Qu'est-ce que la gériatrie? Le point de vue d'un interniste

J'ai été étiqueté comme interniste/gériatre. Là où j'ai suivi ma formation, la gériatrie était une sous-spécialité valorisée, mais je n'ai pas été formé à faire autre chose que de la médecine générale (et un peu d'anesthésie). Les gériatres voient des patients souffrant de pathologies complexes liées au vieillissement, comme l'ostéoporose, la démence, les chutes, les accidents vasculaires cérébraux et les problèmes de mobilité. Ils sont en relation avec les familles et les services communautaires. Ils comprennent l'isolement social, les maladies chroniques et la mortalité.À l'heure où le tsunami du vieillissement déferle sur le Canada, ces médecins sont très prisés et rares. Je vois des patients plus âgés parce que ce sont eux qui me consultent. Il y a longtemps, quelqu’un a dit que la quantité (de vie) était une mesure du succès. Si vous souhaitez avoir une carrière bien remplie, pensez aux besoins des personnes âgées. Oui, elles ont réussi en termes de longévité… Désormais, elles recherchent la qualité.À consulter: 44 et 60 ans, deux âges charnières du vieillissementL'accès fait partie de la qualité. L'accès aux soins de médecine générale, à de bons soins en médecine interne et en gériatrie, ainsi qu'aux contacts sociaux qui alimentent le cerveau. Ces liens qui donnent une raison d'être et une valeur à la vie. Des liens qui engagent et soutiennent. Des liens qui connectent, permettent la communication et font du fait d'«être humain» une proposition attrayante.Le mot «gériatrie» vient du grec «geron» pour vieillard et «iatros» pour guérisseur. Comme la médecine interne, elle repose sur la prévention des maladies, mais traite de manière pragmatique les affections chroniques chez les adultes de plus de 65 ans. Ces affections sont souvent multifactorielles et complexes à prendre en charge. Il existe les 5 M de la spécialité - mental, mobilité, médication, multipathologies et motivations des patients et de leur famille. Les gériatres sont plus susceptibles de se concentrer sur la gestion de la douleur et des médicaments, les soins psychiatriques et de la mémoire, la réadaptation et les soins de longue durée, la nutrition et diverses thérapies (par exemple la parole), ainsi que les directives de fin de vie (procuration, etc.).J'ai appris que l'existence des gériatres remonte à l'Empire byzantin (Aétios d'Amida). Des médecins arabes du IXe siècle ont écrit des ouvrages sur l'oubli et les troubles du sommeil. Il y a mille ans, le Canon de la médecine d'Avicenne encourageait l'exercice physique et les onctions d'huile. Au début du XXe siècle, de grands noms comme Ilya Mechnikov, Leo Nascher et Marjory Warren ont développé cette science.Lire aussi: Des centenaires et supercentenaires toujours plus nombreux: va-t-on repousser les limites de la longévité?Alors, comment le Canada forme-t-il et valorise-t-il ces spécialistes «très demandés»? Au cours de ma carrière, j'ai eu très peu d'interactions avec des gériatres, en raison de leur rareté dans le paysage médical. Bien que les adultes de plus de 65 ans représentent 50% des hospitalisations, moins de 1% des médecins sont des gériatres.En 2019, le nombre de gériatres équivalents temps plein par province était de 44 en Colombie-Britannique, 62 en Alberta, 3 en Saskatchewan, 14 au Manitoba, 141 en Ontario, 22,5 au Québec, 18 en Nouvelle-Écosse et 7 à Terre-Neuve-et-Labrador. Bien entendu, les territoires et l'Île-du-Prince-Édouard n'en ont pas.Lire aussi: Le Québec manque de gériatres pour répondre au vieillissement de la populationL'article de la Dre Monisha Basu sur les besoins actuels et futurs d'une telle ressource est intéressant à lire. Alors que la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus ne cesse de croître – elles devraient représenter 23% de la population totale d’ici 2031 –, il devient impératif de mieux anticiper les besoins de cette génération vieillissante, tant sur le plan social que dans la prestation de soins adaptés et de qualité. Nous avons besoin d'internistes ayant une formation plus poussée ou de médecins de famille ayant une formation en soins gériatriques. Je pense que les internistes et les omnipraticiens assument déjà ce rôle involontairement, avec ou sans formation spéciale, en raison de leur implication dans les soins de première ligne. Compte tenu de l'augmentation lente de l'offre, des départs à la retraite des gériatres et de la croissance du secteur des personnes âgées, la pénurie de gériatres est estimée à 552 cliniciens, en 2025, et à 587 d’ici 2030. De plus, il existe une nette disparité dans leur répartition, à la fois en nombre et géographiquement.Qu'est-ce qui fait obstacle à cette pratique? Est-elle «ingrate»? Est-elle «sous-payée»? Est-il difficile d'obtenir un poste universitaire avec un financement pour la recherche, l'enseignement et la formation en tant que spécialiste en gériatrie? La spécialisation en pédiatrie semble plus attrayante.Cela dit, je remets profondément en question le seuil arbitraire de 65 ans, établi au XIXe siècle par le chancelier allemand Otto von Bismarck comme âge de la retraite. Depuis, notre réalité a profondément changé: il me semble qu’il est temps de faire évoluer ce repère à la lumière des nouveaux contextes de santé, d’activités et de besoins. Il nous faut redéfinir la notion même de «retraite» – avec une définition qui tienne compte de l’expérience de vie, de la sagesse acquise et des compétences encore bien présentes. Après tout, nous ne vieillissons pas tous au même rythme. Nous devons nous préparer et investir dans notre avenir. J'utilise le terme «notre» pour des raisons évidentes. Nous serons tous un jour des «aînés», des retraités qui auront probablement besoin un jour de soins gériatriques.L'avenir nous le dira.Pour aller plus loinUnmet Needs for Geriatric Medicine and Care of the Elderly Physicians Work Force in Canada. Madden, K et coll. Canadian Geriatrics Journal Vol 24(3) 2 sept. 21Le Dr Hector Baillie est un interniste généraliste communautaire qui travaille en Colombie-Britannique. Il écrit sur des cas et des concepts susceptibles de stimuler la discussion et le changement.

Qu'est-ce que la gériatrie? Le point de vue d'un interniste

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes