Vivre librement sa mort

C'est le 30 octobre 2024 qu’entreront en vigueur les nouvelles modifications de la Loi concernant les soins de fin de vie qui permettront les demandes anticipées d'aide médicale à mourir.Près de dix ans après son adoption, l’aide médicale à mourir continue de faire l'objet de nombreux débats et discussions sous les angles sociaux, éthiques, spirituels et religieux. Évidemment, l'extension de l'accessibilité de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui pourraient perdre leur capacité à donner leur consentement, principalement pour les personnes victimes de la maladie d'Alzheimer, est une étape significative dans ces débats.D'ailleurs, la Société Radio-Canada, sous l'initiative du journaliste Alain Gravel, a diffusé une série de balados intitulée «La mort libre». Dans ces balados, le journaliste explore différentes opinions et positions portant sur l'aide médicale à mourir. On y débat aussi sur le pourcentage des décès qui découle de l'aide médicale à mourir au Québec et qui dépasse toutes les prédictions. Alors que l'on croyait initialement que le recours à l'aide médicale à mourir serait marginal, le taux est actuellement à 5,1% pour les années 2020 et 20211.Pour certains, ce chiffre est tout à fait normal. Pour d'autres, il est bien trop élevé! Sincèrement, en me basant sur mon expérience, j'ose affirmer que chaque demande était légitime. Je suis personnellement beaucoup plus inquiet pour les patients qui se voient refuser de formuler une demande d'aide médicale à mourir parce qu'elle heurte les valeurs du médecin à qui ils font la demande. Croyez-moi, ça existe! Lorsque les valeurs de l'un font obstacle aux valeurs et même aux droits de l'autre, il y a lieu de s’interroger. Malheureusement, ces situations passent sous le radar et ne se rendent pas à l'organisme responsable d'évaluer l'aide médicale à mourir au Québec, soit la Commission sur les soins de fin de vie. Cela me semble profondément malheureux et très injuste.À lire aussi: Les professionnels se préparent à l'élargissement de l'AMM le 30 octobreJ'ai eu le privilège d'accompagner certains patients jusqu'à la dernière étape de leur vie par l'aide médicale à mourir. J'ai été profondément touché par la sérénité de ces personnes dans ces derniers moments de leur vie. Si la pratique que j'ai eue en soins palliatifs pendant plus de 30 ans m'avait permis de découvrir que les personnes qui se préparent à mourir, en faisant des choix profonds et non superficiels, nous donnent de belles indications sur la bonne façon de vivre sa vie, les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir de leur côté m'ont donné une sérieuse leçon sur la façon de vivre sa mort.J'ai toujours pensé que l'aide médicale à mourir était principalement une question de respect. Tout d'abord le respect du patient envers sa propre personne, le respect des membres de la famille et aussi le respect des valeurs des soignants. L'aide médicale à mourir n'est pas toujours la meilleure option. Ce n'est qu'une option parmi tant d'autres pour finir sa vie. Ce qui est fondamental, c'est le choix de la personne.Je ne juge aucunement les personnes qui choisissent ou non l'aide médicale à mourir, pas plus que je ne juge les professionnels de la santé qui veulent ou ne veulent pas y être impliqués. Au tout début, lorsque le gouvernement du Québec a annoncé que l'aide médicale à mourir était un soin, je me disais «quelle belle pirouette pour éviter que ce soit considéré comme un meurtre au sens du code criminel fédéral». J'ai rapidement changé d'idée lorsque j'ai vu des personnes demander l'aide médicale à mourir et lorsque j'ai réalisé à quel point l'annonce de leur éligibilité et de la date du soin étaient apaisantes pour les personnes. C'est vraiment frappant et cela m'a rapidement convaincu que c'était bel et bien un soin puisque les personnes se sentait déjà mieux à l'annonce.À lire aussi: Faute de soutien à domicile, un homme atteint de la COVID longue demande l'AMMLa sérénité des patients a été pour moi une source d'inspiration. Comme plusieurs, on peut se demander si l'administration du soin de l'aide médicale à mourir à une personne qui n'a plus toute sa conscience et sa capacité sera empreint de la même sérénité. Dans la série de balados d'Alain Gravel, certains médecins ont souligné qu'il y aurait peu de ce type de demande et qu'il serait difficile de l'appliquer. Je partage un peu cette vision, et je demeure déchiré par cette philosophie de respect de la volonté d'une personne que j'ai énoncée précédemment et qui s'exprime lorsqu'une personne formule une demande d'aide médicale anticipée.La société moderne a vu une progression fulgurante de notre qualité de vie et une progression en parallèle des sciences médicales. En un peu plus de 50 années, l'espérance de vie a bondi de près de 10 ans. Cela dit, ce sont 10 années de quantité, mais pas toujours 10 années de qualité. Cela ne me semble donc pas surprenant que les citoyens du Québec aient recours à l'aide médicale à mourir lorsqu'ils sont en fin de vie ou que les conditions de leur «survie» ne leur sont pas acceptables. Il faut tout de même s'interroger lorsque les personnes font le choix de l'aide médicale à mourir pour éviter d'être un fardeau pour les autres. Est-ce bien un choix libre et éclairé?Néanmoins, la majorité d'entre nous aimons avoir la liberté de prendre les décisions les plus importantes dans notre vie. Chacun et chacune d'entre nous sera un jour confronté à un moment qui est la fin de notre vie. Les personnes que j'ai accompagnées voulaient préserver la possibilité de prendre la décision la plus importante de la fin de leur vie. Plusieurs des opposants à l'aide médicale à mourir tracent un parallèle avec le suicide associé à la maladie dépressive. Aucun des patients que j'ai connu qui ont formulé une demande à médicale à mourir rencontrait les critères de diagnostic de la dépression. Il s'agissait d'un choix pragmatique, informé, assumé, et surtout apaisant.À lire aussi: L’AMM au QuébecD’autres détracteurs mentionnent que le problème est l'absence d'accessibilité aux soins palliatifs. Cela est certainement vrai que les soins palliatifs ne sont pas accessibles partout au Québec. Le Québec a un système de santé qui n'est pas à une vitesse, mais bien à plusieurs vitesses. Est-ce une raison suffisante pour prolonger les souffrances d'une personne?Les problèmes de notre système de santé durent depuis déjà longtemps et ne seront pas résolus demain matin. Mais le plus important et que dans mon milieu et de nombreux autres, nous offrons des soins palliatifs de qualité. Il est d'avant donc clair pour moi que l'aide médicale à mourir n'est pas une alternative à l'absence de soins palliatifs, mais bien une des options qui s'offrent en fin de vie, sans s'opposer aux soins palliatifs. Plusieurs intervenants en soins palliatifs font le vœu d'accompagner les personnes jusqu'à la fin. Seulement parfois, il faut écouter la volonté des patients qui ne veulent pas être accompagnés mais être soulagé de leur souffrance et de la condition dans laquelle ils sont plongés.Le Québec a fait preuve d'une grande maturité dans sa démarche pour explorer et encadrer l'aide médicale à mourir. Je pense sincèrement qu’à ce jour, l'aide médicale à mourir a permis de soulager un nombre important de Québécois. Je ne sais pas comment seront rédigés les demandes anticipées d'aide médicale à mourir et cela aura une importance capitale pour que les soignants qui auront à exécuter cette volonté soient convaincus de poser le bon acte, au bon moment.Après les réflexions sérieuses qui ont conduit à l'élargissement des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir au Québec, je fais le choix de saluer notre sagesse collective et surtout de faire confiance aux médecins et maintenant aux infirmières praticiennes spécialisées qui administreront ce soin aux patients qui leur ont demandé.Référence:1 Leduc L. L’aide médicale à mourir administrée à 3663 personnes. 11 décembre 2022 [cité le 25 octobre 2024]. Dans: La Presse [En ligne]. 2022. Disponible: https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-12-09/rapport-2021-2022/l-aide-medicale-a-mourir-administree-a-3663-personnes.php

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Derrière ce blogue:

Marc Parent

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