maintenant à un niveau presque épidémique», souligne-t-il. Dans ce contexte, la vaccination prend une importance élargie: elle ne protège pas seulement contre les cancers gynécologiques, mais aussi contre des tumeurs pour lesquelles il n’existe aucun dépistage. Cet impact transversal justifie, selon lui, de maintenir des programmes vaccinaux robustes et de renforcer l’adhésion des familles.Le cancer du col compte parmi les rares cancers «éliminables», insiste le Dr Soulières. Pour lui, l’enjeu n’est plus de savoir si c’est possible, mais quand le système se donnera les moyens d’y parvenir.

Cancer du col: un objectif d’élimination encore hors de portée

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes