Projet de loi 130: guerre froide entre le ministre de la Santé et la présidente de la FMSQ

C’est dans une ambiance glaciale que la Dre Diane Francœur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), et le ministre Barrette ont débattu du projet de loi 130 devant la Commission de la santé et des services sociaux.Il faut dire que la Fédération ne trouve pas grand-chose de valable dans le dernier né de Gaétan Barrette. Comme l’a fait remarquer Diane Lamarre, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et d'accessibilité aux soins, dans son mémoire, la FMSQ réclame le retrait pur et simple de 11 des 72 articles du projet de loi, sans parler de toutes les dispositions qu’elle juge «irrecevables». Pas vraiment des «commentaires constructifs», a commenté le ministre de la Santé, selon qui la FMSQ prend son projet de loi «comme une atteinte directe au sacro-saint statut des médecins. »Pour présenter son mémoire, la FMSQ a choisi de s’en tenir dans son allocution à une attaque en règle des différentes lois proposées par le ministre depuis son entrée en fonction. Selon la FMSQ, le système de santé du Québec est malade en raison des réformes successives «imposées par les programmes électoraux», a ainsi commencé la Dre Diane Francœur.Selon elle, le projet de loi 130 ne vient qu’ajouter «une couche au chambardement» déjà créé dans les établissements de santé par la Loi 10.De plus, en se donnant la mainmise sur l’ensemble du processus de nomination, le ministre «crée une emprise politique absolue sur le réseau de la santé», a-t-elle ajouté.Enfin, elle considère que Gaétan Barrette est en train de déclarer la guerre aux médecins, aux pharmaciens, aux infirmières et à tous les autres professionnels de la santé en s’attaquant à leur autonomie professionnelle.Une autonomie qui constitue «le rempart de l’indépendance du médecin dans l’exercice de sa profession» et qui lui permet d’agir «dans le strict intérêt de son patient». Grâce à elle, il peut en effet décider lui-même du traitement, des soins et procédures dont son patient a besoin, ce que risqueraient de compromettre des contraintes politiques ou administratives.La présidente craint aussi que les administrateurs et les gestionnaires des établissements ne se mettent à prendre des décisions cliniques, décident de protocoles de prise en charge, ou se chargent de la priorisation des cas et des hospitalisations.Des positions irréconciliablesLe ministre Barrette et la présidente de la FMSQ avaient une vingtaine de minutes pour débattre de ce mémoire. Chacun a plutôt essayé d’imposer à l'autre son point de vue, la Dre Francœur répétant que les médecins spécialistes veulent collaborer et qu’ils ont déjà des obligations. Selon elle, «les soins sont de plus en plus difficiles à offrir dans le réseau présentement» et le projet de loi 130 ne fera que compliquer les choses.Pressée par le ministre de donner des exemples où les médecins n’ont pas été en mesure de régler des problèmes, elle a plutôt mis l’accent sur des problèmes de gestion des effectifs médicaux, notamment des endroits où il y a eu des refus de remplacement dans les derniers mois parce que les règles ont été changées. «On doit passer par les CISSS maintenant, et le remplacement n’est pas arrivé. Toutes les demandes de remplacement sont refusées parce que les médecins en fin de carrière n’ont pas un poste en bonne et due forme ailleurs dans le réseau», a-t-elle expliqué. Elle estime aussi que les médecins doivent garder la possibilité de dire qu'on ne déplacera pas une patiente instable à un autre étage sous le seul prétexte que pour l'y laisser il faut accorder du temps supplémentaire au personnel.Pour le ministre, les médecins spécialistes se considèrent comme «une caste intouchable» et ils refusent de reconnaître qu’il y a des problèmes dans lesquels ils sont impliqués, sans avoir jusqu’à présent trouvé le moyen d’y remédier. «Il y a des gens qui ne livrent pas la marchandise en termes de services, des médecins qui font des choix sélectifs dans leur pratique, des gens qui refusent de faire tel ou tel cas sur leurs heures de garde dans les hôpitaux universitaires, parce que ça ne leur tente pas», lui a-t-il rappelé. Or, ni les CMDP ni les comités de discipline n’ont réussi à résoudre cela, «parce qu’ils n’ont pas le pouvoir», selon lui. Il lui semble donc normal que le gouvernement donne aux établissements les leviers nécessaires raisonnables «pour que ce qui doit être livré le soit».Pour la Dre Francœur, seule la cogestion entre les médecins et les administrateurs pourrait changer les choses. Elle croit qu'on pourrait régler les problèmes de gestion, notamment en formant les chefs de départements. Il faudrait «apprendre aux médecins à travailler avec vos DSP, vos PDG, avec des vis-à-vis administratifs dans un esprit de collaboration et non pas de contrainte, de menace, de punition, en se faisant traiter de fainéants, de morons et d’incompétents», a-t-elle souligné.Le ministre lui a rétorqué que le dossier récent de la radiologie ne prêchait pas vraiment dans le sens de la collaboration, puisqu’elle-même et le président de l’Association des radiologues du Québec ont laissé leurs collègues «prendre les patients en otage», alors qu’ils savaient «très bien que la règle dans nos ententes fait en sorte qu’ils allaient être payés rétroactivement. Alors quand vous venez me faire des critiques ici, il y a une question qui se pose: avez-vous le contrôle sur vos troupes? La réponse, c’est non.»La période de questions avec l’opposition s’est révélée plus calme. La Dre Francœur et Diane Lamarre ont davantage parlé du contenu du projet de loi. La présidente de la FMSQ a expliqué à la députée que l’autonomie professionnelle permettait parfois de mettre fin à certaines situations mettant en danger un patient. Revenant sur tous les articles du projet de loi que la FMSQ veut voir retirer, elle a aussi expliqué que le problème n’était pas d’avoir des règles, mais de pouvoir les mettre en application, ce que seule permet la collaboration, «car l’effet des pairs est souvent beaucoup plus efficace que la carotte ou le bâton».Pour la députée, cependant, «ce n’est pas pareil d’avoir des règles de travail et quelqu’un qui fait une évaluation de notre travail». Elle a ajouté: «Je pense qu’il faut que tous les professionnels de la santé soient soumis d’une façon ou d’une autre à une évaluation pas seulement de la qualité des actes, mais de l’optimisation de la performance du système de santé.» Les deux femmes se sont en revanche rejointes sur l’importance de la question informationnelle qui, pour la Dre Francœur va au-delà de l’accès aux résultats. «Vous dites qu’il est important de nous évaluer, mais donnez-nous nos chiffres. On veut des mesures, on veut avoir accès à la performance des départements», lui a t-elle expliqué. En effet, selon elle, quand des médecins peuvent comparer leur pratique, on note «une amélioration de 25 % instantanément sans argent ni effort.»Consulter le mémoire de la FMSQ

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