Permettre aux patients de se faire soigner «en privé»

«C’est une journée très triste pour les Canadiens. Les Canadiens aisés sont toujours allés aux États-Unis (pour les soins), mais où vont les Canadiens à revenus moyens et faibles? Ils restent, souffrent et meurent sur les listes d’attente.» – Le Dr Brian Day Le 6 avril 2023, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’appel de ce chirurgien orthopédique de Vancouver après une bataille juridique de 14 ans pour permettre aux patients d’accéder à des soins privés lorsque le système public n’était pas en mesure de le faire. Même le Toronto Star, dans son éditorial du 16 avril, a déclaré que cette décision ne réduirait pas les listes d’attente, ne faciliterait pas l’accès à un médecin et ne ramènerait pas les infirmières épuisées. Il conclut que «la validation judiciaire de notre système est accueillie par le bruit d’une main qui applaudit... Il a besoin d’une réforme sérieuse». Le Canada est l’un des rares pays à interdire la couverture privée des services assurés «de base». Il y a des centaines de cliniques privées au Canada, mais elles couvrent généralement d’autres services, ou bien les médecins ne peuvent pas travailler également dans une clinique ou un hôpital qui reçoit des fonds de l’État. Il existe de nombreuses cliniques de ce type au Québec. Il m’est arrivé d’envoyer des patients d’Ottawa de l’autre côté de la rivière dans une clinique privée de Gatineau pour un examen IRM privé. Plutôt que d’attendre plusieurs mois pour un examen «gratuit» dans le système public, ces patients étaient prêts à payer de leur poche environ 800$ pour obtenir un examen en 24 ou 48 heures. Apparemment, ces établissements étaient propres, le personnel très aimable et les rapports rédigés dans un anglais parfait figuraient dans mon dossier médical électronique en l’espace d’une journée. Certains patients dépenseraient cette somme pour une fin de semaine d’hôtels, de restaurants et de magasinage ou pour des concerts, des événements sportifs et autres à Montréal, Toronto, etc., et bien plus pour des vacances dans le Sud. Il est à noter qu’un sondage Léger réalisé en 2021 a révélé que 62% des personnes interrogées étaient d’accord pour dire que «les Canadiens devraient être autorisés à dépenser leur argent pour obtenir les soins de santé qu’ils souhaitent». Le 15 avril, Elizabeth Payne, dans un article du Ottawa Citizen, a décrit une patiente atteinte d’un cancer du sein qui s’était déjà propagé à ses ganglions lymphatiques. Confrontée à un long délai dans le système public, elle a payé pour se faire opérer dans une clinique privée de Montréal. Elle a été extrêmement satisfaite des résultats et a estimé que c’était de l’argent bien dépensé. Cependant, Elizabeth Payne a faussement déclaré que tout cela était possible grâce à une «faille» dans la Loi canadienne sur la santé. En vertu de la Constitution, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la gestion et de l’organisation des soins de santé pour leurs propres résidents (C’est moi qui le souligne). Le gouvernement fédéral fournit notamment des soins aux Premières Nations et aux Inuits, aux membres actifs et aux vétérans de l’armée, aux prisonniers fédéraux et aux réfugiés. La Loi canadienne sur la santé (LCS) a été adoptée à l’unanimité en 1984, mais je doute que la plupart des députés québécois aient voté en sa faveur si elle avait empêché les patients des provinces de l’Atlantique et de l’Ontario d’accéder de manière facultative aux cliniques privées du Québec. Après tout, les soins de santé demeurent de compétence provinciale. Certes, l’un des cinq principes de la LCS est la transférabilité au sein du système public. Le Québec fournit des prestations hospitalières transférables, mais il a violé l’article 11 concernant le paiement des médecins et a refusé de signer l’entente de facturation réciproque des services médicaux (Reciprocal Medical Billing Agreement – RMBA). Il ne paie que ses propres tarifs, plus bas, lorsque ses résidents doivent consulter un médecin dans une autre province. Cette règle s’applique également aux Québécois pendant les trois premiers mois qui suivent leur déménagement dans une autre province. Après plusieurs mois, ils ne reçoivent qu’un remboursement partiel de la part du gouvernement québécois. Je note que le 10 mars, le ministre fédéral de la santé, Jean-Yves Duclos, a très clairement déclaré: «Il ne devrait pas y avoir de frais pour les services de santé médicalement nécessaires, quel que soit l’endroit où l’on vit dans ce pays.» Il faisait référence à la récupération des paiements de transfert fédéraux en matière de santé à huit provinces qui autorisaient les procédures de diagnostic privées. Cependant, comme tous ses prédécesseurs, il a ignoré le problème beaucoup plus vaste des patients québécois qui sont obligés de payer de leur poche pour des services dans le système public ailleurs au Canada. Si la justice n’agit pas, il incombe aux responsables politiques de le faire. Ils doivent continuer à permettre aux patients de se faire soigner «en privé» dans une autre province canadienne; il ne s’agit pas d’une «faille» de la LCS, mais d’une pratique tout à fait légale. Si le public est d’accord, ils devraient assouplir les restrictions imposées aux patients pour accéder à des cliniques privées dans leur propre province et, comme en Europe, être en mesure de souscrire une assurance pour les couvrir. M. Duclos devrait faire preuve de volonté politique au nom de ses électeurs et rencontrer son homologue, le ministre de la Santé, Christian Dubé, pour l’exhorter à signer le RMBA. Cela garantira enfin un traitement équitable aux patients québécois et aux médecins de l’Ontario, des Maritimes et d’autres régions du Canada qui pourraient être amenés à les traiter.

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