Pourquoi les jeunes enfants devraient-ils avoir un chien?

La compagnie d’un chien dès le plus jeune âge pourrait avoir un effet protecteur contre l’eczéma (ou dermatite atopique) chez les personnes prédisposées à cette affection cutanée.Selon la Dre Sara Brown, dermatologue et chercheuse senior à l’Université d’Édimbourg, l’exposition à un chien semble réduire l’activité pathogène d’une partie d’un gène clé associé à l’eczéma atopique chronique. Elle est l’auteure principale d’une étude publiée à ce sujet dans la revue Allergy.Mais il est peut-être trop tôt pour envisager de prescrire un compagnon canin.L’étude a comparé les gènes clés associés à l’eczéma à plus d’une douzaine de facteurs de risque environnementaux précoces afin de déterminer les interactions entre les deux. La dermatite atopique est une maladie complexe dont de nombreux facteurs peuvent déclencher l’activité pathogène. Le fait d’avoir des frères et sœurs plus âgés semble également avoir un effet protecteur, mais les chiffres ne sont pas suffisants pour tirer une conclusion statistique solide, mentionne l’étude.L’eczéma touche environ 20% des enfants et 10% des adultes dans les pays développés. Bien qu’il s’agisse d’un trait héréditaire, sa prévalence a connu une augmentation rapide au cours des trois dernières décennies, en particulier dans ces pays. Cela suggère que les facteurs environnementaux jouent un rôle important. Il était donc nécessaire de mener des recherches sur l’épidémiologie génétique de l’eczéma et les effets environnementaux.Ces dernières années, on a mieux compris comment les gènes contribuent à la maladie. Par exemple, comment certains gènes affectent les mécanismes qui sous-tendent la prédisposition et la pathogenèse de l’eczéma, ainsi que le dysfonctionnement de la barrière cutanée et des réponses immunitaires.En l’occurrence, les chercheurs ont utilisé les données de 16 études européennes à partir desquelles les 24 marqueurs génétiques les plus significatifs associés à la dermatite atopique ont été identifiés. Ces études provenaient du catalogue GWAS (Genome-Wide Association Studies).En outre, 16 cohortes populationnelles totalisant 25 339 personnes d’ascendance européenne ont été incluses dans les études sur l’eczéma qui comprenaient des informations sur l’exposition environnementale et des détails génétiques. Dix autres cohortes populationnelles européennes ont été considérées, totalisant 254 532 personnes. Au total, 279 871 sujets ont été inclus dans les analyses finales.Pour être incluses, les études «devaient disposer à la fois de données génétiques et environnementales afin de pouvoir être utilisées dans le cadre de ce travail», précise par courriel la Dre Brown. «Les données que nous avons utilisées étaient les résultats génétiques et les données environnementales des participants aux cohortes de population et aux recueils de cas de personnes atteintes d’eczéma.»Les enfants inclus dans les analyses étaient âgés de deux ans et moins, les expositions in utero étant également incluses et prises en compte.Interaction bénéfiqueLes chercheurs ont développé un modèle statistique pour tester les interactions entre les gènes et l’environnement. Ce modèle a été utilisé dans les deux séries de cohortes afin de mener diverses analyses.L’étude a révélé qu’il pourrait exister une relation protectrice entre l’un des sept facteurs environnementaux et au moins une variante génétique de l’eczéma. Les sept expositions environnementales étaient les suivantes: possession d’un chien ou d’un chat, présence d’un frère ou d’une sœur aînée, allaitement maternel, tabagisme, utilisation d’antibiotiques et habitudes d’hygiène.Mais lorsque des analyses plus approfondies ont été menées et comparées à une population plus large, l’interaction la plus forte entre une variante génétique de l’eczéma et un facteur environnemental a été observée entre un gène spécifique de l’eczéma et le fait d’avoir un chien. Cette interaction était bénéfique dans la mesure où elle réduisait de manière significative le risque de maladie active chez les enfants et les bébés présentant la variante génétique. À lire aussi: Nouvelles lignes directrices canadiennes sur la prise en charge de la dermatite atopiqueEn fait, l’exposition peut modifier l’effet de la variante génétique connue pour être associée aux symptômes de l’eczéma. En d’autres termes, «la variante génétique augmente le risque global d’eczéma, mais chez les bébés et les enfants présentant la variante génétique à risque qui sont exposés à un chien dès leur plus jeune âge, le risque accru d’eczéma disparaît», souligne la Dre Brown.«Nos travaux ne montrent pas que l’acquisition d’un chien serait utile pour le traitement de l’eczéma chronique établi, mais ils révèlent pour la première fois un mécanisme moléculaire possible par lequel les chiens pourraient contribuer à réduire le risque d’eczéma chez les personnes prédisposées, ce qui laisse espérer qu’à l’avenir, l’eczéma pourra être prévenu chez certains enfants», ajoute la clinicienne-chercheuse. L’hypothèse hygiénisteAu-delà de cette étude, certains travaux suggèrent que l’exposition aux animaux de compagnie, aux infections et à divers microbes dès le plus jeune âge contribue à entraîner le système immunitaire et à le rendre plus robuste, ce qui peut prévenir ou réduire l’impact de diverses affections allergiques.Appelée «hypothèse hygiéniste», cette théorie est toujours en évolution, mais elle intègre désormais des facteurs tels que l’alimentation, la génétique, les influences environnementales et le microbiome humain. L’hypothèse hygiéniste est issue d’études comparant les populations rurales et urbaines qui ont révélé que certaines allergies étaient moins fréquentes dans les régions rurales, où les enfants étaient plus actifs à l’extérieur et potentiellement exposés à davantage de microbes que leurs homologues citadins. Une étude réalisée en 2022 sur une population de Détroit, qui comparait les associations entre l’exposition prénatale et pendant la première année de vie à un chien et l’eczéma au début et à la fin de l’enfance, a également mis en évidence de tels liens. Cette étude concluait que «l’exposition prénatale et pendant la petite enfance à un chien a un effet protecteur significatif sur le développement de l’eczéma à l’âge de 2 ans ou avant.»Ces chercheurs ont noté que le fait d’avoir un animal de compagnie influence la composition microbienne intestinale des nourrissons et que «le taux plus faible d’eczéma chez les enfants exposés aux chiens pourrait être lié à une modification du développement immunitaire précoce déclenchée par l’exposition aux microbes».

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