Stratégies d'endormissement pour les jeunes agités

Le cas de la patienteJL, une jeune fille de 14 ans, se présente à la pharmacie afin de connaître la dose la plus élevée de mélatonine qu'elle peut utiliser en toute sécurité pour traiter son insomnie. Depuis deux mois, elle éprouve des difficultés à trouver le sommeil et à rester endormie, se réveillant fréquemment au milieu de la nuit et luttant pour se rendormir. Sa mère lui a recommandé la mélatonine, que JL prend tous les soirs depuis six semaines. Elle a commencé par une dose de 1 mg, qu'elle a progressivement augmentée jusqu'à 6 mg au cours des deux dernières semaines. JL a récemment commencé l'école secondaire et boit quatre à cinq tasses de café par jour en raison de sa charge de travail accrue. Elle n'a pas d'heure de coucher ou de réveil fixe et a remarqué qu'elle était fatiguée et qu'elle avait du mal à se concentrer en classe à cause de cela. JL ne prend pas d'autres médicaments, n'a pas d'allergies connues et souhaite savoir comment résoudre au mieux ses problèmes d’insomnie.ContexteUn sommeil de qualité est vital pour assurer un développement sain, tant sur le plan physique que mental. Le manque de sommeil et les troubles du sommeil sont très répandus chez les enfants et les adolescents. L'insomnie peut être définie comme une difficulté à s'endormir, à rester endormi ou un réveil tôt le matin avec l'incapacité de se rendormir, les symptômes entraînant une détresse significative ou une altération du fonctionnement. Les symptômes doivent survenir au moins trois nuits par semaine et peuvent être aigus ( 3 mois).1,2 L'insomnie peut se présenter avec des troubles du sommeil comorbides, des troubles psychiatriques ou comme un trouble indépendant.1-3 Il est donc essentiel d'obtenir les antécédents détaillés du patient afin de dépister les troubles du sommeil comorbides (tableau 1) et les facteurs de risque tels que les médicaments ou les troubles médicaux/psychiatriques (figure 1), qui peuvent justifier une orientation vers un examen plus approfondi.Approche thérapeutique pour les enfants et les adolescents Traitement non pharmacologiqueLes approches non pharmacologiques constituent le traitement de première intention de l'insomnie, en particulier chez les enfants de moins de six ans.1-3 La thérapie cognitivo-comportementale de l'insomnie (TCC-I) est une approche multimodale étayée par des données probantes solides, comprenant notamment le contrôle des stimuli et l'hygiène du sommeil (voir tableau 2).1-4 Les modifications comportementales peuvent générer des bénéfices durables, alors que les améliorations du sommeil liées aux médicaments ont tendance à diminuer une fois que le traitement est interrompu. La méthode Ferber est une technique comportementale qui peut être utilisée comme approche supplémentaire pour les nourrissons ou les jeunes enfants; elle utilise une technique graduelle, en réduisant progressivement l'attention des parents à l'égard d'un nourrisson qui pleure.2 Les interventions pharmacologiques ne doivent être envisagées que si la TCC-I s'avère inefficace ou n'est pas accessible. L'orientation vers un prestataire de soins approprié pour une évaluation et/ou une prise en charge plus approfondie doit être envisagée si des mesures non pharmacologiques ont été essayées de manière adéquate et si des doses optimales de produits en vente libre ou de produits de santé naturels sont inefficaces après trois nuits ou nécessaires pendant > 7 jours consécutifs.1Traitement pharmacologiqueL'utilisation de traitements pharmacologiques pour l'insomnie pédiatrique est limitée par la rareté des données probantes de haute qualité et du risque potentiel d'effets secondaires.Médicaments en vente libreLa diphenhydramine est un antihistaminique de première génération qui a des effets sédatifs importants. Elle peut être utilisée à court terme pour l'insomnie associée à des troubles du sommeil à médiation histaminique, tels que ceux liés aux allergies ou à la dermatite atopique.2 Son efficacité pour l'insomnie varie chez les enfants, avec un certain bénéfice chez les enfants de deux à 12 ans dans la réduction de la latence du sommeil, l'augmentation de la durée du sommeil et la réduction des réveils nocturnes.7 Cependant, les antihistaminiques doivent être recommandés avec prudence pour l'insomnie, car ils peuvent causer des troubles cognitifs, un risque accru de chutes, une tolérance, une dépendance, un sevrage et des effets de rebond.1,2,7Produits de santé naturelsLa mélatonine est une hormone synthétique exogène produite par la glande pinéale dans le cerveau. Elle est communément appelée «hormone du sommeil» en raison de son rôle crucial dans la régulation de notre cycle veille-sommeil. À l'approche du soir, le taux de mélatonine augmente naturellement, ce qui favorise l'entrée dans le sommeil. À l'inverse, pendant la journée, les niveaux de mélatonine diminuent, ce qui nous aide à rester alertes et éveillés.Pour les personnes confrontées à des problèmes spécifiques liés au sommeil, la mélatonine est devenue une solution largement utilisée pour rétablir le cycle veille-sommeil. Elle peut être utilisée contre l'insomnie à des doses de 0,3 à 5 mg chez les enfants et les adolescents, des doses allant jusqu'à 10 mg ayant été étudiées chez les enfants autistes.3,7 Elle apporte un certain bénéfice aux enfants souffrant d'insomnie d’endormissement, la plupart des données provenant d'enfants autistes ou souffrant de troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité.2-4,8 Une étude systématique a démontré des améliorations significatives de la latence et de la durée du sommeil.4 Les effets secondaires comprennent la fatigue, les vertiges, les maux de tête et l'hyperactivité.3,9,10À lire aussi: Horaire atypique et hypervigilance: certains métiers sont plus propices à l'insomnieIl existe peu de preuves quant à l'utilisation à long terme de la mélatonine pour le traitement de l'insomnie (> 4 semaines), et certaines preuves contradictoires concernent la suppression potentielle de l'axe hypothalamo-gonadique, qui peut affecter le développement pubertaire et abaisser les niveaux nocturnes de mélatonine.3,9-11 L'augmentation de 530% du nombre d'appels liés à l'ingestion de mélatonine par des enfants aux centres antipoison des États-Unis entre 2012 et 2021 a également suscité des inquiétudes.12 Bien que la supplémentation en mélatonine soit généralement considérée comme sûre à différentes doses, les experts se demandent si son utilisation ne masquerait pas des problèmes sous-jacents12,13. En outre, la mélatonine étant classée comme produit de santé naturel au Canada, elle n'est pas réglementée de manière aussi stricte, et ainsi entraîner potentiellement des problèmes d'assurance qualité.14,15 Par exemple, une analyse de 30 produits de mélatonine en Ontario, en 2017, a révélé que 71% d'entre eux variaient de plus de 10% par rapport à la concentration indiquée sur l'étiquette.14Dans l'ensemble, la mélatonine peut être un complément sûr au traitement non pharmacologique de l'insomnie pédiatrique, en particulier pour les enfants souffrant d'insomnie d'endormissement ou du syndrome de retard de phase du sommeil et de difficultés d'apprentissage, d'autisme ou de trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, mais son utilisation doit être limitée à une semaine. La mélatonine ne doit pas être utilisée en monothérapie chronique, car elle peut éclipser l'utilisation de traitements comportementaux plus efficaces et la nécessité de procéder à des évaluations plus approfondies.Le L-tryptophane est disponible sans ordonnance à de faibles doses (< 220 mg).2 Les preuves de son utilisation sont limitées, mais il peut être bénéfique à des doses plus élevées pour les parasomnies primaires chez les enfants; dans ce cas, il est nécessaire d'en référer à un professionnel de la santé de première ligne.1,16 La valériane doit être évitée en raison du manque de preuves, de la la variabilité des formulations et du risque d'hépatotoxicité.1Traitements pharmacologiques sur ordonnanceLes sédatifs et les hypnotiques tels que les «médicaments z» (par exemple, zopiclone, zolpidem) doivent être évités dans cette population en raison de leur efficacité limitée et du risque d'effets secondaires, y compris des troubles de la mémoire et de la cognition, ainsi que du risque d'abus.1,2Analyse du cas et recommandationJL a essayé la mélatonine à une dose optimisée pendant plus de sept jours avec un bénéfice limité. Il est donc inapproprié de recommander des doses plus élevées pour le traitement de l'insomnie, et il faudrait conseiller à JL d'arrêter la mélatonine. Étant donné que de mauvaises habitudes d'hygiène de sommeil (horaires de sommeil incohérents et consommation de caféine avant le coucher) contribuent probablement à l'insomnie de JL, vous devriez souligner et encourager l'importance de la TCC-I, en mettant l'accent sur des stratégies telles que la réduction de la consommation de caféine et éviter le café au moins quatre heures avant l'heure du coucher. Conseillez JL sur les pratiques d'hygiène de sommeil et encouragez- la à tenir un journal du sommeil afin de cibler les comportements spécifiques contribuant à l'insomnie. Discutez également de la thérapie de contrôle des stimuli, notamment en évitant les siestes diurnes et les appareils émettant de la lumière lors du coucher.1Planifiez un suivi avec la patiente dans sept jours afin de contrôler l'amélioration du sommeil et du fonctionnement diurne. Il n'est pas nécessaire d'orienter immédiatement la patiente vers un spécialiste, car elle ne présente pas de comportements de sommeil atypiques (tableau 1), de causes d'insomnie induite par des médicaments ou de troubles médicaux/psychiatriques concomitants non pris en charge qui pourraient justifier une investigation (tableau 2). Conseillez-lui de consulter son médecin de famille si l'insomnie persiste au-delà de sept jours après avoir mis en œuvre des stratégies non pharmacologiques, afin de rechercher les causes sous-jacentes de l'insomnie.

Stratégies d'endormissement pour les jeunes agités

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégorie