Quand l’IA améliore et accélère la prise en charge à l’urgence

Interpréter des radios fait partie du quotidien d’un médecin à l’urgence. Pour le Dr Robin Nathanson, l’exercice s’apparente au jeu «Où est Waldo [Charlie]?», en version noir et blanc. «C’est toujours facile quand Waldo est en évidence. Par contre, lorsque Waldo est bien caché, ça peut être bien compliqué de le trouver», observe le chef des urgences du CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal. De manière analogique, «débusquer un petit trait de fracture sur une grande image, ce n’est jamais évident», qui plus est dans le feu de l’action, souligne le médecin de famille qui pratique à temps plein à l’urgence de l'Hôpital général du Lakeshore. Dans ces cas-là, le Dr Nathanson et ses collègues ont deux options pour confirmer leur évaluation clinique: soit ils s’en remettent aux radiologues, sachant que ces derniers produisent leur compte-rendu dans un délai de 24 à 48 heures; soit ils font passer un CT-scan au patient.À lire aussi: Scribes IA: des licences gratuites pour 10 000 professionnels de première ligneDepuis mai 2024, les urgentologues de l'Hôpital général du Lakeshore, situé à Pointe-Claire, peuvent également compter sur un adjoint numérique, le logiciel Smart Trauma, qui est approuvé par Santé Canada. Cet outil d’aide à la décision, alimenté par l’intelligence artificielle (IA), identifie sur les radiographies les zones qui comportent probablement une fracture, une luxation ou un épanchement. Un processus qui prend de 30 secondes à une minute.«Ce logiciel détecte les cas suspects, difficilement repérables à l'œil nu. Il aide ainsi les urgentologues à prendre des décisions plus rapides et plus efficaces pour déterminer les prochaines étapes, comme l’immobilisation ou encore une consultation prioritaire en radiologie», explique le Dr Stephen Rosenthal, directeur de la santé numérique, des ressources informationnelles et du génie biomédical au sein du CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal.Le médecin-gestionnaire ajoute dans la foulée que «l’IA ne remplace pas les radiologues. Ils sont toujours responsables du rapport final». Il précise que le logiciel donne une indication préliminaire qui permet d’une part d'accélérer les processus diagnostiques à l’urgence et qui, d’autre part, rend service aux radiologues. «Ils nous disent que ça les aide beaucoup dans leur travail», rapporte le Dr Rosenthal en mentionnant que plus de 6000 rayons X sont demandés chaque année dans les services d’urgence des trois hôpitaux du CIUSSS - le centre hospitalier St. Mary, l’Hôpital de LaSalle et l'Hôpital général du Lakeshore.Son confrère le Dr Nathanson est lui aussi séduit par l’outil. «Ça fonctionne très bien. On n’a eu aucune plainte ni aucun cas problématique. Le feedback est excellent», souligne-t-il en spécifiant que l’IA permet d’accélérer la prise en charge de patients, ce qui réduit du même coup leur temps d’attente à l’urgence ou leur évite de devoir y revenir quand leur imagerie nécessite l’avis d’un radiologue.Lire aussi: Êtes-vous prêt pour Docteur ChatGPT?Prémisses à confirmerSelon Milvue, l’entreprise française qui commercialise Smart Trauma, le logiciel améliorerait de 22% la sensibilité de la détection des fractures chez les adultes tout en réduisant de 90% le risque d’erreur d’interprétation à l’urgence. Son utilisation permettrait en outre de réduire d’une heure le temps d’attente à l’urgence.«On suspecte que ça nous permet bien de sauver du temps. Pour le prouver, on va mener une étude en se basant sur les dossiers des patients avant et après l’implantation du logiciel», signale le Dr Nathanson qui avance plusieurs hypothèses. Selon lui, l’outil d’IA renforce le niveau de sûreté de la lecture des radiographies. Donc les médecins à l’urgence demandent moins d’avis en orthopédie ou en traumatologie. De même qu’ils demandent moins de CT-scans pour lever leurs incertitudes. Résultat: la prise en charge des patients est accélérée et ils obtiennent leur bon de sortie plus rapidement.En attendant la confirmation de ces prémisses, le logiciel Smart Trauma vient également d’être déployé au Centre hospitalier St. Mary ainsi qu’à l’Hôpital de LaSalle. Son utilisation à l'Hôpital général du Lakeshore est quant à elle arrivée en troisième position dans la catégorie «moderne» aux Prix Stars du Réseau de la santé des Caisses Desjardins; catégorie qui récompense une initiative qui «génère des avantages pour l’organisation, les patients et leur famille en mettant de l’avant de nouvelles façons de faire».

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