Seize ans plus tard: un mariage qui survit encore à la médecine

Cette semaine, je célèbre mon seizième anniversaire de mariage. J'ai passé la matinée de mon jour de congé à réserver des vols pour Turin afin que mon mari puisse assister à une conférence et que je puisse l'accompagner. Ce n'est pas exactement un dîner aux chandelles ou une escapade de fin de semaine, mais cela correspond à notre situation actuelle. Un geste qui dit «je te vois», une reconnaissance de tout ce que nous avons construit, démoli et reconstruit.L'année dernière, à l'occasion de notre quinzième anniversaire, j'étais à l'autre bout du monde, en Toscane, en train de randonner à travers les collines vallonnées et de chercher un espace pour explorer la nouvelle direction que prenaient ma vie et ma carrière. J'avais pris un congé nécessaire, une pause délibérée pour respirer après des années passées à naviguer entre les exigences incessantes de la médecine. Debout dans les rues pavées, respirant un air chargé d'histoire et de possibilités, je ressentais ce tiraillement familier de libération et d'incertitude. C'était un voyage voué à la réflexion et à la clarté, mais le destin avait d'autres projets.À lire aussi: Toute votre vie, vous avez été marié à _ _ _De retour à la maison, le jour de notre anniversaire, mon fils de 14 ans a été renversé par une voiture alors qu'il faisait du vélo. La nouvelle est arrivée par le biais de SMS et d'appels téléphoniques fragmentés et désespérés – le genre de messages qui vous coupent le souffle avant même que vous ne puissiez assimiler ce qui a été dit. J'étais à des milliers de kilomètres de là, le cœur battant de la douleur primitive d'une mère trop éloignée de son enfant.Dans cette panique, cependant, se mêlait une étrange sensation de certitude, presque désorientante, celle que l'on acquiert après des années passées à poser des diagnostics, à gérer des crises et à comprendre exactement la signification de ces termes médicaux terrifiants. Cela n'a pas émoussé la peur, mais lui a donné une structure. Dans les jours qui ont suivi, je n'étais pas seulement une mère, j'étais aussi un médecin. Je savais quoi demander. Je savais comment écouter le silence à l'autre bout du fil, les espaces entre les respirations qui parlaient de douleur ou de panique. La médecine m'avait formée à cela, même si la maternité ne l'avait pas fait.Le long siègeLa médecine étire le tissu des mariages jusqu'à ce qu'ils soient presque méconnaissables, s'effilochant aux coutures à cause de la tension constante. Les premières années de formation médicale sont une sorte de chaos à part entière: une multitude de rotations, des gardes imprévisibles et de longues nuits penché sur les manuels pendant que le reste du monde dort. Pendant ces années, la médecine ressemble à un siège: implacable, inflexible et indifférente à ce qu'elle nous prend.Pour mon mari et moi, ces premières années ont été synonymes de construction d'une vie en fragments – des morceaux de temps assemblés entre les gardes, jamais assez pour se sentir entiers. Nous avons célébré les anniversaires en fonction des horaires d'appel, marqué les anniversaires par des dîners rapides avant que je ne disparaisse pour retourner aux responsabilités de la formation médicale. Nos trois jeunes enfants ont grandi en marge de ma formation, baignés, nourris et bordés par mon mari plus souvent que par moi. Ils ont appris à reconnaître le bruit de ma voiture arrivant dans l'allée comme le signal que j'étais à la maison, même si ce n'était que pour un petit moment avant l'heure du coucher.À lire aussi: BrûlésPendant que j'apprenais à gérer la vie et la mort dans les salles d'accouchement et les salles d'opération, mon mari s'occupait de l'autre bout de notre monde. La cinquième année d'internat en obstétrique et gynécologie a probablement été la cause d'un point de rupture potentiel. Mon mari et moi nous sommes assis en juillet et avons fait un pacte: nous allions survivre à cette année, quel qu'en soit le prix. La dernière année de résidence est impitoyable: des cas de patients difficiles, des responsabilités accrues, des appels à domicile pour des chirurgies compliquées et des études qui s'ajoutent aux quatre années précédentes de formation axée sur le service dans un système sous-financé. Mon objectif était unique: survivre et réussir. Le sien était tout aussi clair: porter le poids de tout le reste.Il a assumé la responsabilité principale de nos trois jeunes enfants, de leur routine et de leurs besoins, tout en travaillant à temps plein pour subvenir à nos besoins. À la fin de l'année, nous étions tous deux épuisés et à vif – si profondément empêtrés dans nos fardeaux individuels que nous nous reconnaissions à peine l'un l'autre. La colère et le ressentiment se sont installés, sans être exprimés mais toujours présents. Même avec un objectif commun, la tension était immense. La médecine nous force à faire des choix, même quand on croit ne pas en faire.Malgré nous, nous nous sommes disputés sur ce qui comptait le plus. Nous nous demandions si je faisais passer la médecine avant tout le reste, y compris nous. Les murs de l'hôpital semblaient me suivre jusqu'à la maison, assombrissant les conversations et s'attardant dans les espaces où nous avions l'habitude d'être proches. Et je le voyais parfois dans ses yeux, cette frustration d’être relégué au second plan derrière quelque chose d’invisible et d’inflexible.Mais d'une manière ou d'une autre, nous avons tenu bon. Nous avons compris – lentement, maladroitement, et parfois sans grâce. Avec le recul, je ne sais même pas comment nous y sommes parvenus. Peut-être était-ce de l'obstination pure et simple. Peut-être était-ce la foi. Ou peut-être était-ce le genre de détermination qui sait comment s'agripper fermement, même lorsqu'elle ne tient que par le bout des doigts.Le bilan et la reconstructionL'accident de notre fils n'a pas seulement ébranlé notre sentiment de sécurité en tant que parents; il a été le point de bascule pour moi. Des années de pression incessante, d'évaluation constante et d'exigences impossibles de la médecine s'étaient accumulées discrètement, invisiblement. Tenir le coup était devenu un réflexe, mais son accident a fait éclater quelque chose en moi. Sans crier gare, les années d'adrénaline et de détermination pure ont finalement cédé, et j'ai dû faire face à tout ce que j'avais retenu. Mon mari a tenu bon pendant tout ce temps, gérant ce que je n'arrivais pas à faire, maintenant le sol fermement sous mes pieds quand je ne le trouvais pas moi-même.À lire aussi: Aujourd'hui ma vie est belle, la vôtre aussi?Et pourtant, au milieu de tout cet écheveau, quelque chose d'autre a commencé à prendre forme. Je suis en train de construire un nouveau cabinet, qui me semble être le reflet le plus fidèle de mes valeurs en tant que médecin. C'est un rôle où je peux respirer à nouveau, où je me reconnecte quotidiennement avec les raisons pour lesquelles j'ai choisi la médecine en premier lieu. Ce n'est pas seulement un travail; c'est la version de la médecine que j'avais perdue de vue en essayant de survivre à ma vie. Mon mari est à mes côtés, comme il l'a toujours été.Seize ans plus tard, ce n'est pas la perfection que nous avons trouvée, mais la persévérance. C'est savoir que les fils qui nous lient ont été tirés et étirés, mais qu'ils n'ont jamais été coupés. C'est comprendre que s'engager, ce n'est pas seulement rester, c'est se battre pour que ça marche. Et c'est ce que nous avons fait.C'est à cela que je réfléchis cette année, à l'occasion de notre anniversaire de mariage. Il ne s'agit pas seulement d'un anniversaire, mais de la fierté indéniable d'être toujours debout après tout ce que la médecine nous a fait subir.La Dre Ginevra Mills est endocrinologue de la reproduction et spécialiste de l'infertilité à Victoria.

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