Médecine familiale: 402 postes boudés entre 2013 et 2021

Les multiples campagnes de promotion et de séduction menées dans les facultés de médecine et par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) pour attirer davantage de candidats en médecine familiale n’auront pas suffi à contrebalancer le dénigrement et les exigences qu’ont menacé d’imposer divers gouvernements aux médecins de famille. Au premier tour de jumelage des CaRMS de 2022, 99 postes sur 511 offerts en médecine familiale sont restés vacants et on saura le 12 mai prochain combien d’entre eux le demeureront. Les chiffres sur une décennie sont particulièrement éloquents sur l’ampleur de cette désaffection en médecine familiale. En tout, 402 postes disponibles au Québec ont été ignorés lors de la période allant de 2013 à 2021, montrent des statistiques obtenues par ProfessionSanté.ca auprès du CaRMS. La FMOQ estime qu’il manque actuellement plus de 1000 médecins de famille pour répondre aux besoins de la province, qui compte autour de 900 000 patients orphelins. Si ces 402 postes avaient trouvé preneurs, les besoins n’auraient pas été totalement comblés, mais la situation en première ligne serait sans doute moins critique. C’est en 2021 que l’on a compté le plus grand nombre de postes vacants après le deuxième tour, soit 75. C’est plus de trois fois le chiffre de 2019 (23). On saura bientôt si ce triste record aura été battu ou pas. À titre indicatif, 101 chaises étaient restées vides en 2021 après le premier tour, un chiffre similaire à celui obtenu en 2022. Un lien avec le ministre en place? On explique parfois le manque d’attractivité de la médecine familiale par le dénigrement ou les menaces de divers gouvernements à l'endroit des médecins de famille. Bien que leur posture à l’égard de la profession ne constitue pas l’unique facteur déterminant le gain ou la perte d’attractivité de la médecine familiale, celle-ci influe en partie sur le choix des étudiants pour leur résidence. Les chiffres semblent en effet montrer un certain lien entre le nombre de places boudées et le titulaire du poste de ministre de la Santé du Québec. À lire aussi: Contrairement aux É-U, le Québec est encore en pandémie, dit le Dr Luc Boileau En 2013, première année où le gériatre Réjean Hébert a dirigé la Santé dans le gouvernement de Pauline Marois, 43 postes n’avaient pas été comblés après le deuxième tour. Lors de sa deuxième année de mandat, ce nombre chute à 22. À l’automne 2014, le ministre Hébert est remplacé par Gaétan Barrette après l’élection du Parti libéral de Philippe Couillard. Le Dr Barrette passe à l’histoire pour sa sévérité et ses exigences à l’endroit de la médecine familiale. Son projet de loi 20 a marqué les esprits et reste une source de frayeur pour les résidents sept ans plus tard. Le projet de loi imposait notamment différentes mesures pour améliorer l’accès aux soins. Faute d’atteindre les objectifs, les médecins de famille pouvaient s’exposer à des pénalités. Beaucoup craignaient avant et après son adoption que les discours féroces du ministre Barrette ne se traduisent par une baisse d’attrait pour la médecine familiale. C’est ce qui se produisit. Les postes vacants remontent à 43 en 2015 et s’établissent à 41, puis à 56, les années suivantes. Ils culminent à 65, en 2018, avant que Gaétan Barrette ne cède son fauteuil à Danielle McCann, de la CAQ, qui prêche un discours modéré et conciliant avec les fédérations médicales. Ce changement de ton semble faire son effet. En 2013, sous Danielle McCann, le nombre de postes vacants à l’issue du deuxième tour chute à 23. Ils remontent toutefois à 34 en 2020, juste avant qu’elle ne soit remplacée par Christian Dubé, dont le gouvernement retrouve avec François Legault un discours plus costaud à l’endroit de la médecine familiale. En 2021, les postes ignorés après le deuxième tour atteignent un record (75). L’été dernier, le premier ministre a évoqué l’imposition de pénalités financières qui avaient été prévues dans le projet de loi de 20, et à l’automne, il a menacé de légiférer pour forcer les médecins de famille à faire plus de prises en charge. On saura bientôt si sa stratégie de défiance aura un impact sur le nombre de postes qui resteront vacant à l’issue du deuxième tour. Effets redoutés en région Comble de malheur, ce manque à gagner survient alors que des centaines d’omnipraticiens prévoient de partir à la retraite dans les prochaines années. En entrevue récemment à ProfessionSanté.ca, le DRMG de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, le Dr Sylvain Drapeau, confiait que l’attractivité pour la nature et la qualité de vie dans ces régions avaient facilité le recrutement dans son territoire ces dernières années. Il craignait toutefois les répercussions d’une hausse des places inoccupées en résidence familiale car un jour ou l’autre, celle-ci se traduira par une diminution du bassin de candidats pour les PREM et donc de postes qui risquent de ne pas être comblés dans plusieurs régions. D’ailleurs, des GMF ont dû fermer leurs portes ces dernières années faute de relève. Dans les autres spécialités et ailleurs au Canada Bien que plus touché, le Québec n’est pas la seule province à avoir été incapable de combler tous ses postes de résidence en médecine familiale. Lors de la première ronde de jumelage des CaRMS en 2022, 44 places sont restées vacantes en Ontario et 32 en Alberta. Par ailleurs, au premier tour de jumelage de 2022, onze postes en médecine spécialisée ont été boudés au Québec, dont sept en médecine interne. Toutes les spécialités ne trouvent pas immédiatement preneurs non plus dans le reste du Canada. Lors de cette première ronde, cinq postes en psychiatrie ont été laissé vacants au Manitoba, et cinq en pédiatrie, à Terre-Neuve.

Médecine familiale: 402 postes boudés entre 2013 et 2021

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes