On se rapproche d’un test pour évaluer le «brouillard cérébral» post-COVID

Un possible biomarqueur du «brouillard cérébral» dû à la COVID longue a été identifié. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à une thérapie ciblée et à une méthode plus objective pour diagnostiquer cette affection. Les détails ont été publiés dans Brain Communications, une revue de l’Oxford University Press, par des chercheurs japonais.Actuellement, le diagnostic des troubles cognitifs, communément appelés brouillard cérébral, chez les patients atteints de COVID longue repose surtout sur les symptômes autodéclarés. Aucun biomarqueur établi ne permet de confirmer ou de stratifier la condition.«Cette absence d’outils diagnostiques objectifs a contribué à une sous-reconnaissance en pratique clinique, à des interventions tardives et à une charge accrue pour les patients», et la physiopathologie sous-jacente à la condition demeure mal comprise, précise l’article.Les troubles cognitifs ont été décrits comme une manifestation clé de la COVID longue et signalés chez plus de 80% des patients atteints. En outre, des études utilisant l’imagerie par résonance magnétique chez des patients présentant ces troubles cognitifs liés à la COVID longue (Cog-LC) ont montré une atrophie de la substance grise et une hypoconnectivité interhémisphérique dans des régions spécifiques du cerveau.Des changements du flux sanguin ont également été observés, mais il s’agirait plutôt de réponses à des causes moléculaires sous-jacentes que d’une cause primaire.L’article indique que les fonctions neuronales sont directement liées aux synapses neuronales – en particulier aux synapses glutamatergiques. Un type de récepteur du glutamate appelé AMPAR constitue un médiateur principal des fonctions synaptiques glutamatergiques. Ce récepteur est essentiel à l’apprentissage et à la mémoire, qui sont touchés dans le Cog-LC, ainsi qu’à d’autres fonctions cérébrales.Jusqu’à récemment, il n’existait aucun moyen de surveiller l’AMPAR dans un cerveau humain vivant. Dans des travaux antérieurs, l’équipe de recherche avait mis au point une méthode pour y parvenir: un nouveau traceur utilisable lors de tomographies par émission de positrons (TEP), permettant de visualiser et de quantifier la densité d’AMPAR dans le cerveau.Une étude a donc été menée pour examiner la densité d’AMPAR chez des patients atteints de Cog-LC et chez des témoins sains, à l’aide de la méthode TEP mise au point par l’équipe. Les participants ayant des antécédents de troubles neuropsychiatriques ont été exclus.Tous les participants ont subi une évaluation cognitive à l’aide de la batterie Repeatable Battery for the Assessment of Neuropsychological Status (RBANS), un instrument standard de dépistage cognitif. Ils ont également passé divers autres tests neuropsychologiques, psychologiques et de santé mentale pour confirmer l’atteinte cognitive.Trente participants atteints de Cog-LC et quatre-vingts témoins en bonne santé, appariés selon l’âge, ont été inclus. Au total, 77,7% des personnes atteintes de Cog-LC avaient été infectées par le variant Omicron du SRAS-CoV-2 ou par l’une de ses sous-variantes.À lire aussi: Protection contre la COVID longue: une dose de rappel changera-t-elle la donne?«Parmi les 30 patients inscrits présentant un Cog-LC, 11 (36,7%) n’étaient pas vaccinés ou étaient sous-vaccinés, et 19 (63,3%) étaient pleinement vaccinés ou avaient reçu une dose de rappel», précise l’article. Les patients ont passé le TEP en moyenne 22,3 mois après le début de leur infection à la COVID-19.Comparés aux témoins sains, les patients atteints de Cog-LC ont affiché des scores totaux RBANS significativement plus faibles. «Ces évaluations indiquent que la cohorte de la présente étude présentait des atteintes cognitives subjectives et objectives sans troubles mentaux ou moteurs diagnostiquables», indique l’étude.Mais que révélaient les TEP? Grâce à l’imagerie TEP de l’AMPAR, «notre étude a permis de mettre en évidence une augmentation systémique de la densité cérébrale de l’AMPAR chez les patients atteints de Cog-LC, démontrant que cette augmentation était associée à une atteinte cognitive telle qu’évaluée par les scores RBANS».Les auteurs soulignent que la population étudiée était composée uniquement de personnes asiatiques vivant au Japon, ce qui constitue une limite. «À notre connaissance, il s’agit de la première étude à suggérer une relation potentielle entre des molécules fonctionnelles synaptiques et les troubles cognitifs consécutifs aux conditions post-COVID-19», conclut-elle.Les neurologues canadiens sollicités pour commenter cette étude n’ont pas répondu aux demandes d'entrevue.Autres pistes explorées sur le brouillard cérébral de la COVID longueDans une autre approche du brouillard cérébral lié à la COVID longue, des chercheurs irlandais ont suggéré en 2024 qu’un dysfonctionnement de la barrière hémato-encéphalique (BHE), associé à des marqueurs inflammatoires persistants, pourrait être en cause.Dans une étude publiée dans la revue Nature Neuroscience, des échantillons de sérum et de plasma ont été prélevés puis analysés pour détecter des marqueurs d’inflammation, de coagulation et de dysfonctionnement de la BHE chez des patients atteints de COVID ainsi que chez des témoins. Pour visualiser la fonction de la BHE, des images IRM de certains participants ont été réalisées.«Nos résultats suggèrent que le brouillard cérébral lié à la COVID longue est associé à une altération de la BHE et à une inflammation systémique persistante. Le dysfonctionnement de la BHE était propre à la cohorte présentant un brouillard cérébral, avec une perturbation observable jusqu’à un an après l’infection active dans plusieurs régions neuroanatomiques», indiquait l’étude.Pour aller plus loin: Comment dépister la COVID longue chez les bébés, les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire?Dans une étude parue en 2022 dans la revue Cell, des chercheurs avaient noté une similarité entre le brouillard cérébral chez les patients post-COVID et le «chemobrain», également appelé déficit cognitif associé aux traitements anticancéreux (Cancer-Related Cognitive Impairment, CRCI).Ils ont examiné les modifications des cytokines, ainsi que la réactivité des microglies et des macrophages après une infection par le SARS-CoV-2. Comme dans le CRCI, ils ont observé une élévation similaire de la réactivité microgliale et macrophagique dans la substance blanche de souris infectées par une forme légère de COVID. Ces réactions ont persisté pendant plus de sept semaines.De plus, des taux élevés de cytokines ont été détectés dans le liquide céphalorachidien et dans le sérum, notamment pour une cytokine appelée CCL11. Les chercheurs ont également constaté que les niveaux de CCL11 étaient plus élevés dans le plasma des patients atteints de COVID longue – et que cette élévation n’était observée que chez ceux présentant des symptômes cognitifs.Un éditorial accompagnant l’article soulignait que les agressions inflammatoires susceptibles d’induire une dérégulation gliale et un dysfonctionnement cérébral ne semblent pas propres à la COVID-19. «De nombreuses infections systémiques sont associées à des troubles cognitifs durables. Par exemple, tout comme la COVID-19, la grippe espagnole de 1918… était associée à un brouillard cérébral», indiquait-il.

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