Politiques américaines en santé: comment le Canada doit répondre

Les mesures successives menées par l’administration Trump contre son système de santé et contre la recherche – dont la dernière en date est l’annonce de la suppression de près de 10 000 postes au sein du département américain de la Santé – sont un défi autant qu’une opportunité pour le Canada, ont analysé jeudi plusieurs experts et ministres canadiens dans le cadre d’un panel présenté au Sommet sur la santé de l’Association médicale canadienne (AMC). Le premier défi que les professionnels de la santé, les institutions et les gouvernements doivent adresser est la désinformation et le manque d’informations fiables, dont les Canadiens ne sont pas protégés, a alerté la présidente de l’AMC, la Dre Joss Reimer. «Sur les médias sociaux, l'algorithme pousse cette désinformation, même ici. Or, les patients vont chercher des réponses en ligne lorsqu’ils n’ont pas accès à un prestataire de santé. 23% des personnes interrogées ont déjà subi des préjudices parce qu'elles ont suivi un conseil en ligne.» À lire aussi: Les droits de douane créent des inquiétudes dans le secteur de la santéSelon elle, la confusion est d’autant plus importante au vu de l’ingérence politique dans les contenus pourtant fiables diffusés par les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). En effet, l’administration Trump a banni plusieurs termes des travaux de recherche scientifiques des CDC – comme «genre» ou «diversité», menant à la disparition de plus de 3000 pages du site des CDC d’après un recensement effectué début février. Une mesure parmi d’autres qui a mené à des vagues de départ successives au sein de l’institution, dont la dernière concerne cinq hauts dirigeants ayant démissionné mardi. «Les conséquences de la remise en cause de l'efficacité des vaccins et des coupes dans les contenus des CDC sont considérables, avec autant de risques pour les États-Unis que pour le monde, a déploré le Dr Tom Frieden, ancien directeur des CDC. Cela va rendre les États-Unis plus malades».Le médecin a ajouté qu'en plus d'avoir des conséquences sociales majeures, un tel recul est contre-productif, car il est nuisible à la productivité et l'économie américaines.Diffuser et valoriser la recherche scientifiqueFace à ce bris de confiance et à ces obstacles dans la diffusion d’informations vérifiées basées sur les preuves, le Canada a un rôle clé à jouer, a assuré Apoorva Mandavilli, journaliste au New York Times spécialisée en santé. L’interdiction d’utiliser certains termes rend d’après elle les données scientifiques inutilisables, et pourrait avoir un impact conséquent sur la pertinence des soins apportés à la population. Pour incarner cette issue de secours, les politiques de santé et les professionnels canadiens doivent opter pour la transparence et l’intégrité, et rendre l’information visible, a plaidé Uzoma Asagwara, vice-première ministre et ministre de la Santé, des Aînés et des Soins de longue durée du Manitoba. De la même manière, apaiser la méfiance de la population envers les informations concernant la santé ne pourra passer que par une communication claire et limpide, a ajouté le Dr Andrew Furey, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador. «La moitié de la population américaine a voté pour cette administration, et nous devons nous demander pourquoi. Il faut s’adresser de manière simple aux questions de la population, et faire en sorte que les médecins soient représentés au sein des gouvernements provinciaux et fédéral pour rétablir la confiance dans le système.»«Les médecins devraient pouvoir exercer partout»Au-delà de la communication et de la protection de la recherche scientifique, le système de santé canadien doit s’appuyer sur ses forces et lever les barrières entravant la pratique médicale, ont souligné les participants du panel. La présidente de l’AMC et le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador ont ainsi appelé d’une même voix à la reconnaissance de la licence de pratique à l’échelle nationale. À lire aussi: Permis d’exercice pancanadien: toujours pas une priorité au Québec«Nous devons briser les silos, partager nos données comme pendant la pandémie de COVID-19, qu’il s’agisse des données sur les maladies infectieuses ou sur le système de santé. Les médecins devraient pouvoir exercer partout, comme dans les provinces de l’Atlantique», a ainsi déclaré le Dr Andrew Furey, fustigeant les limitations de pratique provinciale pour les médecins – une mesure au cœur du projet de loi 83 porté par le ministre québécois de la Santé Christian Dubé. Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador a aussi pointé la lourdeur du fardeau administratif, trop contraignant pour les médecins partout au pays. La troisième opportunité mise en avant par les intervenants, et notamment par la vice-première ministre et ministre de la Santé de l’Ontario, Sylvia Jones, consiste à se réapproprier les ressources médicales, dont une grande partie provient des États-Unis. «Nous avons lancé la fabrication d’un vaccin contre la COVID en Ontario. Mais nous devons faire plus, en levant les barrières interprovinciales. Nous l’avons fait pendant la pandémie et ça a été une belle leçon.» De son côté, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Dr Andrew Furey, a insisté sur l’importance de protéger les chaînes d’approvisionnement. Mais rendre le système plus solide et plus fiable ne pourra se faire sans investissements. Le Dr Tom Frieden a ainsi proposé de «taxer le tabac, l’alcool, les sodas et la malbouffe.» Une solution selon lui «win win win» dans laquelle tout le monde sortirait gagnant. «Cela augmenterait les recettes, réduirait les coûts liés aux soins de santé et rendrait la population plus en santé.» De son côté, la présidente de l’AMC a conseillé à l’audience présente dans la salle et en virtuel de profiter des élections fédérales à venir pour interroger les candidats des différents partis à propos de leurs actions pour protéger le système de santé.

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