Quelles sont les interventions fondées sur des données probantes en soins palliatifs ?

nancy.gaudreault@mail.chuq.qc.ca Article de référence: Qaseem A, Snoq V, Shekelle P, Casey DE, Cross JT, Owens DK for the Clinical Efficacy Assessment Subcommittee of the American College of Physicians. Evidence-based interventions to improve the palliative care of pain, dyspnea, and depression at the end of life : a clinical practice guideline from the American College of Physicians. Ann Intern Med, janvier 2008;148:141-7 Référence 1. Lorenz K, Lynn J. Cancer care quality measures : symptoms and end-of-life care. Evidence Report/Technology Assessment no. 137. (Prepared by the Southern California Evidence-based Practice Center under contract 290-02-003) Rockville, MD : Agency for Healthcare Research and Quality; mai 2006. AHRQ publication no. 06-E001. 2. Hallenbeck J. Evidence-based medicine and palliative care : Notes from the Editor. Journal of Palliative Medicine, 2008;11(1):2-4. RÉSUMÉ Objectif Présenter les preuves (données probantes) disponibles afin d’améliorer les soins palliatifs en fin de vie particulièrement en ce qui concerne la douleur, la dyspnée et la dépression. Résultats Il existe une multitude d’éléments essentiels à évaluer en fin de vie, par contre plusieurs sujets n’ont pas été suffisamment étudiés. Il n’y a pas de données probantes permettant de déterminer le moment idéal pour entreprendre les soins palliatifs. Il existe de bonnes preuves en ce qui concerne la gestion de la douleur par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), opiacés et bisphosphonates. La place de l’acupuncture et de l’exercice n’a pas été étudiée de façon suffisante. Il existe de bonnes preuves appuyant l’utilisation de la morphine dans la gestion de la dyspnée contrairement à celle d’opiacés en nébulisation. Le bénéfice de β-agonistes à longue action est noté chez les patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). En ce qui concerne l’oxygénothérapie, les études sont contradictoires. De fortes preuves appuient l’utilisation d’antidépresseurs tricycliques, d’inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) ainsi que d’interventions psychosociales pour traiter la dépression chez les patients en soins palliatifs. Les médecins devraient aider les patients et leur famille à prévoir les décisions à venir selon l’évolution de la maladie et à se positionner à l’avance. Plusieurs études démontrent que les équipes multidisciplinaires, la continuité des soins, la coordination des services et une communication facilitée sont des facteurs améliorant les soins de fin de vie. Les cliniciens doivent régulièrement s’enquérir des besoins pratiques et émotionnels des proches aidants. Preuves Recommandations fondées sur les résultats d’une revue systématique réalisée par l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ). Valeurs Recommandations fondées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles. Recommandations Chez le patient atteint d’une maladie grave en fin de vie, le médecin doit évaluer régulièrement les aspects douleur, dyspnée et dépression. (niveau de recommandation : fort; qualité de la preuve : modérée) Chez le patient atteint d’une maladie grave en fin de vie, le médecin doit utiliser les traitements éprouvés dans la maîtrise de la douleur, soit les opiacés, les AINS et les bisphosphonates chez les patients souffrant de cancer. (niveau de recommandation : fort; qualité de la preuve : modérée) Chez le patient atteint d’une maladie grave en fin de vie, le médecin doit utiliser les traitements éprouvés dans la maîtrise de la dyspnée, soit les opiacés et l’oxygénothérapie (pour le soulagement à court terme de l’hypoxie). (niveau de recommandation : fort; qualité de la preuve : modérée) Chez le patient atteint d’une maladie grave en fin de vie, le médecin doit utiliser les traitements éprouvés pour traiter la dépression, soit les antidépresseurs tricycliques, les ISRS et les interventions psychosociales. (niveau de recommandation : fort; qualité de la preuve : modérée) Le médecin doit s’assurer que les soins sont planifiés à l’avance chez tous ces patients. (niveau de recommandation : fort; qualité de la preuve : faible) Validation Aucune mention de la validation du guide. Commanditaire Financement exclusif du budget de l’American College of Physicians. Conclusion Offrir les stratégies de traitement appropriées à la douleur, à la dyspnée et à la dépression affecte de façon significative l’expérience de la fin de vie du patient. De nombreuses interventions ayant potentiellement des bénéfices n’ont pas été suffisamment étudiées et devraient faire l’objet de plus amples recherches. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude La prévalence du cancer et les coûts personnels et sociaux qu’il occasionne sont importants. Nos interventions en soins palliatifs sont-elles toujours fondées sur des données probantes ? Importance des résultats Ce guide fournit des recommandations sur une large gamme d’éléments organisationnels et cliniques qui concernent les patients atteints d’une maladie grave en fin de vie. Ainsi, l’identification des patients qui nécessitent des soins palliatifs, le traitement de la douleur, de la dyspnée et de la dépression ainsi que la collaboration multidisciplinaire et avec les aidants naturels font l’objet de recommandations. Le guide est relativement succinct, et les données qui sous-tendent certaines recommandations auraient pu être décrites de façon plus élaborée. Toutefois, ces données sont accessibles dans le document qui a servi à élaborer les recommandations1. Cette revue systématique exceptionnelle devrait être lue par tous les intervenants en soins palliatifs qui ont à cœur d’offrir à leurs patients des soins de qualité. Critique de la méthodologie Ce guide de pratique s’appuie sur une méthodologie des plus robustes. Les questions traitées sont pertinentes pour la discipline et portent sur des problématiques fréquentes en soins palliatifs. Les recommandations sont fondées sur une revue systématique réalisée par un organisme américain crédible et indépendant (l’AHRQ). Toutes les recommandations sont assorties d’un niveau de recommandation et d’une qualité de la preuve établis à l’aide de critères reconnus. Enfin, le financement provient d’une organisation sans conflit d’intérêts apparent. Par ailleurs la recension des écrits est limitée aux années 1990 à 2005. Dans une discipline en pleine évolution, il est bien possible que de nouvelles données soient disponibles depuis les deux dernières années. Tel que mentionné précédemment, nous aurions aimé que certaines recommandations soient plus spécifiques, par exemple que les doses et posologies des médicaments soient décrites. Mise en perspective selon l’état des connaissances Ce guide de pratique permet de faire le point sur l’état des connaissances actuelles et sur tout le chemin qu’il reste à parcourir afin d’appuyer ses décisions sur des résultats probants tirés de la recherche clinique et en organisation des soins et services de santé. Notons que plusieurs recommandations confirment déjà le bien-fondé d’interventions courantes en soins palliatifs. De plus, il faut se rappeler que « la discipline des soins palliatifs se distingue du reste de la médecine, car elle est centrée sur la personne et sa qualité de vie [2] ». Ces aspects étant fondamentalement subjectifs, leur évaluation selon des méthodes scientifiques (p. ex. : recherche de type essai randomisé) représente tout un défi ! Comment vraiment objectiver la souffrance d’un patient ? Les contextes sociaux, politiques et culturels amènent aussi leurs contraintes, et tout ne pourra jamais être « fondé sur des données probantes ». Comme le reconnaissent les gourous de l’evidence-based medicine, le bon jugement clinique aura toujours sa place !

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