Produits de santé naturels et cancer - Défaire les mythes et les préjugés

Parmi tous les diagnostics, celui de cancer est probablement le plus dramatique à recevoir. Le choc important et les sentiments puissants qu’il engendre poussent les patients à rechercher l’espoir et des opinions de rechange. Cette période intense est une bonne opportunité pour opérer des changements de vie profonds. C’est alors que plusieurs patients souffrant d’une maladie chronique ou grave se tournent vers les produits de santé naturels (PSN). Cette nouvelle série d'articles a pour but de vous permettre de déterminer quels sont les produits utiles, inactifs ou carrément néfastes qu’utilisent les patients cancéreux et dans quels cas leur usage est pertinent.Selon une étude, 40 à 77% des patients souffrant d’une maladie chronique et/ou grave consomment à la fois des médicaments et des PSN.1 Plusieurs de ces patients rapportent avoir peur d’être jugés par leur médecin. D’ailleurs, certains nous relatent des prises de positions intransigeantes et exprimées ex cathedra par leur médecin en des termes assez crus : « Si vous prenez ces cochonneries, ne revenez pas me voir! » Ainsi, la communication et le lien de confiance si importants pour le succès de tout traitement sont rompus. Les patients se taisent. Ils considèrent alors que toutes les médecines alternatives et complémentaires (MAC) ne font pas partie du champ de compétence du médecin. Il est pourtant de la responsabilité du praticien de traiter son patient, quel qu’il soit.Faits incontournablesLes patients utilisent des PSN.Il existe un risque d’interaction positive ou négative entre les traitements d’oncologie et les différents PSN et/ou approches alternatives utilisés.Le lien de confiance est affecté par le refus du professionnel de soutenir son patient dans sa démarche.À la lumière de ces faits, le médecin et tout professionnel impliqué dans le traitement doivent discuter ouvertement, sans jugement, des options présentées par le patient1. Il n’est possible de l’orienter vers des choix utiles ou sans danger que si nous connaissons ses démarches. Adams et coll. ont établi une liste de facteurs qui influencent le patient et son médecin dans l’utilisation des MAC.Facteurs influençant la décision d’utiliser les MAC2Gravité de la maladieMaladie curable ou non par la médecine conventionnelleEffets secondaires du traitement conventionnel (perçus ou réels)Qualité de la preuve de sécurité et d’efficacité des MACDegré de compréhension des risques et bénéficesConnaissance et acceptation volontaire des risques par le patientImplication du patient dans l’utilisation des MACLe patient cancéreux et son pharmacien Les mythes quant aux MAC doivent être abordés franchement, sans préjugé. Autant il existe des traitements efficaces du cancer, autant il existe des PSN ou des MAC qui ont montré leur efficacité en oncologie. Le problème en est beaucoup plus un d’interprétation que de science (ou de manque de science).D’ailleurs, au Canada et aux États-Unis, des cliniques d’oncologie dites intégratives ont vu le jour. On y traite les patients en combinant des traitements classiques et naturels. Ces cliniques obtiennent des résultats particulièrement intéressants sur le plan du taux de survie et de la réduction d’effets négatifs et toxiques.Au Québec, le rôle du pharmacien comprend celui d’« interface » entre l’équipe médicale et le patient, en plus de celui de conseiller pour tout ce qui touche la prise de médicaments (et donc de suppléments). (À ce titre, il est dommage que l’attitude officielle actuelle en soit une de ségrégation et d’intransigeance plutôt que de collaboration entre les professionnels dits alternatifs et nous, les professionnels orthodoxes.) C’est à nous que revient la responsabilité de bien informer nos patients, de les aider à décrypter les messages contradictoires qu’ils reçoivent. Il leur est difficile de trouver les informations justes et utilisables. Les avis qu’on leur prodigue varient de la suprématie de la médecine aux messages marketing conçus pour profiter de leur vulnérabilité et leur vendre un rêve.Le mythe de l’antagonisme des antioxydants On sait que le mécanisme d’action de plusieurs médicaments de chimiothérapie implique un aspect pro-oxydant. Il n’y a qu’un pas entre ce fait et le postulat que, si un patient prend des antioxydants, l’effet des médicaments s’en verra diminué. Est-ce vrai ? Est-ce documenté ?De façon générale, les publications sur le sujet affirment que cet antagonisme n’a pas lieu. Les antioxydants n’affectent pas l’effet des traitements de chimiothérapie3,4. En 2007, Block et coll. ont publié une revue systématique intéressante à ce sujet5. Ils ont évalué 845 articles et, suivant les critères d’inclusion établis, ont retenu 19 études cliniques afin de déterminer si les antioxydants étudiés avaient affecté l’efficacité des traitements de chimiothérapie.Les différentes études ne démontrent aucune réduction d’efficacité. Elles montrent une augmentation du temps de survie, une amélioration de la réponse au traitement, ou les deux. On a aussi noté moins de toxicité que dans les groupes contrôles.Les antioxydants augmentent-ils la toxicité de la chimiothérapie ? En 2008, le même groupe s’est penché sur la toxicité6. Il a évalué 965 articles et a retenu 33 études cliniques regroupant 2446 patients. Vingt-quatre de ces études rapportent une réduction de la toxicité, neuf n'indiquent aucune différence et une seule mentionne une augmentation de la toxicité : il s’agit d’un volet d’étude impliquant la vitamine A. De toutes les substances étudiées, le rétinol est le seul à avoir une certaine toxicité et un index thérapeutique délimité. En effet, on peut observer des effets toxiques au niveau du foie à des doses relativement faibles (de l’ordre de 20 000 UI par jour) chez les personnes en santé. Les patients sous traitement chimiothérapeutique sont, d’emblée, fragilisés.Ainsi, la science publiée ne valide pas l’interdit émis en bloc contre les antioxydants. Par contre, ces derniers ne sont pas tous intéressants. Qui dit « antioxydant » ne dit pas nécessairement « effet oncostatique », ou même « effet positif ».À suivre... Les effets des antioxydants et autres PSN et les limites de leur utilisation en oncologie._____________________________________________________________________________________________RéférencesVerhoef MJ, Boon HS, Page SA. «Talking to Cancer Patients About Complementary Therapies : Is It the Physician’s Responsibility?» Current Oncology. 2008;15(suppl. 2) :S18-S23.Adams KE, Cohen MH, Eisenberg D, Jonsen AR. «Ethical Considerations of Complementary and Alternative Medical Therapies in Conventional Medical Settings». Ann Intern Med. 2002;137:660–4.Richardson MA, Sanders T, Palmer JL, Greisinger A, Singletary SE. «Complementary/ Alternative Medicine Use in a Comprehensive Cancer Center and the Implications for Oncology ». Journal of Clinical Oncology. 2005;18(13):2505-14.Gupta D, Lis CG, Birdsall TC, Grutsch JF. «The Use of Dietary Supplements in a Community Hospital Comprehensive Cancer Center : Implications for Conventional Cancer Care». Supportive Care in Cancer. 2005;13(11):912-19.Block KI, Koch AC, Mead MN, V PK. «Impact of Antioxidant Supplementation on Chemotherapeutic Efficacy : A Systematic Review of the Evidence from Randomized Controlled Trials». Cancer Treat Rev. 2007 Aug;33(5):407-18.Block KI, Koch AC, Mead MN, Tothy PK, Newman RA, Gyllenhaal C. «Impact of Antioxidant Supplementation on Chemotherapeutic Toxicity : A Systematic Review of the Evidence from Randomized Controlled Trials». Int J Cancer. 2008 Sep 15;123(6):1227-39.

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