Un jeune bioéthicien force GSK à dévoiler le prix d’un vaccin

Après trois ans de combat, un jeune bioéthicien québécois vient de remporter une bataille contre un géant pharmaceutique qui sera contraint de dévoiler le prix d’un de ses vaccins.Dans une décision qui risque de faire grand bruit dans l’industrie pharmaceutique, la Commission d’accès à l’information (CAI) du Québec oblige la multinationale GlaxoSmithKline (GSK) à divulguer le prix du vaccin Bexsero payé par le gouvernement du Québec dans le cadre de la campagne de vaccination contre le méningocoque de sérogroupe B lancée en mai 2014 dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.Depuis trois ans, Jean-Christophe Bélisle-Pipon, âgé de 31 ans, cherche à connaître le coût unitaire des 119 400 doses de vaccin achetées par Québec. Toutefois, ni le gouvernement ni GSK n’a voulu dévoiler cette information, affirmant que des concurrents pourraient en tirer avantage. Ce refus a forcé M. Bélisle-Pipon à soumettre, en 2015, une demande d’accès au CAI, qui a finalement accueilli cette demande dans une décision rendue le 13 mars dernier.Comme l’affaire est toujours en cours, puisque GSK peut encore faire appel de la décision, M. Bélisle-Pipon a décliné notre demande d’entrevue. Toutefois, son ancien professeur, Bryn Williams-Jones, qui a fait équipe avec lui pour évaluer le bien-fondé de cette campagne de vaccination, a accepté de commenter cette décision.Pourquoi vouliez-vous connaître le prix du vaccin Bexsero ?Nous n’étions pas convaincus que le problème au Saguenay–Lac-Saint-Jean était grave au point de lancer une campagne de vaccination et de dépenser des millions de dollars. Peu d’indices nous laissaient croire que c’était une maladie à risque et que l’incidence était suffisamment élevée pour justifier une intervention qui coûte très cher à l’État. Nous avions l’impression qu’il y avait quelque chose d’un peu croche là-dedans. Nous voulions donc connaître le montant afin de faire une analyse coût-efficacité (rentabilité) de cette campagne.Quels arguments avez-vous fait valoir devant la CAI ?Nous avons mentionné que c’était dans l’intérêt public de savoir pourquoi le gouvernement fait ce choix. Les décisions doivent être prises dans cet intérêt. Si cette campagne de vaccination en vaut la peine, qu’il le dise explicitement ! Sans avocat et sans moyen financier, Jean-Christophe a tenu ce dossier à bout de bras avec courage et énergie. Il a démontré de façon convaincante au juge que cette information, le prix du vaccin, est d’intérêt public.Selon vous, à quel prix devrait se vendre le vaccin pour être rentable ?La littérature scientifique démontre que si le prix unitaire du vaccin oscille entre 20 $ et 60 $, il est probablement rentable. Or, un membre de notre équipe est allé en pharmacie pour voir à quel prix se vendait le vaccin Bexsero et il était à environ 120 $. C’est trop cher selon nous. Puisqu’il a acheté en grosse quantité, le gouvernement a peut-être payé 60 $, 80 $ ou 100 $ pour un vaccin. Peut-être même que l’État a fait un bon «deal» avec la compagnie pharmaceutique. Toutefois, nous n’avons aucun moyen de le savoir puisqu’il a refusé de divulguer cette information.GSK a évoqué l’argument de la concurrence pour de pas dévoiler le prix. Pourquoi pensez-vous que le gouvernement n’a pas voulu divulguer cette information ?Nous avons de la difficulté à comprendre cette décision. Est-ce qu’il aime mieux protéger les intérêts commerciaux que les intérêts publics ? Est-ce qu’il a peur de perdre les compagnies pharmaceutiques qui sont dans l’ouest de Montréal ? De plus, si le vaccin a coûté cher, cette campagne de vaccination serait plus difficile à justifier auprès de la population dans un contexte où il y a d’autres dépenses très importantes à faire en santé et que les ressources sont limitées.Pensez-vous que la décision de la Commission d’accès à l’information aura un impact sur l’industrie pharmaceutique ?Peut-être qu’en regardant cette décision, les compagnies vont se dirent qu’elles devraient changer leurs pratiques. En tant qu’éthicien, j’espère qu’elles comprendront qu’elles sont là pour améliorer la santé des gens, et pas seulement pour gagner plus d’argent.…et sur gouvernement ?J’espère que ce sera un «wake up call» pour l’État. Le gouvernement doit regagner la confiance de la population, mais lorsqu’il ne présente pas les informations, ça donne l’impression qu’il a quelque chose à cacher. L’État se doit d’être transparent afin que les citoyens comprennent les raisons d’une décision.Bryn Williams-Jones est directeur des Programmes de bioéthique et professeur titulaire au département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM).

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