Résidence en médecine familiale: des postes non comblés et des départs vers d'autres provinces

«On ne baisse pas les bras, on n’est pas déprimés, on reste positifs», dit le doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval, le Dr Rénald Bergeron.2017 sera peut-être une année historique pour les entrées en médecine familiale, mais pas pour les bonnes raisons. Non seulement 33 externes québécois ont décidé d’aller faire leur résidence dans une autre province canadienne, mais la cible de 55% d’entrées en médecine familiale établie pour 2017 par le ministère de la Santé n’a pas été atteinte.Des 908 postes de résidence offerts cette année dans la province, toutes spécialités confondues, 851 ont été comblés: 437 en omnipratique et 414 dans les autres spécialités. Ces chiffres sont comparables à ceux de 2016, où l'on dénombrait 438 externes en médecine familiale à l’issue du deuxième tour et 440 dans les autres spécialités.Solde migratoire négatifChiffre inquiétant, 33 externes québécois ont choisi d’aller faire leur résidence en médecine familiale dans une autre province. Parmi eux, 23 proviennent de McGill, cinq de l’Université Laval, trois de Sherbrooke et deux de Montréal.Les années antérieures, dit le Dr Rénald Bergeron, doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval, on en comptait de huit à 10. Leur nombre a donc plus que triplé cette année.Comme neuf étudiants d’autres provinces viendront faire leur résidence familiale au Québec, le bilan migratoire sera de -24. Or, perdre 24 étudiants en médecine familiale, c’est beaucoup pour une province qui a encore besoin de nombreux médecins de famille.Le Dr Bergeron explique que McGill admet en médecine plusieurs étudiants provenant du reste du Canada et que plusieurs retournent dans leur province pour y faire leur résidence. Au final, le Québec n’aura pas su retenir ces futurs médecins.Objectif de 55/45 non atteintIl y a plusieurs années, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) avait établi le ratio à atteindre en 2017 à 55/45 en faveur de la médecine familiale. Il aura été manqué de quelques points. Néanmoins, il s’agit d’un net progrès par rapport à 2007; le ratio était alors plutôt de 40/60 en faveur des autres spécialités.«On voit une évolution que je persiste à qualifier de positive, même si on n’y parvient pas à l’objectif de 55% l’année où le ministère souhaitait l’atteindre», a commenté le Dr Bergeron, en entrevue à ProfessionSante.ca.Phénomène mondialSelon ce dernier, le manque d’intérêt pour la médecine familiale se fait sentir dans plusieurs pays et plusieurs provinces canadiennes. Cette année, on a enregistré une petite baisse des entrées en médecine de famille partout au Canada. Au Québec, la diminution a cependant été plus grande que dans le reste du pays.L’Université Laval, historiquement un terreau fertile pour la formation de médecins de famille en régions, n’a pas échappé à cette tendance. Après le deuxième tour d’inscription, 29 places en médecine de famille et une en anatamo-pathologie n’avaient pas trouvé preneurs.Manque de candidats pour QuébecSur ces 29 postes en médecine familiale non comblés, 10 sont à Québec. Selon le doyen, cette situation est en grande partie attribuable au fait que les plans d’effectifs médicaux actuels ne permettent pas à la Capitale d’accueillir de nouveaux facturants en médecine familiale, même si la région en aurait grand besoin. Les externes seraient peu intéressés à faire leur résidence dans un territoire où ils ne pourront entreprendre leur pratique, croit-il. Dans la région de Montréal, les étudiants qui entrent dans une UMF ont presque l’assurance de pouvoir s’établir dans le périmètre de la métropole.«On a besoin de travailler avec le ministère et de discuter avec lui des freins, comme l’incapacité d’obtenir un poste à Québec. Peut-on donner de l’espoir à nos finissants? se demande-t-il. S’il y avait quelques postes disponibles, ça inciterait peut-être un plus grand nombre d’externes à continuer leur formation ici.»Néanmoins, six externes supplémentaires ont opté pour la médecine familiale depuis la fin du 2e tour, le 12 avril, et il s’attend à en accueillir environ 10 autres d’ici la fin de l’année, ce qui porterait le nombre de sièges inoccupés en omnipratique à 13 ou 14 à l'Université Laval.Motifs du manque d’intérêt pour la médecine familialeDe nombreux efforts ont été faits pour promouvoir la médecine familiale, à la fois par les facultés de médecine, des étudiants intéressés par cette discipline et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Le ministère avait aussi forcé les entrées en limitant les places dans les autres spécialités.Ces diverses actions n’auront pas suffi à combler toutes les places disponibles en 2017.Le Dr Bergeron y voit plusieurs causes: les turbulences dans le réseau, l'inquiétude des étudiants face aux règles plus contraignantes mises en place par le ministre à l’égard des médecins de famille, une plus grande attractivité pour les spécialités, un intérêt moindre pour la pratique dans certaines régions. Il se dit déçu de ne pas remplir complètement son réseau alors que des places sont disponibles. «Mais est-ce que la cible de 55% est un chiffre magique? se questionne-t-il. On a augmenté de 11,5 points en une décennie pour passer à 51,4. On a fait un bout de chemin positif, mais il nous manque un 3 à 4 % à l’entrée. On ne baisse pas les bras, on n’est pas déprimés, on reste positifs. Le danger est de se dire: «On n’a pas atteint le chiffre magique, on n’est pas bons.» Je ne vois pas la chose comme ça. Au Québec, attirer en médecine familiale a toujours été plus difficile qu’en spécialités. Cette année, ça semble un peu plus difficile pour tout le monde.»

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