Une vague différente des précédentes aux soins intensifs

Alors que les nouvelles admissions aux soins intensifs ralentissent depuis samedi, après avoir fracassé des records la semaine dernière, le Dr Germain Poirier pousse «un petit soupir de soulagement». Mardi après-midi, le chef des soins intensifs de l'Hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, comptabilisait «juste» trois patients COVID-19 sur les 12 lits de l’unité. «On a sauvé la mise! Si les patients avaient été aussi malades que lors des précédentes vagues, ça aurait éclaté». Plus contagieux et moins virulent, le variant Omicron a ainsi fait évoluer le profil des personnes hospitalisées aux soins intensifs. Certes, les non-vaccinés y sont toujours surreprésentés - ils comptaient pour 31% des admissions la semaine dernière, alors qu’ils ne sont que 16% au sein de la population québécoise -, mais la plupart des patients ayant aujourd’hui besoin de soins critiques sont adéquatement vaccinés. «La majorité sont immunodéprimés et ils arrivent chez nous pour d’autres raisons que la COVID-19», observe le chef de l'unité des soins intensifs de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, le Dr François Marquis, en signalant qu’une bonne partie de sa clientèle est constitué de personnes ayant subi une greffe d’organe, en chimiothérapie ou en hémodialyse. Bien souvent, ces gens-là découvrent qu’ils sont positifs à la COVID au cours de leur hospitalisation. «On a alors deux cas de figure, indique le Dr Marquis. Soit la COVID reste spectatrice et on se contente de les isoler; soit elle s’enclenche en synergie avec leur problème médical sous-jacent et la situation peut rapidement empirer», indique-t-il en prenant pour exemple un de ses patients qui avait, à la base, une infection sévère et qui «s’est fait bouffer en moins de trois jours». «Les personnes immunodéprimées, notamment celles qui ont été greffées, sont plus exposées, parce qu’elles sont moins bien protégées par la vaccination», explique le président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec, le Dr Hoang Duong. «Avec Omicron, la réponse immunitaire est moins bonne après deux doses de vaccin, car les anticorps ont de la difficulté à reconnaître leur cible qui a changé de configuration. La troisième dose compense cette faiblesse», avance le médecin qui pratique à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne, et qui a contribué au Guide de priorisation de gestion des hospitalisations de courte durée, présenté mardi par le ministère de la Santé. Au sein de son unité, le Dr Poirier a pour sa part constaté un rajeunissement de la patientèle. «On a moins d’aînés et plus de jeunes adultes que lors des précédentes vagues. Le fait qu’ils aient été vaccinés plus tardivement peut sans doute expliquer cela.» Dans l’ensemble, l’intensiviste dit voir moins de complications telles que des thromboses ou des insuffisances rénales. «Les patients restent aussi moins longtemps aux soins intensifs», ajoute-t-il. Son confrère Alexis Turgeon, spécialiste en soins intensifs au CHU de Québec-Université Laval, dresse peu ou prou les mêmes constats, en prenant des pincettes. «Le variant Delta n’a pas disparu et puisqu’on ne fait plus de criblage, c’est délicat de tirer des conclusions par rapport à Omicron en l’absence de données épidémiologiques.» Ceci dit, «on a encore des patients qui ont des conditions aiguës, mais on voit moins de formes graves de la maladie ou de gens dont la santé se détériore en 24 heures», observe le clinicien. Cette moindre sévérité du variant Omicron, les intensivistes la perçoivent surtout à travers les témoignages de leurs collègues aux urgences ou dans les étages. «Ils voient moins de grosses pneumonies et nous disent que leurs patients ont plus de symptômes d’infection des voies aériennes supérieures qui s'apparentent au rhume ou à la grippe», rapporte le Dr Turgeon. La prise en charge s'adapte Sur le plan thérapeutique, les stratégies et les pratiques ont elles aussi évolué. «L’intubation précoce n’a plus sa place», indique le Dr François Marquis. «Au début, on avait peur. Désormais, on connaît mieux la maladie et on a plus de tolérance face au risque. On privilégie par exemple la respiration ventrale avant l’intubation. Et quand on intube, on fait ensuite un pilotage plus fin du ventilateur.» Ces patients intubés plus tardivement, le Dr Germain Poirier se permet aujourd’hui de les transférer aux étages afin de libérer des lits aux soins intensifs. «En termes de soins, on s’est aussi ajustés. Par exemple, on éclaircit mieux le sang des patients en tenant compte du risque de thrombose. Ce sont de petites évolutions qui changent la donne.» Le Dr Hoang Duong souligne quant à lui le recours plus fréquent aux glucocorticoïdes pour protéger les poumons des patients dont le système immunitaire s’emballe, ou encore l’usage de médicaments qui bloquent l'interleukine-6 afin de moduler la réponse immunitaire des malades. En revanche, «les anticorps monoclonaux, qui marchaient bien avec les autres variants, semblent moins efficaces avec Omicron», souligne-t-il, en concluant que c’est «un work in progress. Ce virus nous force à nous adapter».

Une vague différente des précédentes aux soins intensifs

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