Régime d’assurance santé pour les demandeurs d’asile et les réfugiés - Coupes discriminatoires et arbitraires au PFSI

Le 30 juin 2012, le gouvernement fédéral imposait des coupes draconiennes au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), soit le régime d’assurance santé pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Ces coupes, en introduisant des distinctions de couverture selon la catégorie de réfugiés et le pays d’origine, sont discriminatoires, arbitraires, et privent nombre d’entre eux des soins de santé essentiels. Au cours de la dernière année, avec nos collègues intervenants en santé partout au Canada, nous avons documenté de nombreuses situations où des demandeurs d’asile se sont vus exiger des frais ou refuser des soins de santé au détriment de leur bien-être. Un affront à leur dignité.Avant les coupes, le PFSI offrait aux demandeurs d’asile et aux réfugiés une couverture semblable à celle des Canadiens à faible revenu, incluant les soins médicaux et hospitaliers, les médicaments et certains autres services, dont les soins dentaires de base. À la suite des coupes, la plupart des demandeurs d’asile et des réfugiés ont perdu l’accès aux soins dits « complémentaires » et à la grande majorité des médicaments.De plus, pour les demandeurs d’asile refusés ou venant de « pays d’origine désignés », seuls les soins pour les maladies ayant un impact sur la santé ou la sécurité publique, comme les maladies contagieuses, restent couverts. Même les soins urgents ne sont plus assurés, y compris lorsque la vie est en danger. À ce jour, 37 pays ont été désignés par le ministre fédéral de l’immigration, étant présumément sécuritaires. Pourtant, des problèmes de violence et d’impunité persistent dans plusieurs d’entre eux. Quant aux demandeurs refusés, plusieurs vivront au Canada pendant des années si les renvois sont suspendus vers leur pays d’origine considéré comme trop dangereux, comme l’Afghanistan ou Haïti.Depuis un an, des intervenants en santé mènent une campagne pancanadienne afin de rétablir l’accès aux soins de santé et aux médicaments pour l’ensemble des demandeurs d’asile et des réfugiés. Les coupes au PFSI sont également condamnées par la plupart des grandes associations professionnelles du milieu de la santé au Canada. En février dernier, des médecins, des avocats et des demandeurs d’asile ont intenté une poursuite pour demander l’annulation des compressions au PFSI au motif qu’elles violent des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et par plusieurs traités internationaux ratifiés par le Canada. La Charte garantit à quiconque réside sur le territoire canadien, qu’il soit citoyen ou non, « le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne », ce qui inclut l’accès aux soins de santé. De même, le principe de l’accès universel aux soins de santé est enchâssé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention relative aux droits de l’enfant. Il s’agit d’un droit humain qui ne dépend pas du statut migratoire.La politique du gouvernement Harper s’appuie sur une fausse logique du « nous » et « eux ». Elle prive un grand nombre de demandeurs d’asile de tout accès aux soins de santé, même si cela met leur vie en danger, à moins qu’ils ne souffrent de maladies qui pourraient « nous » mettre à risque. Ainsi, un demandeur refusé souffrant de psychose homicidaire recevra des soins parce qu’il menace « notre » sécurité, alors qu’il n’aura droit à aucune aide s’il est suicidaire. Une femme mexicaine qui a demandé l’asile après décembre 2012 n’était couverte par le PFSI que si elle souffrait d’une maladie transmissible comme la tuberculose, mais pas si elle était atteinte de cancer. Si son enfant a aujourd’hui une méningite bactérienne, le PFSI remboursera ses traitements, mais pas s’il a une appendicite. En somme, le gouvernement Harper envoie le message suivant lequel certains demandeurs d’asile ne seront soignés que si leur état de santé représente un danger pour autrui, comme si la vie de ces personnes était sans valeur.Plusieurs provinces couvrent maintenant partiellement les services qui ne sont plus assurés par le gouvernement fédéral. Cependant, le Québec est la seule province qui se soit engagée à couvrir les frais de médicaments ainsi que les soins médicaux et hospitaliers non couverts par le PFSI pour l’ensemble des demandeurs d’asile, incluant les demandeurs refusés ou venant de pays d’origine désignés. Cette décision louable constitue un pas important dans la bonne direction. Toutefois, le gouvernement québécois ne couvre pas les soins dentaires de base, les examens de la vue, les soins de réadaptation et les suivis psychologiques, jadis couverts par le PFSI. De plus, l’effet concret des mesures de compensation prévues par le Québec est minimisé par la complexité de ce système de couverture à deux paliers (PFSI et RAMQ) dont la compréhension est laissée à la responsabilité du médecin traitant. Cette lourdeur administrative en décourage plusieurs et des patients se voient refuser des soins auxquels ils ont pourtant droit; d’autres se voient facturer des frais pour des services qui devraient être couverts. Il règne encore beaucoup de confusion et ce sont des patients vulnérabilisés qui en pâtissent.En tant qu’intervenants du milieu de la santé, nous refusons la politique du gouvernement Harper où la valeur de la vie humaine dépend du statut migratoire. Nous invitons la population à se joindre à nous pour revendiquer l’annulation des coupes au Programme fédéral de santé intérimaire et un accès gratuit et équitable à l’ensemble des soins de santé pour tous les demandeurs d’asile et réfugiés.Janet Clevelandpsychologue et chercheuse sur la santé des réfugiésCamille Gérinmédecin de famille bénévole pour Médecins du Monde et membre de Médecins québécois pour le régime publicMarie-Jo Ouimetmédecin de famille œuvrant auprès des migrants à MontréalSamir Shaheen-Hussainpédiatre et activiste pour la justice sociale, membre du collectif Justice Santé de MontréalCe texte a été signé par 320 professionnels de la santé.

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