Projet de loi 20 : un projet à adapter sous peine de désorganisation totale

Le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) s’est ainsi associé aux départements de médecine générale, de médecine spécialisée et de pharmacie pour expliquer, à son tour, au ministre de la Santé et des Services sociaux, par la voie d'une lettre, en quoi son projet de loi est incompatible avec la réalité sur le terrain.«À l’IUGM, les soins hospitaliers et les soins pour la clientèle hébergée reposent au premier chef sur les médecins de famille. Ce sont les médecins de famille qui sont les médecins traitants», explique la Dre Doris Clerc, gérontopsychiatre et présidente du CMDP de l’IUGM.Le projet de loi 20 aurait donc un impact direct et majeur sur l’organisation des services médicaux qui y sont donnés, estime-t-elle.Il est clair pour la Dr Clerc que les deux gériatres à temps plein ne pourraient pas assumer le suivi, à eux seuls, de la clientèle. Et multiplier les omnipraticiens pour leur laisser le temps de faire du bureau nuirait aux patients âgés. Plusieurs ont besoin d’être vus plus d’une fois par semaine et, dans le contexte proposé par le projet de loi 20, ils devraient alors être traités par plusieurs médecins… Un morcellement des soins pas du tout adapté à une clientèle âgée et qui «compromet la continuité des soins comme la prise en charge», rappelle la gérontopsychiatre.À l’IUGM, non seulement on traite une population plus âgée que celle des autres CHLSD, mais on fait aussi beaucoup de traitement «aigu». «Quand une de nos personnes âgées fait une infection urinaire, on la traite sur place si elle a besoin de soins intraveineux. Dans un CHLSD qui n’a pas accès à ce que nous avons, on serait obligé de l’envoyer aux urgences.» Bref, une réalité propre à cet établissement, dont le projet de loi 20 ne tient pas compte.Pas plus qu’il ne tient compte des spécificités individuelles. Comment demander à un omnipraticien qui pratique depuis des années auprès d'une population spécifique en établissement de revenir à la médecine générale en bureau?Depuis le dépôt du projet de loi 20, on lit dans la presse de multiples portraits de médecins qui exercent à temps plein en établissement de santé. C’est aussi le cas de certains médecins à l’IUGM. La Dre Clerc pense ainsi à une de ses collègues omnipraticiennes qui travaille dans une clinique spécialisée et à l’URFI (unité de réadaptation fonctionnelle et intensive). Étant donné que cela fait plus de 25 ans qu’elle pratique, mais moins que 35 ans, elle ne pourrait plus travailler à l’IUGM que six heures par semaine.Pour le reste, le ministre de la Santé attend d’elle qu’elle s’ouvre un bureau et s'investisse dans le suivi de 1500 patients, alors qu’elle n’a pas exercé en pratique privée générale depuis plusieurs années. Un virage qui demanderait bien sûr une mise à jour en matière de suivi clinique, mais aussi une volonté impressionnante de la part de quelqu’un « qui est en fin de carrière». La Dre Clerc se demande par ailleurs si une telle situation peut permettre d'offrir de meilleurs soins à la clientèle?Selon la gérontopsychiatre, cela ne veut pas dire qu’il faut reléguer le projet de loi sur les tablettes. Non seulement, comme leurs collègues du CMDP du CSSS Jeanne-Mance, les auteurs de cette nouvelle lettre trouvent son objectif «louable», mais ils y ont aussi déniché de «bonnes idées» pour autant que le projet de loi «soit adapté en fonction du contexte des établissements, des milieux de soins et des profils de pratiques».Un projet de loi qu’il faut donc adapter, mais qui a sa raison d’être, notamment, parce qu’il entend mettre en place «des mécanismes pour améliorer l’accès aux médecins de famille et pour que ceux-ci assurent une prise en charge des personnes vulnérables».Même si les impacts du projet de loi 20 semblent, à première vue, plus importants sur la pratique des médecins de famille, les médecins spécialistes sont aussi concernés. Et là encore, c’est toute l’organisation des services médicaux qui risque d’être bouleversée.Selon le projet de loi, les médecins spécialistes auraient, en journée, l’obligation de répondre à une demande de consultation dans les trois heures.«J’ai un collègue spécialiste qui, lorsqu’il est de garde la fin de semaine, peut avoir cinq consultations à faire quand il arrive. Comment pourra-t-il répondre aux cinq en moins de trois heures s’il est seul avec un résident? En trois heures, c’est impossible, alors va-t-on demander à un pool de psychiatres de faire les évaluations des cinq patients? Va-t-on devoir exiger que tout le monde soit de garde tout le temps?» s’interroge la gérontopsychiatre.Lire la lettre d'opposition au projet de loi 20 de l'IUGM

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