Quand la fin de semaine aggrave l’apnée du sommeil

Le diagnostic de l’apnée obstructive du sommeil (AOS) repose souvent sur une seule nuit d’enregistrement polysomnographique qui est généralement réalisé en semaine. Or, la sévérité de ce trouble varie considérablement d’une nuit à l’autre, ce qui pourrait mener à une sous-estimation dans près de 20% des cas. Des chercheurs de la Flinders University, en Australie, se sont demandé si les changements de rythme propres aux fins de semaine – sommeil de rattrapage, décalage horaire social, consommation d’alcool, etc. – pouvaient aggraver l’AOS. Ils décrivent ce phénomène sous le nom d’«apnée sociale».Pour répondre à cette question, l’équipe a analysé les enregistrements de 70 052 adultes provenant d’une base mondiale recueillie entre janvier 2020 et septembre 2023. Les participants utilisaient un capteur de sommeil sous-matelas, approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) qui est capable de mesurer la durée et le moment du sommeil ainsi que l’indice apnées-hypopnées (IAH). L’étude a retenu uniquement les personnes présentant en moyenne un IAH d’au moins cinq événements par heure, avec un minimum de quatre enregistrements hebdomadaires et de 28 mesures valides par année.À lire aussi: Les compétences des inhalothérapeutes mieux utilisées en contexte de pénurieSelon les auteurs, cette approche permettait «d’évaluer, pour la première fois à grande échelle, l’impact du jour de la semaine sur la sévérité de l’apnée du sommeil». Comme l’explique la première auteure, la Dre Lucía Pinilla: «Nous avons pu suivre des milliers de patients sur plusieurs années, ce qui nous a offert une perspective unique sur la variabilité de l’AOS selon les habitudes de vie.»L’AOS s’intensifie la fin de semaineLes résultats, publiés dernièrement dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, montrent une aggravation nette le samedi: les probabilités de présenter une AOS modérée à sévère (IAH ≥ 15) étaient 18% plus élevées que le mercredi (OR [odds ratio, ou rapport des chances] = 1,18; IC à 95% 1,18–1,19). L’effet était plus marqué chez les hommes (OR = 1,21; IC à 95% 1,20–1,21) que chez les femmes (OR = 1,09; IC à 95% 1,08–1,10), et davantage chez les moins de 60 ans (OR = 1,24; IC à 95% 1,24–1,25) que chez les personnes plus âgées (OR = 1,07; IC à 95% 1,06–1,08).L’irrégularité du sommeil renforçait encore cette tendance. Un sommeil de rattrapage d’au moins 45 minutes augmentait les probabilités de 47%, tandis qu’un «jetlag social» d’une heure ou plus les faisait grimper de 38%. En moyenne, l’IAH s’élevait de 6% la fin de semaine, soit environ 0,8 événement supplémentaire par heure. «Nos résultats indiquent que des comportements apparemment anodins, comme se coucher plus tard ou dormir davantage la fin de semaine, peuvent avoir des répercussions significatives sur la sévérité de l’AOS», souligne le Pr Danny Eckert, directeur de l’Adelaide Institute for Sleep Health et auteur principal de l’étude.À lire aussi: Rien ne prouve que le «mouth taping» est efficace, il pourrait même être nocifImplications cliniques Ces résultats soulèvent plusieurs enjeux pour la pratique. D’abord, ils rappellent que les tests de polysomnographie réalisés sur une seule nuit en semaine peuvent manquer une aggravation cliniquement significative. «Cette variabilité non prise en compte risque de conduire à des erreurs de diagnostic ou à une mauvaise classification de la sévérité de l’AOS», avertissent les chercheurs.Ils mettent également en lumière l’importance de l’adhésion constante aux traitements. Le Pr Eckert note que «l’utilisation moins régulière de la CPAP [pour Continuous Positive Airway Pressure ou PPC pour pression positive continue] la fin de semaine pourrait en partie expliquer nos résultats». Les chercheurs recommandent donc d’insister auprès des patients sur la nécessité d’un usage quotidien, y compris les vendredi, samedi et dimanche.À consulter: Pharmacothérapie de l’obésité: mise à jour des lignes directrices canadiennesEnfin, l’étude suggère des pistes de prévention. Maintenir des horaires de sommeil réguliers, limiter la consommation d’alcool et éviter les décalages répétés entre semaine et fin de semaine pourrait réduire l’aggravation des symptômes. «Nos comportements de fin de semaine, qu’ils concernent le sommeil ou les habitudes sociales, influencent directement la sévérité de l’apnée du sommeil. Il s’agit d’un facteur modifiable sur lequel les patients et les cliniciens peuvent agir», insiste la Dre Pinilla Un fardeau à ne pas négligerL’Association pulmonaire du Québec estime qu’une personne sur dix souffrirait d’AOS, «ce qui en fait une maladie aussi répandue que l’asthme, le diabète et l’hypertension artérielle». Cependant, «80% des gens qui en souffrent ne seraient pas encore diagnostiqués» alors que ce trouble du sommeil a des impacts cardiovasculaires, métaboliques et neurocognitifs importants. Non traitée, il accroît le risque d’hypertension, de diabète, de maladies coronariennes, d’accidents vasculaires cérébraux et même d’accidents de la route.Dans ce contexte, l’identification d’une «apnée sociale» met en évidence un enjeu de santé publique. «Même de petites variations de prévalence peuvent avoir de grandes répercussions en termes de coûts et de qualité de vie», concluent les chercheurs australiens. Pour les cliniciens, cela signifie intégrer la variabilité hebdomadaire du sommeil dans l’évaluation et le suivi des patients, afin de mieux prévenir les complications d’une maladie déjà très répandue.RéférencePinilla L, Lechat B, Scott H, Reynolds AC, et coll. "Social Apnea": Obstructive Sleep Apnea is Exacerbated on Weekends. Am J Respir Crit Care Med. 13 août 2025. doi:10.1164/rccm.202505-1184RL

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