Ressources dédiées à l'AMM: «Il va falloir être très prudent», dit le Dr Yves Robert

Le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec.Alors que le gouvernement a annoncé un élargissement de l'accès à l’aide médicale à mourir (AMM) dès le 12 mars, le Collège des médecins du Québec s’inquiète de voir trop de ressources médicales consacrées au traitement des demandes.Le retrait du critère de «fin de vie» parmi les six critères à respecter pour obtenir l’AMM ouvre notamment la porte aux demandes de certaines personnes atteintes de graves maladies mentales. Ainsi, les demandes devraient se multiplier, croit le secrétaire du Collège des médecins du Québec (CMQ), le Dr Yves Robert.«Il va falloir être très prudent dans les ressources qui vont être consacrées dans les traitements des demandes. Il ne faut pas que le système de santé traite davantage de demandes d’aide médicale à mourir et offre moins de soins à des personnes qui en ont aussi besoin», prévient-il.Celui-ci souligne que de 1 à 2 % des décès au Québec sont liés à l’aide médicale à mourir. «Il ne faudrait pas dédier 100 % de nos ressources sur 2 % des décès, caricature-t-il. Les autres patients ont besoin de nous.»À l’heure actuelle, deux médecins sont requis pour évaluer les demandes d’AMM. Or, un psychiatre pourrait s’ajouter pour les dossiers impliquant une personne souffrant de santé mentale, avance le Dr Robert.«Il y a une question d’utilisation des ressources optimales que nos experts en santé mentale vont devoir prendre en considération», souligne-t-il.Ces experts, réunis dans un comité tout récemment formé par l’Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ), feront des recommandations et émettront une opinion d’ici le mois de mars, rapporte la directrice générale de l’AMPQ, Martine Dériger. «Ce n’est pas simple, affirme-t-elle. Les membres du comité vont devoir étudier les modèles ailleurs dans le monde, consulter les familles qui accompagnent les personnes atteintes de santé mentale. Il va y avoir un processus de consultation avant de prendre une décision.»À lire aussi: Sondage: large soutien des Canadiens à une aide médicale à mourir élargieDans les prochaines semaines, ces experts définiront aussi le cas type d’une personne ayant de graves troubles mentaux qui pourrait obtenir l’AMM. Ensuite, un changement sera effectué au guide de pratique du Collège des médecins.«Il faut savoir sur quel motif on pourrait accepter de donner l’aide médicale à mourir ou la refuser, observe le Dr Robert. Nos experts se penchent là-dessus, mais les médecins n’auront pas une grosse annonce le 12 mars. Nous devons prendre du temps.» Les changements au guide de conduite devraient ainsi être effectués après cette date.Hausse minime Même si on peut s'attendre à une augmentation des demandes, la hausse du nombre de personnes qui obtiendront l’aide médicale à mourir ne sera pas significative, prévient toutefois le Dr Robert.«Il y aura peut-être des gens réfractaires aux traitements ayant des souffrances constantes qui pourront y avoir accès. Ce nombre de patients est sans doute équivalent au nombre de doigts de ma main», affirme-t-il, ajoutant que la majorité des troubles mentaux peuvent être traités.Ces personnes devront être majeures, être aptes à consentir au traitement jusqu’au dernier moment, avoir une maladie grave et incurable et éprouver des souffrances physiques et psychiques jugées intolérables.Dans le cas d’une personne atteinte de grave maladie mentale, l’application de ces critères peut être plus ardue. «Le désir de mettre fin à sa vie fait partie de certains troubles mentaux. Ce n’est pas le cas pour les maladies physiques.»Ainsi, l'élargissement de l’accès à l’AMM ne mènera pas à «la mort sur demande», assure le Dr Robert. «Il y a encore une fausse perception dans le public qu’une demande d’aide médical à mourir se traduit systématiquement par une administration d’aide médicale à mourir. Ce n’est pas le cas.»«C'est ce qu'on demande depuis toujours»De son côté, l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) s’est réjouie du retrait du critère de «fin de vie», annoncé par la ministre de la Santé, Danielle McCann.«C’est ce qu’on demande depuis toujours, déclare le Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien et président de l’AQDMD. [La loi] limitait de façon beaucoup trop significative l’accès pour certains patients avec des pathologies chroniques qui respectent tous les autres critères.»Selon le Dr L’Espérance, des gens atteints de sclérose en plaques, de Parkinson et de sclérose latérale amyotrophique à un stade avancé et qui ne sont pas en fin de vie pourront désormais demander l’aide médicale à mourir. Même chose pour le patient souffrant de polyarthrite rhumatoïde qui a des douleurs intolérables, dont la mort n’est pas prévisible dans les prochains mois, avance-t-il.«Par exemple, une personne de 75 ans qui est en bonne forme physique, mais qui présente une insuffisante cardiaque significative et est incapable de marcher deux coins de rue sans être essoufflée malgré la médication, pourrait venir me voir [pour avoir l’aide médicale à mourir]», explique le Dr Georges L’Espérance.Consultation lundiPar ailleurs, une consultation d’experts et d’intervenants sera menée le 27 janvier à Montréal sur la question d’un possible élargissement de la loi. «J’ai vu l’ordre du jour et ça m’apparaît extrêmement large. Est-ce qu’il sera question des directives médicales anticipées chez les patients qui vont avoir un diagnostic d’Alzheimer ou de démence? Est-ce que la consultation portera sur la question des personnes déjà démentes ou est-ce que ce sera sur les pathologies psychiatriques?» se questionne le Dr L’Espérance.«On a l’impression que tout le monde discute de toutes sortes de choses en même temps. Ce n’est pas une bonne façon de faire», poursuit-il.Deux principaux thèmes seront abordés, selon ce qui est écrit sur le site internet du ministère de la Santé et des Services sociaux:- L'inaptitude et l'aide médicale à mourir- Les volontés de la personne inapte et le consentement à l'aide médicale à mourirLes représentants des universités, des fédérations, des ordres, de plusieurs comités, groupes et associations seront présents à la consultation. De son côté, l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité n’a pas été invitée, déplore le Dr L'Espérance. «Jamais le ministère ne nous a contactés, déplore-t-il. Je ne comprends pas pourquoi. Pourtant, je suis allé à une consultation à huis clos [sur l’aide médicale à mourir] du fédéral la semaine dernière. Comment ça se fait qu’Ottawa connait notre nom et pas Québec!»La ministre de la Santé, Danielle McCann, a annoncé qu'il y aurait au moins une journée de consultations publiques sur la question de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale aura lieu à la fin février.

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