Panel sur les opioïdes: «Un mauvais virage a été pris»

Le panel sur la crise des opioïdes était animé par le président de l'OPQ, Bertrand Bolduc. Crédit: Paul Ducharme pour l'OPQ.Au moins 2500 personnes seraient mortes d’une surdose liée aux opioïdes en 2016 au Canada. Et une part importante des abus d’opioïdes serait causée par des médicaments obtenus par les patients au moyen d’une ordonnance en bonne et due forme.«Quelque part au cours des dernières années, un mauvais virage a été négocié [par les médecins prescripteurs et les autres professionnels de la santé à propos des opioïdes]». C'est l’un des constats qui est ressorti lors d’un panel interdisciplinaire qui se penchait sur cet enjeu au cœur de l’actualité.Ce panel, animé par le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Bertrand Bolduc, était au cœur de la programmation de l’Événement des pharmaciens 2017 et du congrès annuel de l’Association des pharmaciens du Canada, deux événements qui se déroulaient entre le 1er et le 5 juin derniers, à Québec.Le constat de ce «mauvais virage» a été émis par le Dr Chris Milburn, un médecin de famille de la Nouvelle-Écosse. «Les opioïdes sont principalement prescrits dans trois domaines: le cancer, les douleurs aiguës et les douleurs chroniques qui ne sont pas causées par un cancer, a-t-il expliqué. C’est dans ce troisième domaine que nous prescrivons mal.»Afin d’illustrer ses propos, le Dr Milburn a souligné que 20 fois plus d’opioïdes étaient prescrits au Canada par rapport au Japon, un pays avec de bonnes conditions économiques et une population vieillissante.Le Dr Milburn a également rappelé aux pharmaciens présents que les doses d’opioïdes nécessaires pour traiter les douleurs liées à un cancer, par exemple, peuvent être efficaces même si elles ne sont pas très élevées. À l’inverse, les opioïdes ne sont pas des molécules très efficaces pour traiter le syndrome de douleurs chroniques et augmentent significativement le risque de dépendance chez les consommateurs. Le Dr Chris Milburn et la pharmacienne propriétaire Félice Saulnier. Photo: Christian Leduc.Pharmaciens modèlesLa pharmacienne propriétaire Félice Saulnier, de Montréal, a pour sa part mis l’accent sur l’importance pour les professionnels de la santé d’évaluer le risque que leurs patients développent une dépendance avant de leur prescrire un opioïde.Elle leur a aussi suggéré de bien adapter leurs conseils aux patients selon la raison pour laquelle un opioïde leur a été prescrit, et de leur mentionner les effets indésirables à court et à long termes.Elle a ajouté qu’il faut bien informer les patients des risques accrus de dépendance aux opioïdes et de les prévenir des risques que les médicaments soient utilisés à mauvais escient, d’où l’importance de retourner les comprimés non utilisés à la pharmacie afin qu’ils soient détruits.La pharmacie de Félice Saulnier offre des services à environ 150 patients aux prises avec une dépendance aux opioïdes. Outre les médicaments, la pharmacie distribue également à ces patients du matériel stérile et des trousses de naloxone en cas de surdose.Le pharmacien Craig Plain, de la Colombie-Britannique pratique de son côté en plein cœur du Downtown Eastside de Vancouver, l’épicentre des problèmes d’abus d’opioïdes au Canada.Il a expliqué le modèle que son équipe et lui ont mis en place au Pier Health. Ce modèle mise sur la relation à long terme avec les patients aux prises avec un problème de dépendance aux opioïdes, notamment en plaçant la discussion avec un pharmacien au début du processus de suivi interdisciplinaire.Près de 150 patients sont rencontrés chaque jour au Pier Health, mais Craig Plain se déplace également dans les résidences des patients, dans les centres d’hébergement pour les itinérants ou dans les parcs publics afin d’aller à la rencontre de ses patients et de garantir le suivi de leur état de santé.Le gouvernement fédéral à l’écouteLa Dre Supriya Sharma, conseillère médicale principale à Santé Canada, a fait état que le gouvernement fédéral prend au sérieux la menace croissante des abus d’opioïdes et qu’il a mis en place de nombreuses initiatives afin de contrer le phénomène.Il a, entre autres, mis sur pied à la fin de 2016 un comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes. Ce comité a notamment pour mandat de diffuser des données sur les décès attribuables aux opioïdes à chaque trimestre.«Comme nous ne nous sommes pas retrouvés dans cette situation [la crise d’abus d’opioïdes] à cause d’une seule action posée, nous n’en sortirons pas avec une seule initiative», a cependant souligné la Dre Sharma.

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