«Une confiance bien méritée»: les pharmaciens unanimes sur le PL 67

«Les pharmaciens sont extrêmement privilégiés, nous sommes les joueurs étoiles de ce projet de loi», se réjouit le président de l’Ordre des pharmaciens (OPQ) après la présentation du texte porté par la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, dont l’objectif premier est «d’utiliser le plein potentiel des professionnels». Un objectif partagé de longue date par l’ensemble des pharmaciens, souligne Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP): «Je suis heureux de la confiance qu’on accorde à la capacité du pharmacien à prendre en charge ses patients. Une confiance bien méritée. Ce projet apporte de la cohérence.» Mais aussi davantage de place au jugement professionnel du pharmacien, estime Jean Thiffault, président de l’Association des bannières et chaînes de pharmacies (ABCPQ): «On place la compétence au cœur de la pratique, on pourra mieux utiliser nos connaissances professionnelles, sans limites.»Parmi ces limitations, la prescription et la prolongation des ordonnances. «Les citoyens vont pouvoir se rendre en pharmacie pour prolonger leur ordonnance, sans limite de temps ou de nombre de renouvellements», a précisé Sonia LeBel. Si les maladies courantes concernées doivent encore être déterminées, la ministre a cité les infections urinaires, les pharyngites ou encore les conjonctivites. À lire aussi: PL 67: des assouplissements majeurs au rôle des pharmaciens«On conseille souvent des patients sur ce genre d’affections mineures, mais nous pouvons seulement les orienter vers des médicaments en vente libre. On va désormais être en mesure de les aider plus directement», se félicite Benoit Morin, rejoint par Jean-François Desgagné: «Cette série de conditions courantes, comme le traitement des pharyngites à streptocoques par exemple, seront laissées au bon jugement du pharmacien, selon son confort et ses disponibilités. Cela va soulager les patients, décharger les salles d’urgence et les cabinets médicaux.» Suivi des patients stables et plus de prélèvementsParmi les autres avancées présentées dans ce projet de loi, la possibilité pour les pharmaciens de prescrire un médicament à un patient déjà diagnostiqué et dont la situation est stable. «Théoriquement, si la condition est stable, le patient pourrait ne plus voir de médecin», a même déclaré Sonia LeBel, tout en soulignant la variable du jugement clinique du pharmacien. «Pour les conditions chroniques, nous étions souvent limités à l’ajustement des doses», reconnaît Benoit Morin qui voit dans cette possibilité d’initier un traitement un outil supplémentaire pour atteindre les cibles thérapeutiques, sans le frein de conditions préalables requises, comme la prescription datant de moins de 5 ans. Enfin, les possibilités de prélèvements, actuellement limitées à la gorge, devraient être élargies et suivies d'ordonnances. «Concernant les infections à streptocoque, les ordonnances collectives créent une iniquité entre les patients, ajoute le président de l’AQPP. Le fait que le pharmacien puisse prescrire met tous les patients au même niveau de service, et lui garantit une autonomie, à la suite d’un résultat de test dont la conclusion est évidente par exemple.»À lire aussi: La composition du CA de Santé Québec annoncéeLa délégation de ces actes aux pharmaciens incarne l’interdisciplinarité prônée d’une même voix par le gouvernement et l’OPQ. «C’est l’aboutissement de toutes les demandes des pharmaciens, qui offre un accès tangible aux soins de santé. Nous sommes répartis sur tout le territoire, avec des heures d’ouverture élargies et une expérience dans la prise en charge. Le travail des pharmaciens est apprécié, autant par le gouvernement que par nos collègues médecins», estime Jean-François Desgagné. Preuve de cette cohésion et de cette confiance, l’Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins (CMQ) ont publié un communiqué conjoint. Moins de contraintes réglementairesLe projet de loi 67 vient ainsi corriger certaines situations créées par des contraintes administratives, ajoute Jean-François Desgagné. «Les lois 31 et 41 ont donné beaucoup d’accès mais avec des cadres rigides et stricts, ce qui se comprend. Quand on élimine certains freins réglementaires, ce n’est pas parce qu’on veut que ce soit le Far West; c’est qu’on reconnaît la probité et le professionnalisme des gens.» L’OPQ n’est d’ailleurs pas en reste, puisque le texte prévoit que son conseil d’administration puisse désormais réaliser des audits dans les établissements de santé, et plus seulement chez ses membres, et en référer directement au ministère de la Santé et des Services sociaux. «C’était une demande historique de l’ordre, dès le dépôt du PL15 par le gouvernement, explique son président. Pendant la pandémie, nous aurions été en mesure de réaliser des audits dans les CHSLD et de transmettre notre avis au ministre.» Une mesure également saluée par le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ), afin de rendre les conseils d’administration des ordres responsables de différentes réalités de terrain, souligne sa présidente Danielle Boué: «L’idée de reconnaître la compétence des CA pourrait simplifier toute la trajectoire législative et réglementaire des ordres afin de faire adopter des nouveautés dans leur profession. On s’attend à des ouvertures de diagnostic dans d’autres secteurs, et des modifications en lien avec la discipline et des leviers pour la protection du public.» À lire aussi: Les Canadiens peinent à avoir accès à des soins de santé de première lignePourtant, pas question d’en rester là, puisque les travaux parlementaires ne débuteront qu’à l’automne prochain. D’ici là, plusieurs questions subsistent, comme celles de la spécialisation en pharmacie, mais, surtout, celles de la mise en œuvre et de la rémunération. «Il ne faut pas que l’on devienne des zones de triage, soulève Benoit Morin. Il va falloir travailler en collaboration avec les patients, et tout cela devra être négocié. Aujourd’hui, nous ne sommes pas rémunérés pour prendre en charge et suivre un patient stable.» Une attente partagée par le président de l’ABCPQ, Jean Thiffault, qui appelle le gouvernement à voir plus loin: Ça place les fondations de la manière dont va pouvoir se développer la pharmacie à l’avenir. «Cela va demander une logistique opérationnelle, à la fois clinique et technologique. Il faudra investir dans les systèmes de communication et un support technologique bien arrimé avec les autres professionnels de la santé.» De son côté, le président de l’OPQ, Jean-François Desgagné, en est convaincu: «Le Québec va devenir l’une des juridictions avec le champ de pratique le plus avancé pour la pharmacie.»

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