Quand un indicateur de performance sert à faire une différence

En se servant à bon escient d’un outil d’analyse de la performance développé à l’interne, l’équipe des services préhospitaliers d’urgence (SPU) du CISSS de l’Outaouais a obtenu des résultats significatifs. En moins d’un an, elle est parvenue à réduire de 22% le temps passé à l’hôpital par les paramédicaux et leurs ambulances. Depuis l’été 2024, celui-ci a baissé de 58 à environ 45 minutes en moyenne dans les huit installations de l’établissement ayant un service d’urgence, flirtant ainsi avec la cible fixée par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).Cet indicateur est loin d’être anodin. «En moyenne, les équipes paramédicales passent la moitié de leur temps à l’urgence plutôt que d’être sur la route. Le mieux on gère ce temps-là, le plus on leur permet de prendre en charge des patients en situation d’urgence», résume la coordonnatrice des SPU du CISSSO, Kim Jeffrey. Elle indique que la flotte d’ambulances qui dessert la région compte 40 véhicules répartis sur les différents quarts de travail. Grâce aux gains réalisés ces derniers mois «c’est comme si on avait remis une ambulance de plus par jour sur les routes», souligne la gestionnaire.À lire aussi: Les 5 erreurs de diagnostic les plus fréquentes en première ligneLe lancement de ce projet à l’été 2024 visait d’une part à atteindre la cible ministérielle de 45 minutes, qui est un des indicateurs pris en compte par le MSSS pour déterminer les ressources allouées à la desserte ambulancière. D’autre part, il survenait dans un contexte d’accroissement des besoins. Sur la période 2024-2025, les paramédicaux de l’Outaouais ont réalisé quelque 52 000 interventions, soit une augmentation de 25% comparé aux 12 mois précédents.Les données utilisées par Kim Jeffrey et son équipe proviennent des formulaires numériques remplis par les paramédicaux sur leur téléphone intelligent où ils doivent indiquer l’heure d’arrivée à l’urgence, celle du triage, de la libération de la civière puis du départ de l’ambulance. Ces informations sont déjà colligées par le MSSS, mais ce dernier met de 90 à 120 jours pour les traiter et actualiser le fameux tableau de bord du réseau de la santé. Là, elles sont récupérées en temps réel par la direction qualité et performance du CISSSO pour alimenter un tableau de bord qui est mis à jour quotidiennement. «On manquait d’agilité, car on n’était pas capable de mesurer l’impact des stratégies mises en place pour améliorer la fluidité hospitalière. On ne pouvait pas ajuster le tir si nécessaire. En on manquait aussi de données probantes pour améliorer les choses», explique Kim Jeffrey.Dans un premier temps, l’équipe des SPU a analysé les données des 25 000 interventions réalisées par les équipes ambulancières. Cet examen approfondi de chacune des étapes clés du processus a permis d’identifier les goulots d’étranglement et de détecter les inefficacités lors du transfert des patients entre les équipes paramédicales et hospitalières, puis d’apporter des correctifs dans les établissements concernés.«Les paramédicaux doivent signaler leur présence quand ils arrivent à l’urgence. Ils n’étaient pas toujours visibles de l’intérieur et si la porte du triage est fermée, on peut facilement perdre des minutes inutilement», indique par exemple Kim Jeffrey. Dans les salles de triage et les corridors d’arrivée des civières, des écrans affichent le détail des ambulances en chemin. «On s’est rendu compte que ces écrans pouvaient être mal placés ou que les infos étaient affichées trop petit pour être lues facilement. Ça n’aidait pas les infirmières à se préparer», relate également la gestionnaire.Lire aussi: Un premier contact virtuel à l’urgenceAmélioration continueUne fois les premiers correctifs apportés, les SPU ont lancé une campagne de sensibilisation à cet enjeu qui visait à renforcer la collaboration entre les infirmières à l’urgence et les ambulanciers. «Des infirmières ont passé un quart de travail avec des paramédicaux et vice-versa», indique Kim Jeffrey. Les équipes à l’urgence des huit hôpitaux et CLSC du CISSSO ont également été rencontrées et mobilisées, de même que celles de la Coopérative des paramédicaux de l’Outaouais. Des formulaires de rétroaction ont dans la foulée été mis à leur disposition afin que les uns et les autres puissent transmettre facilement leurs observations et suggestions.«On est dans une logique d’amélioration continue et on ne veut pas que l’engouement s’effrite», insiste Kim Jeffrey qui dit effectuer un «suivi serré» de cet indicateur de performance et de ses implications. «On a un comité qui se réunit aux deux semaines et qui rassemble la coop ambulancière, les chefs d’équipe aux urgences, les cadres du CISSSO», indique la gestionnaire en précisant que ce comité ne cherche pas à blâmer untel ou untel. «On n’est pas dans une perspective de règlement de comptes. On réfléchit ensemble à comment être meilleur.» Cette démarche qui s’appuie sur un usage opportun de la donnée a remporté la première place dans la catégorie «performant» aux Prix Stars du Réseau de la santé des Caisses Desjardins; catégorie qui récompense une initiative qui «démontre une meilleure utilisation des ressources humaines, financières ou technologiques». Le projet a également suscité l’intérêt de Santé Québec, mentionne Kim Jeffrey qui a également partagé l’initiative du CISSSO avec d’autres CISSS et CIUSSS.

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