Réanimation 2025: plus d’air pour les enfants, plus d’équité pour tous

Chaque neuf minutes, une personne est victime d’un arrêt cardiaque au Canada. Dans plus de neuf cas sur dix, elle ne survivra pas. Les nouvelles lignes directrices 2025 sur la réanimation cardiorespiratoire (RCR) et les soins d’urgence cardiovasculaire (SUC), publiées par Cœur + AVC à partir des recommandations de l’American Heart Association (AHA) et de l’ILCOR (International Liaison Committee on Resuscitation), entendent resserrer chaque maillon de cette chaîne.La mise à jour 2025 ne se limite pas à des retouches techniques. Elle repose sur deux orientations majeures, étroitement liées: reconnaître la spécificité pédiatrique et réhabiliter la respiration artificielle chez l’enfant lorsque pertinente; inscrire la réanimation dans une démarche éthique, équitable et structurée, du lieu de l’arrêt cardiaque jusqu’au rétablissement à long terme.Une chaîne de survie unifiée, de la prévention à la réadaptationLes lignes directrices 2025 fusionnent les déclinaisons antérieures en une seule chaîne de survie valable pour les adultes, les enfants, et pour les arrêts intra et extrahospitaliers. L’ensemble articule prévention, reconnaissance précoce, RCR de haute qualité, défibrillation rapide, soins spécialisés et suivi post-arrêt cardiaque. Cette vision systémique s’appuie sur la formule d’Utstein pour la survie, qui met en relation la qualité des données probantes, la qualité de la formation et la qualité de l’implantation locale.Concrètement, les auteurs insistent sur:la prévention des arrêts en milieu hospitalier par des systèmes d’alerte précoce, des équipes d’intervention rapide et des breffages de sécurité;la structuration des équipes de réanimation, avec des rôles clairement définis et une expertise documentée en soins avancés;l’intégration systématique de débreffages immédiats et différés, pour soutenir les équipes et améliorer les pratiques;la mise en place de parcours de réadaptation organisés, incluant l’évaluation cognitive, fonctionnelle et psychosociale des survivants.Vous pouvez télécharger en bas de page les faits saillants des lignes directrices canadiennes 2025 de Cœur + AVC, les faits saillants des lignes directrices 2025 de l’American Heart Association, ainsi que la version intégrale de ces dernières publiées dans la revue Circulation.Redonner sa place à la respiration chez l’enfantMessage central de l’actualisation canadienne, en cohérence avec l’AHA: chez le nourrisson et l’enfant, la RCR avec insufflations doit redevenir la norme pour les intervenants formés, y compris les secouristes non professionnels guidés par les téléphonistes du 911. Les arrêts cardiaques pédiatriques découlent fréquemment d’une défaillance respiratoire; l’oxygénation efficace devient donc un déterminant clé du pronostic.Les lignes directrices recommandent notamment:l’enseignement explicite des compressions associées aux insufflations chez les nourrissons et les enfants;l’initiation à la RCR avant l’âge de 12 ans, pour renforcer la confiance et l’engagement futurs;le recours à des approches pédagogiques ludiques, afin de favoriser l’adhésion et la mémorisation.Chez l’adulte, la RCR par compressions seules reste appropriée pour les témoins non formés ou réticents aux insufflations, à condition de ne jamais retarder l’appel au 911 ni l’utilisation rapide d’un DEA.Réanimation néonatale et recours à l’ECMO-RCPEn réanimation néonatale, les algorithmes sont actualisés afin de mieux intégrer le clampage retardé du cordon (au moins 60 secondes lorsque la situation le permet), l’oxygénation prudente et le monitorage cardiaque précoce. Cette approche s’inscrit dans une «chaîne de soins du nouveau-né» qui englobe la période prénatale, la naissance et le suivi postnatal, avec un accent sur la standardisation des pratiques dans les maternités et centres tertiaires.Les lignes directrices précisent aussi le cadre du recours à la réanimation sous circulation extracorporelle (ECMO-RCP): critères de sélection des patients, expertise requise en canulation, régionalisation des centres et réflexion explicite sur le caractère potentiellement futile de certaines interventions. L’objectif est d’offrir cette option à un nombre limité de patients pour lesquels un bénéfice réel est plausible, tout en préservant l’équité d’accès et la bonne utilisation des ressources.À lire aussi: Cas prise de tête: quand une image surprenante vaut mille motsOpioïdes, naloxone et obstruction des voies aériennesL’intégration des urgences associées aux opioïdes au sein de la chaîne de survie est renforcée. Les recommandations soutiennent:l’élargissement de l’accès communautaire à la naloxone;la protection des secouristes non professionnels qui l’administrent de bonne foi;la formation à la reconnaissance d’un arrêt ou d’une détresse respiratoire liée aux opioïdes, avec enchaînement rapide de naloxone, RCR et appel aux services préhospitaliers.Parallèlement, la prise en charge de l’obstruction des voies aériennes chez l’adulte est clarifiée, en mettant l’accent sur l’usage approprié des tapes dans le dos, l’anticipation du risque d’arrêt cardiaque et l’appel précoce aux services d’urgence.Une éthique de la réanimation et de l’équitéUn chapitre spécifique est désormais consacré aux dimensions éthiques de la réanimation. Il propose un cadre structuré pour guider les décisions dans des situations où une seule «bonne» réponse n’existe pas. Les auteurs mettent en avant:l’importance de directives médicales anticipées accessibles et respectées;la décision partagée lorsque plusieurs options sont médicalement justifiables;l’encadrement des décisions de non-initiation ou d’interruption de la RCR, idéalement avec le soutien de comités d’éthique et de politiques institutionnelles claires;la responsabilité des professionnels et des organisations de s’attaquer aux inégalités structurelles qui conditionnent l’accès à la RCR, à la défibrillation, à la naloxone et aux soins post-arrêt cardiaque.Les lignes directrices reconnaissent aussi la détresse émotionnelle fréquente chez les survivants, leurs proches et les professionnels impliqués, et recommandent des dispositifs de soutien formalisés intégrés aux systèmes de soins.Une science encore incomplète, mais un cadre structurantLa mouture 2025 repose sur 760 recommandations. Une faible proportion seulement s’appuie sur des preuves de niveau A, ce qui illustre les contraintes méthodologiques propres à la réanimation, mais aussi l’ampleur des besoins de recherche clinique et organisationnelle. Ce manque relatif de données de très haut niveau ne remet toutefois pas en cause la solidité de l’architecture proposée: focalisation sur la qualité des compressions, la défibrillation précoce, l’adaptation pédiatrique, la structuration des systèmes, la prise en compte des enjeux éthiques et des déterminants sociaux de la santé.

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