Médicaments remboursés par les assureurs privés - Une enquête de La Facture conclut à des variations importantes d’une pharmacie à une autre

Un reportage de l’émission La Facture, diffusée sur les ondes de Radio-Canada et de RDI il y a quelques semaines, a provoqué son lot de réactions à la fois de la part des groupes de consommateurs et des pharmaciens.L’émission a réalisé en début d’année une enquête sur les prix des médicaments sur ordonnance vendus à des assurés de régimes privés dans 113 pharmacies à travers le Québec. On y comparait les prix de trois des dix médicaments les plus vendus, l’atorvastatine, le pantoprazole et la venlafaxine.Constat de cette enquête selon La Facture, les prix des médicaments varient sensiblement d’une pharmacie à une autre, bien que, mentionne le reportage, « tous les pharmaciens du Québec paient le même prix pour les médicaments aux fabricants ».Le reportage rappelle qu’un pharmacien peut facturer le montant qu’il veut comme frais d’ordonnance à ses clients assurés à un régime privé, contrairement au régime public d’assurance médicaments, dont les honoraires sont fixes.Un spécialiste des politiques pharmaceutiques, Marc-André Gagnon, professeur adjoint à l’Université Carleton, y affirme que les pharmaciens ont en moyenne une marge de profit d’environ 150 % de plus que le prix du médicament pour leurs clients assurés à un régime privé.Daniel Larouche, porte-parole de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) apparaît dans ce reportage. Il y affirme que le pharmacien « ne fait pas de profit sur le dos des gens. Il leur vend [des médicaments], dans un marché concurrentiel. Et s’il ne faisait pas de profit, il n’y aurait plus de pharmacies et les gens n’auraient plus de médicaments. »La Facture a aussi critiqué le fait que les pharmaciens propriétaires n’affichent pas le prix des médicaments vendus sur ordonnance et ne les dévoilent pas au téléphone.« Donc, on est dans une situation où tout le monde s’en met plein les proches, sauf évidemment le travailleur qui est assuré par un régime privé qui doit, lui, payer davantage », a déploré Marc-André Gagnon.Ce qu’en pense l’AQPPL’AQPP n’a pas l’intention de recommander à ses membres d’afficher les prix des médicaments sur ordonnance vendus à des assurés de régimes privés.« Le pharmacien est un professionnel de la santé qui offre des services, rappelle Vincent Forcier, directeur des affaires publiques à l’AQPP, lors d’une entrevue à L’actualité pharmaceutique. Quand vous allez voir un autre professionnel, par exemple un dentiste, il n’y a pas de prix affichés, parce qu’il s’agit d’un service professionnel qui vient avec des conseils et qui peut varier d’un patient à un autre, en fonction des besoins du patient. »Vincent Forcier précise que les patients peuvent demander le prix d’un médicament lorsqu’ils se présentent en pharmacie avec leur ordonnance. « Souvent les patients disent quelque chose au téléphone, mais la réalité est autre lorsqu’ils se présentent à la pharmacie avec leur ordonnance. »Le « prix juste et raisonnable »Du côté de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), on rappelle aux membres que le code de déontologie les oblige à demander un prix « juste et raisonnable » pour leurs services pharmaceutiques (article 47).L’OPQ recommande aux patients de discuter avec leur pharmacien s’ils ont des interrogations sur le prix de leurs médicaments. « Si les réponses obtenues ne les satisfont pas, ils ont la possibilité de faire une demande d’enquête auprès du syndic de l’Ordre », a indiqué l’OPQ à L’actualité pharmaceutique. Le sujet soulevé par le reportage de La Facture est à l’ordre du jour du conseil d’administration de l’OPQ.Les organismes de défense des citoyens exigent plus de transparence« Nous avons été choqués de voir des écarts de prix aussi considérables d’une pharmacie à une autre et les obstacles qui se posent à un consommateur qui veut connaître le prix d’un médicament », réagit Charles Tanguay, responsable des communications à l’Union des consommateurs.Cet organisme de défense des droits des consommateurs considère que la concurrence est faible dans le marché des pharmacies au Québec. Sans nécessairement réclamer l’affichage en pharmacie des prix des médicaments sur ordonnance, l’Union des consommateurs revendique que le client puisse obtenir le prix d’un médicament au téléphone.« Nous allons regarder du côté de tous les intervenants possibles pour voir s’il y a des façons de les contraindre à être plus transparents sur les prix, notamment par l’intermédiaire de l’Office de la protection du consommateur ou du Bureau de la concurrence », indique Charles Tanguay.L’Union des consommateurs examine aussi la possibilité de mettre en place un site Web qui fournirait de l’information aux clients sur le prix des médicaments dans différentes pharmacies du Québec.L’argument de l’AQPP sur la différence des services professionnels entre les pharmacies n’émeut pas cet organisme qui considère que le produit vendu est identique et que les services professionnels sont généralement semblables d’une pharmacie à une autre.Prix plafondLe Conseil pour la protection des malades (CPM), pour sa part, trouve « honteux » le phénomène rapporté par l’émission La Facture.« Quel est ce mystérieux libéralisme entre les pharmaciens et les vendeurs de médicaments pour qu’on puisse présenter une telle variation ? C’est assez scandaleux. Honte à ceux qui permettent un tel système ! » s’insurge Paul G. Brunet, président du CPM.Le CPM est d’avis qu’un prix plafond devrait être imposé sur les médicaments d’ordonnance vendus aux assurés d’un régime privé comme c’est le cas pour le régime public d’assurance médicaments.Cet organisme demande aussi aux pharmaciens propriétaires de rendre plus accessibles les prix des médicaments sur ordonnance, notamment au téléphone, et ce, même s’ils trouvent cela complexe.« Si c’est compliqué, ça va continuer à être mystérieux, croit Paul Brunet. Si c’est mystérieux, on va continuer à émettre toutes sortes de conjectures sur leur pratique. Ou ils deviennent plus transparents avec les complications que cela comporte ou on va continuer à douter de certaines pratiques de certains d’entre eux comme La Facture l’a exposé. »

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