Mesurer ses signes vitaux comme dans une station spatiale

Faire l’expérience d’une station spatiale depuis… le CLSC de Pierrefonds. C’est le concept inédit que proposera bientôt aux patients la Station Télésanté. Le principe: des technologies de pointe utilisées par l’Agence spatiale canadienne pour prendre soi-même ses mesures vitales – poids, taille, température, pression artérielle, taux d’oxygène dans le sang, IMC… Le tout, sous la surveillance d’un infirmier dédié à ce nouvel espace de prise en charge. Le projet pilote se concentre pour l’instant sur les patients orphelins inscrits au GAP. «En particulier les patients atteints de maladies chroniques, qui sont une clientèle vulnérable à risque de complications», explique Rose Gladys Alcidas, directrice adjointe à la direction vaccination, dépistage, prélèvement, santé publique, responsabilité populationnelle et partenariats du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal. À lire aussi: Méta-Santé: l’innovation au service de la médecine préventiveAvec 20 000 à 30 000 patients inscrits au guichet et en attente d’un médecin de famille, le CLSC de Pierrefonds faisait figure de candidat idéal pour tester ce nouveau dispositif de prévention et de suivi. Après un premier tri par téléphone, cinq patients ont finalement été recrutés pour la phase 1 du projet pilote, qui devrait débuter le 13 janvier prochain. Un dispositif très intuitifAu cours de leur premier rendez-vous avec l’infirmier en charge de la Station Télésanté, les patients se verront avant toute chose présenter à nouveau le projet et demander leur consentement; «des données médicales vont être gardées dans l’application, même si elles restent confidentielles et que personne n’y aura accès», assure la clinicienne. L’infirmier procèdera ensuite à l’ouverture du dossier, et accompagnera les patients dans leur premier contact avec l’appareil. «On leur remettra aussi une montre connectée et on téléchargera avec eux l’application, précise Rose Gladys Alcidas. Les deux vont se synchroniser pour suivre leurs signes vitaux et mesurer l’état de leur santé mentale». L’application est pour l’instant seulement disponible pour les téléphones Android, et un protocole d’entente encadrera l’usage de la montre confiée au patient. S’il est à première vue intrigant, le dispositif spatial, créé par l’entreprise québéco-albertaine Baüne, se révèle extrêmement simple à utiliser. Le patient peut y monter comme sur une balance, puis se laisser guider: un laser mesure la taille, un thermomètre prend la température, puis le patient peut insérer son bras dans un tensiomètre intégré pour prendre sa tension artérielle, son doigt dans un oxymètre afin de connaître son taux d’oxygène dans le sang, et enfin ses deux pouces de part et d’autre de l’appareil pour mesurer la masse graisseuse. Une fois que toutes ces mesures sont prises, le patient récupère un billet semblable à un billet de caisse, résumant toutes les données enregistrées. Durée de l’opération: 1 minute 30 environ.Ce dispositif, conçu à l'origine pour aider les astronautes à surveiller leur état de santé de façon plus autonome dans l’espace, a été adapté aux soins de santé connectés. «Nous n’avons adopté qu’une petite partie des technologies utilisées dans l’espace, car tout n’était pas adapté à la pratique clinique», précise ainsi Rose Gladys Alcidas.Une aide à la décision cliniqueUn gain de temps considérable, à la fois pour le patient, l'infirmier et le médecin. Mais justement, et le médecin dans tout ça? Ce dernier n’est contacté qu’en cas de résultats inhabituels, explique Shirley Jesse, conseillère cadre en soins infirmiers au CIUSSS. Une trajectoire de soins a été spécifiquement établie pour les patients de la Station Télésanté.Mais attention, pas question ici de remplacer le clinicien, qui continue d’analyser tous les résultats. «Il s’agit ni plus ni moins d’une aide à la décision pour les cliniciens, qui doivent poursuivre leur raisonnement clinique pendant la télésurveillance afin d’effectuer les bonnes démarches et orienter l’usager vers le bon corridor de services.» À lire aussi: Le CHU Sainte-Justine inaugure le Centre IMAGINESi les paramètres sont normaux, le patient est suivi de manière hebdomadaire et doit synchroniser lui-même sa montre connectée et son application une fois par semaine. Ainsi, les données seront transférées dans son dossier médical et l’infirmier pourra effectuer une télésurveillance continue. «La fréquence des rendez-vous va dépendre des résultats mesurés, en temps normal ce sera chaque 2 à 4 semaines, toujours par rendez-vous téléphoniques», précise Shirley Jesse. Si certaines données se révèlent plus critiques ou que le patient nécessite un suivi plus régulier, un rendez-vous en présentiel est prévu ainsi que la trajectoire de soins adéquate, affirme-t-elle. «Si une équipe médicale doit intervenir, on fait le lien avec le médecin répondant assigné dans notre trajectoire, qui se trouve au GMF voisin.» Un corridor d’urgence est aussi prévu pour les risques de suicide, par exemple. Responsabiliser les patients«Ce dispositif est une vigie pour la clientèle de notre territoire, poursuit la conseillère cadre en soins infirmiers. Il est basé sur les données probantes pour nous aider à déceler des signaux d’alerte précoces et permettre d’orienter l’usager vers le bon corridor. Il est à la fois optimal pour l’usager, qui devient responsable de sa santé et de la transmission de ses données, et pour le soignant qui effectue la télésurveillance.» Le rôle des patients est en effet primordial, et ces derniers sont sensibilisés et éduqués par les cliniciens qui les accompagnent. «Ils participent à la prise de décision, car ils se connaissent mieux que n’importe quel médecin, observe Shirley Jesse. Nous les aidons à mieux comprendre leur santé, et l’application leur envoie des alertes sur leur sommeil, leur niveau de stress, des conseils… Ils vivent avec la maladie chronique, mais peuvent en réalité contrôler beaucoup de choses.» Une ligne téléphonique leur est par ailleurs dédiée du lundi au vendredi.À lire aussi: Living Lab Charlevoix: réfléchir ensemble pour un meilleur accès aux soins en milieu ruralLe dispositif est déjà pleinement intégré au fonctionnement du CLSC et enthousiasme toutes les équipes, assurent les deux cliniciennes. «Tout le monde a voulu l’essayer!», sourit Rose Gladys Alcidas. Cette dernière aimerait, à terme, suivre une quinzaine de patients par mois à la Station Télésanté, et déployer le suivi à d’autres patients que les personnes atteintes de maladies chroniques. Avant son lancement en orbite, reste à peaufiner l’arrimage entre le volet technologique et le volet clinique, pour s’assurer que les soignants disposent des outils nécessaires afin de faire les suivis et qu’ils puissent avoir accès aux dossiers électroniques.

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