Résistance aux antibiotiques: les malades chroniques plus à risque

Entre avril 2002 et mars 2017, l’utilisation d’antibiotiques a augmenté de 28% chez les 65 ans et plus couverts par le régime public d’assurance médicaments (RPAM), selon les données recueillies par le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec. En moyenne durant cette période, 32 % des aînés ont reçu au moins une ordonnance par année. Ce pourcentage était plus élevé pour ceux ayant une maladie respiratoire (47%), des troubles mentaux (39%), du diabète (36%) ou une maladie cardiovasculaire (34%). En comparaison, ce taux était de 22% chez ceux n’ayant aucune maladie chronique. «Cette étude met en évidence l’association entre la présence de certaines maladies chroniques et une utilisation accrue d’antibiotiques au Québec», indiquent les auteurs du document publié par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) cette semaine. En effet, selon eux, la surveillance de l’utilisation de ces médicaments peut contribuer à freiner l’augmentation de la résistance aux antibiotiques en permettant d’adapter les interventions de santé publique. La consommation plus élevée d’antibiotiques chez les malades chroniques n’est pas nécessairement synonyme d’usage inapproprié, soulignent les auteurs. L’INSPQ veut néanmoins vérifier, dans une prochaine étude, si l’usage potentiellement inapproprié de ces médicaments varie avec la présence de maladie chronique. «Advenant le cas, des interventions plus ciblées, comme des formations ou des guides cliniques spécifiques pourraient être développées, afin d’améliorer la prescription d’antibiotiques chez les individus atteints de maladie chronique», affirment les experts de l’INSPQ. Les adultes et les enfants De leur côté, les adultes de 18 à 64 ans consomment autant d’antibiotiques qu’au début des années 2000. Toutefois, à l’instar des aînés, les maladies respiratoires chroniques, les troubles mentaux, le diabète et les maladies cardiovasculaires au sein de cette tranche d'âge étaient aussi associés à une plus grande utilisation d’antibiotiques. «L’utilisation était plus de deux fois plus élevée chez les individus atteints d’une maladie respiratoire chronique, comparée aux individus sans maladie chronique», indique l’étude de l’INSPQ. Pour toutes les catégories de maladie chronique, les femmes et les personnes vivant dans le Nord-du-Québec ou en milieu défavorisé utilisaient plus d’antibiotiques, ont aussi constaté les auteurs. Par ailleurs, entre 2002 et 2017, l’utilisation de ces médicaments a diminué de 37% chez les enfants de moins de 17 ans. Sans surprise, la présence de diabète était néanmoins associée à une utilisation d’antibiotique de 75% plus élevée que chez les enfants sans maladie chronique. Ce pourcentage était de 53% pour les enfants faisant de l’asthme et de 14% chez ceux présentant des troubles mentaux. Les données québécoises viennent corroborer d’autres études internationales qui rapportent aussi une plus grande consommation d’antibiotiques chez les personnes atteintes de maladies pulmonaires chroniques, d’asthme et d’insuffisance cardiaque, en particulier. Par contre, l’INSPQ n’a repéré aucune étude corroborant ses résultats sur la consommation de ces médicaments pour les patients présentant des troubles mentaux. «Il serait intéressant de regarder plus en détail les troubles associés à l’utilisation accrue d’antibiotiques, ainsi que les indications ayant entraîné ces ordonnances », écrivent les auteurs. La résistance aux antibiotiques, une menace réelle Un récent rapport du Conseil des académies canadiennes estime qu’en 2018 plus de 5000 décès étaient directement attribuables à la résistance aux antibiotiques et que celle-ci avait engendré des coûts additionnels de 1,4 milliard de dollars pour le système de santé du pays. L’augmentation de la résistance aux antibiotiques n’est pas seulement une réalité au Québec, elle l'est également partout à travers la planète. En effet, environ 1,2 million de personnes sont mortes d’infections bactériennes résistantes aux antibiotiques dans le monde en 2019. D’ici 2050, ce chiffre pourrait atteindre 10 millions annuellement, avance la Fédération internationale de l’industrie du médicament. D’ailleurs, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la résistance aux antibiotiques constitue l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. «Il faut d’urgence changer dans le monde entier la façon dont nous prescrivons et utilisons ces médicaments. Même si l’on met au point de nouveaux antibiotiques, la résistance demeurera une grave menace sans une modification des comportements», affirme l’OMS sur son site Internet.

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