L'apothicaire – Vitamine D chez le nourrisson: la supplémentation durant l’allaitement et la tendre enfance, un pas nécessaire

Dans la chronique précédente (publiée dans le numéro d’octobre), nous avons abordé la nécessité de la vitamine D durant la grossesse. Voyons maintenant son usage durant l’allaitement et la tendre enfance.En Caroline du Sud, 19 femmes allaitant leur bébé ont participé à une étude d’une durée de six mois commençant à un mois post-partum. Elles ont reçu soit une multivitamine contenant 400 UI de vitamine D avec un placebo, soit la même multivitamine avec 6000 UI de vitamine D3. Les bébés du groupe placebo ont reçu 300 UI par jour de vitamine D3.Le contenu de vitamine D du lait maternel des mères recevant la vitamine D (6400 UI/jr) est passé de 82 à 873 UI/l (p < 0,0003), alors que celui des mères du groupe placebo (400 UI/jr provenant de la multivitamine) a peu varié (45,6-78,6 UI/l). Les chercheurs ont tenu compte de l’alimentation et de l’exposition au soleil. Les taux sanguins de vitamine D des nourrissons des deux groupes étaient équivalents1.Carence chez les enfantsIl peut être difficile d’y croire, mais le rachitisme existe toujours dans notre pays et dans d’autres pays similaires2-4. La supplémentation maternelle durant la grossesse et l’allaitement semble être le premier pas nécessaire pour enfin éradiquer cette maladie liée à une carence sévère en vitamine D8.Études cliniques chez les enfantsUne étude montréalaise (Hôpital Lake Shore, Pointe-Claire) a recruté 132 nourrissons nés à terme et âgés d’un mois. Ces bébés ont reçu 400, 800, 1200 ou 1600 UI de vitamine D3 par jour pour une durée de 11 mois. Les enfants ont été évalués de l’âge de trois mois jusqu’à 12 mois. À trois mois, seul le groupe recevant 1600 UI par jour a atteint ou dépassé le seuil de taux sanguin recherché, soit 75 nmol/l pour 97,5 % de la population.Ce bras de l’étude a plus tard été cessé parce que la dose de 1600 UI s’est révélée trop élevée, le taux sanguin ayant dépassé les limites acceptables (200 nmol/l). En revanche, aucun signe ni paramètre n’a été affecté négativement par ces taux sanguins élevés. Le taux sanguin moyen des enfants de tous les groupes a éventuellement atteint la valeur cible, le groupe ne recevant que 400 UI ayant été le plus lent à l’atteindre. Les auteurs concluent que, malgré des variations importantes, 400 UI semblent suffisant, des doses plus élevées n’ayant pas montré plus de bénéfices osseux5.Une étude finlandaise a évalué l’usage de trois doses différentes de vitamine D3 (400, 1200 ou 1600 UI/jr) dans le but d’obtenir un taux sanguin légèrement plus élevé que l’étude précédente, soit 80 nmol/l. On a recruté 113 enfants à qui on a administré l’une des trois doses à partir de la deuxième semaine de vie jusqu’à l’âge de trois mois. Les trois doses ont permis d’atteindre le taux cible. Après trois mois, les taux moyens étaient respectivement de 88, 124 et 153 nmol/l. Les taux maximum de certains enfants (jusqu’à 229 nmol/l dans un cas) n’ont été associés à aucun signe ni aucune mesure de toxicité (les chercheurs ont évalué la calcémie, la PTH, le ratio calcium/phosphore, etc.). Les auteurs concluent que les trois doses sont sécuritaires6.Effet de la carence en vitamine D chez l’enfantDes chercheurs ont évalué la carence chez des enfants du Qatar, pays de soleil. Non seulement ont-ils trouvé une proportion importante d’enfants souffrant de carence, ils ont surtout constaté que les effets de cette carence étaient plus importants chez le nourrisson que chez l’enfant plus âgé (retard de croissance, déformation osseuse, atteinte du système immunitaire, etc.). Il est donc essentiel de supplémenter la mère et le nourrisson pour éviter les conséquences possiblement non réversibles chez l’enfant7.ConclusionLa vitamine D est maintenant reconnue pour ses nombreux effets, qui dépassent largement le cadre de la santé osseuse. Il faut savoir que toutes les cellules du corps ont des récepteurs à la vitamine D. Celle-ci est donc impliquée dans le métabolisme calcique et phosphorique, le système immunitaire, la sécrétion de parathormone, et probablement beaucoup d’autres fonctions. La grossesse et le très jeune âge sont particulièrement critiques, puisque c’est durant ces périodes que les tissus se forment. Une carence survenant pendant ces phases cruciales peut laisser des séquelles à vie.La Société canadienne de pédiatrie recommande 2000 UI par jour pour les femmes enceintes, 4000 UI pour les femmes allaitantes et 400 UI par jour pour les nourrissons. Les professionnels de la santé doivent donc joindre leurs efforts pour s’assurer que tous reçoivent bien les doses adéquates8.Références :1. Wagner CL, Hulsey TC, Fanning D, Ebeling M, Hollis BW. High-dose vitamin D3 supplementation in a cohort of breastfeeding mothers and their infants: a 6-month follow-up pilot study. Breastfeed Med. 2006 Summer;1(2):59-70. PubMed PMID: 17661565.2. Ladhani S, Srinivasan L, Buchanan C, Allgrove J. Presentation of vitamin D deficiency. Arch Dis Child. 2004 Aug;89(8):781-4. PubMed PMID: 15269083; PubMed Central PMCID: PMC1720051.3. Ward LM, Gaboury I, Ladhani M, Zlotkin S. Vitamin D-deficiency rickets among children in Canada. CMAJ. 2007 Jul 17;177(2):161-6. Epub 2007 Jun 28. PubMed PMID: 17600035; PubMed Central PMCID: PMC1913133.4. Yu CK, Sykes L, Sethi M, Teoh TG, Robinson S. Vitamin D deficiency and supplementation during pregnancy. Clin Endocrinol (Oxf). 2009 May;70(5):685-90. doi: 10.1111/j.1365-2265.2008.03403.x. Epub 2008 Sep 2. PubMed PMID: 18771564.5. Gallo S, Comeau K, Vanstone C, Agellon S, Sharma A, Jones G, L’Abbé M, Khamessan A, Rodd C, Weiler H. Effect of different dosages of oral vitamin D supplementation on vitamin D status in healthy, breastfed infants: a randomized trial. JAMA. 2013 May 1;309(17):1785-92. doi: 10.1001/jama.2013.3404. PubMed PMID: 23632722.6. Holmlund-Suila E, Viljakainen H, Hytinantti T, Lamberg-Allardt C, Andersson S, Mäkitie O. High-dose vitamin d intervention in infants--effects on vitamin d status, calcium homeostasis, and bone strength. J Clin Endocrinol Metab. 2012 Nov;97(11):4139-47. doi: 10.1210/jc.2012-1575. PubMed PMID: 22933541.7. Soliman A, Salama H, Alomar S, Shatla E, Ellithy K, Bedair E. Clinical, biochemical, and radiological manifestations of vitamin D deficiency in newborns presented with hypocalcemia. Indian J Endocrinol Metab. 2013 Jul;17(4):697-703. doi: 10.4103/2230-8210.113764. PubMed PMID: 23961489; PubMed Central PMCID: PMC3743373.8. Wagner CL, Taylor SN, Dawodu A, Johnson DD, Hollis BW. Vitamin D and its role during pregnancy in attaining optimal health of mother and fetus. Nutrients. 2012 Mar;4(3):208-30. doi: 10.3390/nu4030208. Epub 2012 Mar 21. Review. PubMed PMID: 22666547; PubMed Central PMCID: PMC3347028.

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