Un autre regard sur la mortalité par cancer au pays

Malgré une baisse lente, mais constante, de l’incidence du cancer et des taux de mortalité durant la dernière décennie, des disparités persistent entre les provinces. «Que peut-on faire pour que tous les Canadiens aient une chance d’obtenir les meilleurs résultats possibles?» s’est demandé le Conference Board du Canada. Dans un pays où cohabitent 13 systèmes de soins de santé administrés séparément, les Canadiens de différentes provinces n’ont pas accès aux mêmes options en matière de prévention, de dépistage, de diagnostic et de traitement du cancer. Pour cerner les plus payantes d’entre elles, les trois auteurs du rapport Mortalité due au cancer 2022 : comprendre les facteurs de variabilité de la mortalité interprovinciale par cancer ont cherché à identifier l’impact de plusieurs facteurs contextuels — données socioéconomiques et démographiques, comportements à risque au sein de la population, etc. — et d’autres facteurs systémiques — disponibilité des ressources en matière de soins de santé, affectation des fonds, etc. Pour ce faire, ils ont examiné les taux de mortalité normalisés selon l’âge (TMNA) et les ratios mortalité/incidence (RMI) des cinq cancers les plus fréquents au pays: poumon, colorectal, prostate, sein et myélome multiple. «Le RMI offre une autre façon d’évaluer les résultats de la mortalité. Il est considéré comme un indicateur de survie, qui montre comment se porte une population d’une région particulière après avoir reçu un diagnostic de cancer», expliquent les auteurs du rapport. Une valeur élevée de RMI indique ainsi de moins bons résultats en matière de cancer, autrement dit une mortalité plus élevée par rapport à son incidence. «Les données internationales montrent une relation inverse entre le RMI et la performance du système de santé: les pays qui font bonne figure au classement international des systèmes de santé de l’Organisation mondiale de la santé ont des RMI plus faibles», peut-on lire dans le document, disponible en téléchargement au bas de la page. Invité par ProfessionSanté.ca à commenter les principaux constats des analystes du Conference Board [voir ci-dessous], le Dr Philippe Sauthier, président du conseil d’administration de la Fondation québécoise du cancer (FQC), trouve l’approche «extrêmement intéressante». «Ce genre de rapport est une bonne base pour les politiciens et les autorités de santé publique afin d’orienter la réponse sanitaire.» Si le gynéco-oncologue aimerait avoir plus de réponses à certaines observations et questions soulevées, il constate que le document «souligne des points extrêmement importants pour lesquels la communauté oncologique se bat. Le problème des cancers est qu’ils sont tous différents et qu’ils dépendent d’une multiplicité de paramètres soumis à des variations individuelles et populationnelles qui peuvent être énormes.» Ce qui complexifie l’organisation des soins de santé à prodiguer. Point commun cependant à tous les cancers, mis en lumière par le rapport, «plus on arrive tôt dans les processus de diagnostic et de traitement, meilleur est le résultat. C’est un cliché, mais les politiques de dépistage sont déterminantes», signale le Dr Sauthier. Selon lui, cet enjeu de l’accès aux soins tient essentiellement à la volonté publique. Il n’est pas étonné, par exemple, de voir les bonnes performances affichées par l’Ontario et la Colombie-Britannique comparés aux autres provinces. «L’Ontario et la Colombie-Britannique ont décidé il y a 25 ans que le cancer était un problème de société qui allait s’amplifier avec le vieillissement et elles se sont organisées en conséquence pour lui apporter une réponse globale», explique-t-il. Anticiper l'impact de la COVID-19 Au Québec, le médecin considère que le cancer reste une «maladie maudite, qui est encore trop associée à la mort. Ça suscite de la retenue alors que c’est un problème qui touche ou va toucher une personne sur deux.» Sachant que ce serait anxiogène, donc peu vraisemblable, il reste convaincu qu’un politicien qui ferait campagne sur cet enjeu, en promettant de s’y attaquer sérieusement et concrètement, serait élu haut la main. «La question de l’accès est avant tout politique», répète-t-il. Ceci dit, le président de la FQC constate que le Québec affiche un RMI au-dessus de la moyenne canadienne. «On n’est pas si mauvais quand on s’en tient à cet indicateur qui permet des comparaisons interprovinciales», observe-t-il. «Mais on peut faire mieux et surtout se préparer aux contrecoups de la COVID-19», enchaîne aussitôt le clinicien en semi-retraite, qui pratique comme médecin-conseil auprès du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). «Les retards pris dans le dépistage et les diagnostics durant les deux premières années de pandémie se feront sentir en 2030. Il faut surveiller ça sur 10 ans», prévient-il. Il ajoute, avec le désir de taper sur le clou: «Un réseau de la santé solide et organisé est plus efficient en dollars et en soins.» Des corrélations surprenantes Parmi les facteurs sociodémographiques étudiés, les analystes du Conference Board du Canada mettent en lumière des liens qui semblent contre-intuitifs. Les auteurs observent, par exemple, que « le revenu médian est systématiquement et fortement corrélé au RMI pour chaque type de tumeur. Les provinces dont le revenu médian est plus élevé (Alberta, Manitoba et Saskatchewan) ont des RMI plus élevés, ce qui indique de moins bons résultats en matière de survie.» Ils constatent également que «la proportion de personnes âgées par rapport à la population totale est inversement corrélée au RMI pour les cancers du poumon, de la prostate, le myélome et le cancer colorectal. Les provinces comptant les plus faibles proportions de personnes âgées par rapport à la population totale (Alberta, Manitoba et Saskatchewan) ont des RMI plus élevés, ce qui indique de moins bons résultats en matière de survie.» Conscient de la singularité de ces corrélations, les analystes conviennent que «certains de (leurs) résultats nécessitent une étude plus approfondie.» ProfessionSanté.ca leur a demandé une entrevue, mais aucun n’était disponible pour répondre à nos questions.

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