Ajustement thérapeutique – Le suivi de l'anticoagulothérapie aux pharmaciens communautaires : poursuivre ou abandonner?

Le suivi de l’anticoagulothérapie en milieu communautaire est offert depuis plusieurs années, mais nombreux sont les pharmaciens qui n’offrent pas ou ne facturent pas encore cet acte. Les pharmaciens ont-ils raté une belle occasion? Doivent-ils continuer à offrir le suivi de l’anticoagulothérapie — et, dans l’affirmative, doivent-ils le facturer ou non — ou devraient-ils laisser tomber ? L’actualité pharmaceutique a interrogé deux pharmaciens aux opinions divergentes sur la question.Marc Parent est pharmacien au Centre hospitalier universitaire de Québec. Selon lui, le suivi de l’anticoagulothérapie en milieu communautaire peut être considéré comme un rendez-vous manqué. Les pharmaciens qui songent à offrir ce suivi devraient plutôt concentrer leurs énergies sur d’autres services, dit-il.« Nous offrons le suivi de l’anticoagulothérapie depuis 20 ans sans jamais l’avoir facturé aux patients. Est-ce parce que les pharmaciens n’ont pas réussi à vendre le service à leurs patients ou aux tiers payants? Peu importe. Le suivi de l’anticoagulothérapie est gratuit chez le médecin, à l’hôpital ou dans les groupes de médecine familiale. Pourquoi les gens iraient-ils payer à la pharmacie un service offert gratuitement ailleurs ? Le système de santé introduit une profonde iniquité qui nuit aux pharmaciens et à notre offre de services. »« De plus, depuis le printemps dernier, il existe des médicaments anticoagulants qui ne nécessitent pas d’ajustement posologique. Le volume d’ajustement de la warfarine devrait fondre au cours des prochaines années. Il faut donc prévoir un service où il y aura des médicaments que l’on pourra ajuster. Les pharmaciens qui songent à offrir le suivi de l’anticoagulothérapie devraient donc plutôt investir du temps et des efforts pour développer un service d’ajustement qui a des chances de survivre à long terme. Nous avons un peu manqué notre coup avec l’anticoagulothérapie. Maintenant, soyons visionnaires et identifions dès aujourd’hui un service pour lequel la demande n’est pas encore comblée et où la concurrence sera plus saine. »« Les solutions de rechange ne manquent pas. Il existe plusieurs niches encore intouchées, comme les thérapies antihypertensives. Le contrôle de l’hypertension n’est pas optimal au Québec. Les délais sont longs, les cibles peu atteintes. Pour les pharmaciens, il est facile de faire le suivi de l’hypertension car il y a peu de tests de laboratoire requis. Ce qu’un médecin ferait en six mois, le pharmacien peut l’aider à le faire en deux ou trois mois. » Vincent Landry est copropriétaire de deux pharmacies à Laval. Auteur d’une conférence sur l’anticoagulothérapie en milieu communautaire, il offre depuis 2002 le suivi de l’anticoagulothérapie gratuitement, mais envisage de le facturer.« Le ministère de la Santé a pris la décision de ne pas rembourser la prise en charge des patients. Donc, il ne s’agit pas seulement du suivi de l’anticoagulothérapie, mais de tous les services du même genre. Malgré tout, il faut poursuivre dans la même voie. Il faut arrêter de penser que le gouvernement doit rembourser ces services. Si les pharmaciens veulent être à l’avant-garde et sortir du carcan “dispenser-donner des conseils sur la médication”, ils doivent offrir à leurs patients des services professionnels qui se distinguent de ce qui se fait déjà. »« Le suivi de l’anticoagulothérapie est un service au même titre que les autres, pour lequel les pharmaciens peuvent offrir une valeur ajoutée par rapport au médecin ou au GMF. Dans notre cas, il s’agit d’un service offert sept jours sur sept. Les patients obtiennent leurs résultats sur place. Au CLSC, le patient paie pour le stationnement. À la pharmacie, le stationnement est gratuit. Et puis, les gens ont la perception — juste — que nous sommes l’autorité en matière de médicaments. Nos résultats de suivi sont souvent meilleurs que ceux des médecins. Si le patient trouve que cela en vaut le coup, ces arguments peuvent le convaincre de payer. »« La warfarine ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Les médecins ne changeront pas la médication de leurs patients seulement parce qu’il existe un nouveau médicament sur le marché. Et les gens pour qui les nouveaux médicaments ne fonctionneront pas reviendront avec la warfarine. De plus, qui dit que ces nouveaux médicaments ne seront pas retirés ? »

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