Un consensus autour de Pharma-Québec: trop, c’est trop

Le plus grand fabricant de médicaments génériques au Canada vend un antihypertenseur, l’amlodipine, ou Norvasc, 50 cents à l’Ontario et 54 cents au Québec. En Nouvelle-Zélande, ce même fabricant, Apotex pour ne pas le nommer, le vend 3,4 cents à Pharmac, organisme public d’achat de médicaments ayant servi d’exemple pour le projet de création de Pharma-Québec.Le 14 novembre, j’étais invité par le Dr Khadir à assister à la présentation du projet de loi pour la mise sur pied de Pharma-Québec. Dès 2004, j’attirais son attention sur l’existence de Pharmac, auquel je consacrais un chapitre dans Les dérives de l’industrie de la santé.Un nouveau consensus commence à se dégagerDepuis lors, 200 organismes dont Médecins québécois pour un régime public, la Centrale des syndicats du Québec, l’Union des consommateurs ainsi que de nombreuses personnalités, telles que le Dr Alain Vadeboncoeur et la Dre Havrankova, ont donné leur appui à la création de Pharma-Québec. Des chercheurs tels que Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton, ont par la suite documenté en détail la faisabilité d’un tel projet.En Suède et en Nouvelle-Zélande, les dépenses de médicaments par tête de pipe sont grosso modo deux et trois fois moins élevées qu’au Québec (1034 $ par personne) et leurs habitants sont en aussi bonne santé.Aujourd’hui, nos dépenses de médicaments s’élèvent à 8 milliards $, dont environ 7 milliards pour les médicaments prescrits. Grâce à Pharma-Québec, diverses sources estiment les économies à 2,5 milliards $ et l’Institut de recherche en économie contemporaine, dont Jacques Parizeau est le président honoraire, les évalue à un milliard.Depuis plus de 30 ans, la part des médicaments dans le total des dépenses de santé a évolué à un rythme affolant, soit trois fois plus rapidement que les dépenses pour les médecins et les hôpitaux. Les dépenses pour les soins de la vue et des yeux ont également connu des augmentations beaucoup plus rapides que celles du secteur public. C’est dans le secteur privé que les coûts sont hors de contrôle.Alors qu’en 1985 les dépenses de médicaments avoisinaient 8 % des dépenses totales de santé, elles atteignent près de 20 % de nos jours. Si la tendance se maintient, que restera-t-il pour payer les médecins et les hôpitaux ?Un fonctionnement simple et efficaceComment la Nouvelle-Zélande, comptant quatre millions d’habitants, s’y prend-elle pour réaliser ce « miracle » ? Tout simplement en négociant les prix avec les fabricants et en les mettant en concurrence les uns les autres.Premièrement, en ce qui a trait aux médicaments génériques, pour chaque catégorie thérapeutique Pharmac procède par appels d’offres.Le fabricant qui fait la meilleure offre remporte la mise.Deuxièmement, Pharmac pratique la politique du prix de référence. Comme la plupart des médicaments ont des équivalents, l’organisme fait une analyse des vertus de chacun des produits de la même classe thérapeutique et rembourse le moins cher, sauf indication médicale contraire. Cette pratique a lieu en Colombie-Britannique et les habitants de cette province paient leurs médicaments 30 % moins cher qu’au Québec.Troisièmement, Pharmac a recours aux négociations croisées. Un nouveau médicament dont le prix est élevé sera remboursé si le fabricant consent un rabais sur des produits qu’il vend déjà à l’organisme.Enfin, un produit dispendieux dont les vertus thérapeutiques sont reconnues sera remboursé en échange d’un plafond de dépenses. Si le volume des ventes est dépassé, le fabricant s’engage à fournir le médicament gratuitement.Pharmac est avant tout un pôle d’achats groupés de médicaments grâce auquel ils se vendent près de trois fois moins cher qu’ici.En plus d’un pôle d’achats de médicaments, à l’instar du Brésil, Pharma-Québec prévoit la création d’un pôle de fabrication de produits génériques, ce qui mettrait fin aux pénuries de médicaments que le Québec a connues récemment, et éventuellement d’un pôle de recherche sur de nouveaux médicaments véritablement novateurs.Soulignons que le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qui fixe le prix des nouveaux produits au Canada, signale que seulement 9,9 % des nouveaux médicaments mis en marché constituent des percées. La revue française Prescrire, revue indépendante des entreprises pharmaceutiques et du gouvernement, estime que parmi les 984 médicaments mis en marché de 2000 à 2009, 20 seulement méritent la cotation « bravo » ou « intéressant ».Une proposition qui n’a rien d’extrémiste ou de révolutionnaireMalheureusement, notre nouveau ministre de la Santé a trouvé, et je cite, que : « C’est une solution extrémiste de nationaliser l’industrie pharmaceutique. » Il est tout à fait bizarre de qualifier la Nouvelle-Zélande d’« extrémiste ». Par ailleurs, faut-il le rappeler, il n’est aucunement question de nationaliser quoi que ce soit.Le ministre est mal informé et il commet, qu’il le veuille ou non, le sophisme de l’homme de paille. Il érige un faux adversaire pour mieux l’abattre. En outre, il n’y a rien de révolutionnaire dans la proposition de Pharma-Québec. Il existe déjà, au Québec, six corporations d’achat de médicaments pour les hôpitaux, les CLSC et les CHSLD, qui négocient les prix avec les fabricants.Ces corporations obtiennent des rabais d’environ 44 % par rapport aux prix payés par la RAMQ, ce qui est possiblement sous-estimé. En 2007, le président d’une de ces corporations me confiait que le prix payé par les corporations est en moyenne deux fois et demie moins élevé que celui des médicaments vendus en pharmacie. Même en considérant que les pharmaciens doivent prendre leur cote, il est évident que la proposition de Québec solidaire est remplie de sens.En plus des économies substantielles engendrées par Pharma-Québec, une telle initiative permettrait un meilleur accès aux médicaments essentiels et une plus grande équité. Au moment où le gouvernement cherche désespérément à équilibrer son budget, voilà une belle occasion à ne pas rater.Nous payons de 30 % à 40 % de trop pour nos infrastructures et le gouvernement s’apprête à légiférer dans ce domaine. Pourquoi ne pas aussi légiférer dans le domaine du médicament en créant Pharma-Québec pour le plus grand bien des Québécoises et des Québécois ?Voici ce qu’écrivait la Dre Havrankova dans L’actualité médicale : « Québec solidaire a bien raison de vouloir faire le ménage et l’opposition des autres partis n’est que de la politique dont le système de santé se passerait bien. » En effet, on se passerait bien de la petite comme de la grosse politique qui se fait sur le dos de la santé publique.Jean-Claude St-Onge,Professeur de philosophie et d’économie à la retraiteet auteur de L’envers de la pilule

Un consensus autour de Pharma-Québec: trop, c’est trop

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