Réactions allergiques graves: la pénurie mondiale de venins d'insectes inquiète

Photo: Javier Torrent/ShutterstockAlors que la période estivale débute, les allergologues doivent composer avec une pénurie mondiale de venins d'abeilles et de guêpes, utilisés pour prévenir les réactions allergiques graves. Une situation qui pourrait se révéler délicate pour la sécurité de certains patients en cette période de l'année où les piqûres d'insectes sont fréquentes.Les allergologues des quatre coins du monde sont, en effet, au cœur d’une période où l’accessibilité aux produits de désensibilisation aux venins des abeilles et des guêpes est difficile. Le Québec n’y fait pas exception, indique le président de l’Association des allergologues et immunologues du Québec, le Dr Rémi Gagnon.Bien qu’il n’ait reçu aucune information officielle au chapitre de ces pénuries, le Dr Gagnon soutient que le message véhiculé par les distributeurs indique qu’une modernisation de l’usine d’ALK Laboratories, située au Danemark, serait à l’origine des problèmes d'accès à ces produits de désensibilisation.Selon un article paru mardi dernier sur le site Web de la chaîne américaine, des problèmes de contamination à l'usine danoise seraient responsables de l’arrêt de la production.Même si rien ne permet de lier les deux énoncés, la suspension des activités de l’usine danoise a rapidement créé une carence des produits de désensibilisation que ne peut compenser l’usine Jubilant HollisterStier, la seule autre entreprise à produire ce type de venins d’insectes.Traitements chamboulésL’approvisionnement insuffisant en vaccins, qui perdure depuis l’automne dernier, ne s’est pas encore fait ressentir. Toutefois, depuis quelques mois, les réserves mondiales de venins se font de plus en plus minces.« Depuis le début de l’année, on voit davantage l’impact de la pénurie. Il commence à y avoir des patients qui n’ont plus de traitement », observe le Dr Gagnon, qui est aussi Chef du service d’Immunologie-allergie du Centre hospitalier universitaire de Québec-Université Laval.Selon ses estimations, la situation affecterait entre 400 et 1000 patients québécois, qui voient ainsi leur protocole de traitement chamboulé.En attendant le retour à une situation normale de l'inventaire de venins, l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology (AAAAI) suggère, dans un guide qu’elle a rendu public en mars dernier, d’espacer temporairement les traitements afin d’éviter de manquer de produits, sans toutefois diminuer la dose, ce qui aurait pour effet de diminuer l’aspect protecteur de l’injection sous-cutanée.« Pour les patients actuellement dans leur deuxième année ou troisième année de traitement, l’intervalle entre chaque injection pourrait passer de six à huit semaines. Pour ceux qui ont complété au moins trois ans de traitement, la dose pourrait être espacée une fois aux huit semaines puis une fois aux dix semaines et ensuite continuer aux douze semaines », peut-on lire dans une lettre disponible sur le site Web d’Allergo Laboratoire, distributeur de traitement de désensibilisation sous-cutanée.Toujours en sécuritéBien que cette mesure compromette la visée optimale de sécurité des patients, le Dr Rémi Gagnon assure que le risque est minimisé et qu’une certaine protection est déjà installée.« Ça fait longtemps que les patients sont désensibilisés, ils ne viennent pas de perdre cet effet protecteur. La probabilité qu’une piqûre d’abeille ou de guêpe enclenche une anaphylaxie est déjà très réduite. Même si le traitement est décalé parce que nous n’en avons plus, cela ne veut pas dire que les patients reviennent au risque initial », explique celui qui est également directeur de la Clinique spécialisée en allergie de la Capitale.Toutefois, par mesure de sécurité supplémentaire, le Dr Gagnon a demandé à tous les patients de sa clinique de se procurer un auto-injecteur d’épinéphrine (Epipen) en vue de la période estivale.« On ne peut pas faire d’étude pour estimer leur protection actuelle. C’est pour une sécurité optimale », confie-t-il.Insécurité chez les patientsTous ces changements ont créé un vent de panique chez les patients. Plusieurs d’entre eux croyaient devoir « recommencer à zéro ».« Ce n’est pas le cas. Ils ont besoin de se faire rassurer à l’effet que le risque de réactions allergiques graves n’est pas revenu aussi grand qu’avant le début de leur traitement », raconte le président de l’Association des allergologues et immunologues du Québec.Mesures temporairesLe Dr Gagnon rassure les patients qui l’appellent en leur disant que ces mesures ne sont que temporaires et qu’« aussitôt que les produits redeviendront disponibles, leur traitement sera réorganisé ».D’après les informations dont il dispose, la production « est sur le point de recommencer ».« On ne sait pas tous les détails, mais ce serait en voie de résolution d’ici la fin de l’année 2017 », indique-t-il.Il est toutefois conscient que le problème est mondial et qu’il y a plusieurs patients affectés par cette pénurie.Des ententes ont été conclues avec les distributeurs québécois afin que les produits soient divisés de telle sorte qu'aucun patient ne soit pénalisé.

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