Vers un test de dépistage prénatal non invasif en remplacement de l’amniocentèse en 2e intention

Le Québec pourrait offrir un test gratuit de dépistage prénatal d’ADN non invasif en 2e intention visant à détecter la trisomie 21 et d’autres anomalies chromosomiques. Le Dr Jean Gekas, chef du service de génétique médicale du CHU de Québec, rêve que le test d’ADN fœtal soit offert un jour à toutes les femmes de la province qui tombent enceintes.Ce test, appelé Dépistage génomique prénatal non invasif (DGPNI) par les chercheurs québécois, a déjà été retenu en 2e intention par l’Angleterre et quelques autres pays. ProfessionSante.ca a appris que le comité mandaté par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour étudier ses aspects cliniques, financiers et sociaux lui recommanderait d'adopter ce test d’ADN fœtal pour les femmes chez qui le test de base permet de suspecter la présence d’anomalies comme la trisomie 18 ou 21. Il serait aussi offert à d’autres femmes considérées plus à risque d’avoir un bébé trisomique, notamment les femmes de plus de 40 ans.Ce test de nouvelle génération est actuellement offert au privé au coût de plusieurs centaines de dollars. Au Québec, il n’est pas remboursé par le système public comme c'est le cas en Ontario ou en Colombie-Britannique. Des chercheurs canadiens dirigés par le Dr François Rousseau, médecin biochimiste formé en génétique moléculaire, ont réussi dans le cadre du projet PEGASE financé par Génome Canada à mettre au point deux variantes moins chères qui pourraient être utilisées dans le réseau public si le ministère de la Santé décidait d’adopter le DGPNI.Un sous-comité présidé par le Dr Jean-Claude Forest, médecin biochimiste, chercheur clinicien et président du Comité de coordination du Programme québécois de dépistage de la trisomie 21, a remis son rapport au Comité mandaté par le MSSS. Ce groupe de spécialistes remettra le sien au ministère, qui prendra les décisions finales au cours des semaines ou des mois à venir. Selon le Dr François Rousseau, l’adoption de ce test en 2e intention se ferait à coût nul, puisqu’il serait financé par les économies engendrées par la forte diminution du nombre d’amniocentèses pratiquées dans la province.Les risques de l’amniocentèseActuellement, environ 4% des femmes enceintes au Québec qui participent au programme de dépistage de la trisomie 21 se font dire qu’elles présentent un risque accru. Cependant, le taux de positifs au test de base (deux prises de sang et une échographie) est d’environ 4 %, alors que la fréquence de la trisomie 21 est beaucoup faible. Pour déterminer s’il s’agit véritablement d’un cas de trisomie 21 ou d’une autre anomalie chromosomique, on recourt actuellement à l'amniocentèse, qui n'est pas sans risque. Il y a un danger de perdre un fœtus normal environ 1 fois sur 200; cela survient une dizaine de fois par année au Québec.Le test d’ADN fœtal a représenté une avancée majeure. Des chercheurs chinois ont constaté que pendant la grossesse, on trouve de l’ADN du fœtus en quantité suffisante dans le sang de la mère pour être analysé et détecter la présence d'une trisomie. Le DGPNI est réalisé au moyen d’un simple test sanguin. L’adoption de cette méthode, outre le fait qu’elle est moins invasive et moins stressante pour la mère, permettrait d’éviter annuellement des centaines d’amniocentèses dans la province et la perte de fœtus qui ne présentaient pas d'anomalie chromosomique.Comme le DGPNI n'est pas un test diagnostique, l’amniocentèse ne serait pas abandonnée, mais elle deviendrait un test de 3e intention destiné à valider les quelques cas où le test d’ADN fœtal démontrerait une anomalie chromosomique.Éliminer les amniocentèses inutilesLe Dr François Rousseau a mesuré toutes les implications du DGPNI dans le cadre du projet PEGASE. Il y voit surtout des aspects positifs.«Actuellement, on fait une trentaine d’amniocentèses pour chaque cas de trisomie trouvé. Le test d’ADN fœtal est très bon pour identifier les 30 femmes qui n’ont pas besoin d’amniocentèse. Il peut détecter la presque totalité des trisomies, autour de 98-99%, et quand il est négatif, il est réellement négatif: selon la littérature, les chances qu’il soit faussement positif sont inférieures à 2%. Le DGPNI utilisé en 2e intention permettrait d’éliminer 95% des amniocentèses inutiles et on diminuerait fortement les possibilités de perdre une grossesse saine.»Pas un test offert à toutes les femmes enceintesMalgré ses avantages, dans un premier temps, le test d’ADN fœtal a peu de chance d’être offert à toutes les Québécoises enceintes en première intention dans le cadre d’un programme de dépistage général prénatal gratuit et universel, comme en rêve le Dr Jean Gekas, chef du service de génétique médicale du CHU de Québec.Tout en reconnaissant que son utilisation à grande échelle permettrait de diminuer encore plus le nombre d’enfants trisomiques, des experts interrogés par ProfessionSante.ca ont souligné que ce scénario est peu plausible. En effet, il serait actuellement trop coûteux de le faire passer à toutes les femmes qui tombent enceintes dans la province. De plus, la technologie actuelle ne serait pas assez rapide pour traiter de grands volumes. D’ailleurs, aucun pays à travers le monde ne l’utiliserait encore en première intention. L'adoption pour les femmes à risque serait déjà un premier bon pas.

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