Un premier président autochtone à l'Association médicale canadienne

Dans une salle de chirurgie très éclairée au lever du soleil, le Dr Alika Lafontaine raconte pourquoi il a choisi de devenir anesthésiste tout en remplissant des seringues pour son premier patient de la journée. Ce médecin de 40 ans, qui est devenu lundi le premier autochtone et le plus jeune président de l'Association médicale canadienne, raconte qu'il a voulu être chirurgien pendant plusieurs années avant de voir travailler son ami anesthésiste, qui lui a dit qu'il devrait plutôt envisager ce domaine. «Vers 3 heures du matin, il y a eu un appel de code. Nous nous sommes précipités tous les deux», se souvient le Dr Lafontaine lors d'une entrevue au début du mois, alors qu'il commençait son quart de travail de 24 heures à l'hôpital régional de Grande Prairie, dans le nord-ouest de l'Alberta. «C'était intéressant de voir mon ami travailler, car quelques minutes après son entrée dans la pièce, cette scène de chaos est soudainement devenue très calme. Le patient avait été stabilisé. Tout le monde savait ce qu'il faisait», dit-il. «Je veux être capable d'aider dans des situations qui semblent chaotiques», ajoute le médecin spécialiste. Une première en 155 ans Le Dr Lafontaine - qui est d'ascendance crie, anishinaabe, métisse et insulaire du Pacifique - va désormais parler au nom du groupe qui défend depuis quelque 155 ans les intérêts des professionnels de la santé et des patients canadiens en s'engageant auprès des gouvernements, des communautés et d'autres parties prenantes. «C'est aussi vieux que le Canada», indique celui qui succédera à la Dre Katharine Smart. Le Dr Lafontaine affirme qu'il veut célébrer le fait d'être devenu le premier président autochtone du groupe, mais il se demande aussi pourquoi cela a pris autant de temps. Chaque fois qu’on entend «premier», cela déclenche chez les gens l'idée que quelque chose pourrait être différent: «Peut-être que cette personne entendra mes problèmes différemment, et c'est une belle chose», dit-il. Le nouveau président soutient que de nombreuses voix sont exclues des discussions lorsqu'il s'agit du système de soins de santé. «Il y a l'inégalité entre les sexes, et pas seulement le racisme spécifique aux Autochtones, mais aussi le racisme contre les Noirs et les autres personnes de couleur», dit-il. «Une fois que vous avez créé de l'espace autour de la table pour que ces personnes s'y assoient, il est vraiment important de poursuivre dans cette voie.» Retard de développement Né et élevé à Regina, en Saskatchewan, avec quatre frères et sœurs, un père éducateur et une mère au foyer, le médecin a eu une éducation de classe moyenne. Sa famille a également fait des tournées ensemble dans un groupe populaire de R&B et de rock appelé 5th Generation. Ses parents, qui ont toujours encouragé l'éducation, ont été anéantis lorsqu'il a eu des difficultés de langage dans son enfance et qu'un enseignant l'a étiqueté comme ayant un retard de développement. Le Dr Lafontaine dit qu'il a beaucoup réfléchi à cette étiquette. «J'ai regardé autour de moi et j'ai vu des collègues qui m'ont rappelé ce que je ressentais lorsque les enseignants me disaient: "Il n'y a aucun espoir pour toi"», partage-t-il. «Mais ces expériences, où nous avons l'impression d'être brisés, nous aident à apprécier les choses autour de nous qui auraient besoin d'un peu d'aide.» Selon lui, le système de santé avait déjà du mal à garder la tête hors de l'eau avant l'arrivée de la pandémie de COVID-19, début 2020, et la pression n'a fait que croître. Une crise qui ne finit plus Les manchettes sur les salles d'urgence débordées, les temps d'attente croissants en chirurgie, les pénuries de personnel et d'équipement et l'épuisement des travailleurs sont devenus courants. «Lorsque les systèmes sont en crise, les fournisseurs de soins de santé sont prêts à les combattre. C'est pour cela que nous avons été formés, dit le Dr Lafontaine. Mais il n'est pas normal d'être toujours en crise. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'épuisement professionnel s'accélère vraiment.» En plus d'améliorer les environnements de travail, il dit qu'il veut aussi plaider pour une norme nationale en matière de soins de santé. «Nous parlons beaucoup de l'amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients, mais nous avons encore 13 systèmes provinciaux et territoriaux différents qui ont des idées très différentes de ce à quoi cela ressemble», dit-il. «En particulier dans le domaine des ressources humaines, nous devons nous assurer que nous soutenons notre main-d'œuvre, en veillant à ce que les gens ne partent pas». Il dit vouloir s'inspirer de son identité autochtone tout en préconisant des solutions. «En tant que personne issue d'un milieu autochtone, je sais ce que c'est que de ne pas avoir de voix. Je peux donc tendre la main d'une manière différente. Je peux ressentir ce que les gens ressentent d'une manière qui ne pèse pas autant sur la personne qui éprouve de la douleur», dit-il. «L'une des plus grandes choses de la culture est qu'elle vous enracine dans votre position par rapport au monde et aux autres. Elle vous enracine surtout dans les périodes de stress et de crise», conclut le nouveau président de l’AMC. Une présidente de la Colombie-Britannique en 2023 Par ailleurs, notons que la Dre Kathleen Ross a été nommée présidente désignée de l’AMC pour 2023-2024. Cette médecin de famille de la Colombie-Britannique effectue des tâches cliniques en soins primaires communautaires, ainsi qu’en obstétrique et en assistance chirurgicale à l’Hôpital Royal Columbian. La Dre Ross est reconnue pour son intérêt à faire progresser la technologie dans les soins cliniques de première ligne. D’ailleurs, elle est médecin responsable de l’Association Pathways Patient Referral, un répertoire de ressources virtuel pour les médecins de la Colombie-Britannique et du Yukon qui souhaitent faire des demandes de consultation. Elle commencera son mandat à la présidence en août 2023.

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