Actes cliniques, rémunération, relations avec les patients: ce que révèle la nouvelle enquête de l’APPSQ

Dans la perspective de l’entrée en vigueur du PL67, les pharmaciens salariés en milieu communautaire s’inquiètent de l’augmentation de leurs responsabilités cliniques, sans réel allègement du reste de leur charge de travail ni compensation salariale, ainsi que de la pression liée aux attentes du public. C’est ce que rapporte l’Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec (APPSQ) dans son Enquête 2025 sur la rémunération, les environnements de travail et la santé globale des pharmaciens salariés du Québec, dont Profession Santé a pu consulter la version pour les membres. Ce sondage a été mené entre le 13 février et le 13 avril 2025 et a recueilli les réponses de 762 membres de l’APPSQ, dont 601 pharmaciens salariés et remplaçants – 58,2% étant pharmaciens et pharmaciennes salariés communautaires à temps plein (≥ 30 hrs/semaine), 10,3% remplaçants et 10,1% pratiquant en GMF. Par ailleurs, 97% des répondants ont indiqué travailler sous une chaîne ou bannière affiliée.Une charge de travail en augmentation depuis un anComme pour l’enquête précédente, l’un des principaux enseignements de cette édition est la charge de travail jugée «souvent» trop élevée par près de 45% des pharmaciens, avec un volume moyen de 20 à 40 ordonnances servies par heure en semaine pour les deux tiers des répondants – alors que l’APPSQ établit à 30 la limite à ne pas dépasser afin d’assurer la qualité et la sécurité des services offerts aux patients. En outre, plus de la moitié des répondants affirment réaliser entre 15 et 30 consultations par jour; une charge jugée «souvent» trop importante pour la majorité des répondants.Surtout, la quasi-totalité d’entre eux (97,7%) fait état d’une augmentation de cette charge de travail dans la dernière année, principalement dûe à l’augmentation du nombre d’actes additionnels (Loi 41/PL31), à l’augmentation du nombre de conseils MVL, à l’augmentation des ruptures de stock, à l’augmentation du débit de prescription et au manque de qualification des assistants techniques en pharmacie – le principal frein à la délégation d’après les résultats de l’enquête. Résultat: des horaires à rallonge pour les pharmaciens salariés en milieu communautaire. En effet, les deux tiers (61,3%) d’entre eux prolongent leur quart de travail au moins une fois par semaine, la plupart du temps de 10 minutes à une heure. Un modèle de rémunération toujours pas adapté aux réalités de la pratiqueMalgré tout, ces responsabilités accrues et ces nouveaux actes cliniques ne se répercutent pas toujours sur la rémunération des pharmaciens salariés communautaires. La grande majorité d’entre eux (plus de 75%) ne reçoivent ainsi «aucun pourcentage des revenus générés par les actes facturables alors que cela représente une nouvelle charge de travail», indique l’enquête. L’APPSQ souligne que les modèles de rémunération ne sont aujourd’hui plus adaptés à la réalité des besoins de santé en première ligne et de la pression démographique, puisque le salaire horaire moyen des pharmaciens salariés communautaires atteint 69,30 $/h en 2025, soit une augmentation de 1,8% par rapport à 2023, mais toujours inférieur à l’augmentation de l’IPC. À lire aussi: Comment se réorganiser après le départ d’un collègue?Bien que la majorité des pharmaciens reconnaissent que leur milieu de travail mette en place des conditions favorables pour être stimulé intellectuellement, pour établir de bonnes relations avec les collègues de travail et avec les patients, plusieurs témoignages font toujours état d’un épuisement progressif lié à la surcharge de travail, à la perte de sens, au sentiment d’impuissance ou encore à «une dilution du jugement clinique dans des environnements exigeants à haut débit». De plus, l'APPSQ souligne que «le manque de temps pour expliquer, la peur d’être comparé et l’impossibilité de se protéger de l’urgence expliquent ce climat pesant.» Autre facteur de taille, selon l'Association: la pression implicite ressentie par les pharmaciens. Si 88% d'entre eux reconnaissent ne pas avoir d’objectifs formels, ils évoquent des attentes de performance implicites, notamment concernent les actes cliniques facturables, ainsi qu'une culture de la performance informelle, centrée sur la facturation.Conséquences de cet épuisement: 58,2% des pharmaciens font état de symptômes de dépression ou d’anxiété, diagnostiqués ou non, liés au travail, et 15,6% souffrent d’insomnie.Des solutions mises en place dans les milieux de travailCela étant, la majorité des milieux de travail semblent avoir mis en place des outils pour diminuer la charge pesant sur les pharmaciens. Des mesures envers les patients d’abord: 87,9% des milieux proposent les renouvellements d’ordonnance par internet ou via une application; 77% les renouvellements automatiques; et 57,7% les prises de rendez-vous pour les actes non urgents. Des mesures technologiques ensuite, comme des robots compte-pilules, des agendas électroniques de tâches ou encore des systèmes de communication interne électroniques. Enfin, les pharmaciens répondants indiquent que leurs milieux de travail ont aussi pris des mesures organisationnelles, telles que les consultations par retour d’appel en journée (54,5%), la présence d’une infirmière à la pharmacie (54,1%) ou encore des plages horaires définies pour la clinique hors distribution (38,5%).«L’arrivée prochaine du PL67 est une source d’inquiétude, nous le savons, et nous continuerons à être très vigilants sur sa mise en œuvre dans nos pharmacies», rassure quant à lui le président de l’APPSQ Patrick Hemery dans le rapport d’enquête. Les patients, une pression pour deux pharmaciens sur troisParticipant à ces environnements de travail exigeants, les patients eux-mêmes exercent une pression sur la plupart des pharmaciens salariés, rapporte l’enquête de l’APPSQ. En effet, 66% des répondants disent subir une pression directe des patients, 64% identifient des attentes irréalistes ou conflictuelles, et 61% mentionnent un sentiment d’obligation morale dans les interactions. Ces pressions des patients tolérées par l’employeur sont d’ailleurs l’un des éléments pouvant nuire à l’indépendance professionnelle pour un pharmacien sur trois – le principal élément cité étant les conditions de travail elles-mêmes, soit le manque de temps, l’environnement stressant et les ressources limitées notamment.En outre, plus d’un pharmacien salarié sur deux dit avoir subi des violences verbales de la part de ses patients dans les trois dernières années.Consultez: Crise de main-d’œuvre en pharmacie : et si on parlait aussi de fidélité des patients?Il faut dire que, malgré leurs demandes d'optimisation des espaces de travail pour plus de confidentialité, la configuration des pharmacies communautaires ne permet généralement pas aux professionnels de travailler hors du champ de vision des patients. Ainsi, les postes de travail restent «toujours» ou «la plupart du temps» à la vue des patients (82,2%), et moins de la moitié des pharmaciens salariés indique pouvoir «parfois» se rendre sur un poste clinique (analyse et validation des dossiers, consultations téléphoniques) permettant de se concentrer pour effectuer des opinions pharmaceutiques, analyser les dossiers, colliger les informations du DSQ et échanger par téléphone avec les patients.

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