Médecine et pharmacie: un nouveau campus dans les Laurentides

Deux décennies après l’ouverture du campus de Trois-Rivières, la Faculté de médecine de l’Université de Montréal (UdeM) s’apprête à répliquer l’expérience dans les Laurentides. Un nouveau campus décentralisé verra le jour à Saint-Jérôme, à proximité immédiate de l’hôpital, et accueillera dès la rentrée 2026 ses premiers étudiants du préclinique. Particularité majeure: la Faculté de pharmacie de l’UdeM y implantera à son tour une formation complète dès septembre 2027 - une première au Canada pour un programme de PharmD délocalisé. «Les milieux étaient prêts, et les besoins régionaux sont criants», résume Julie Paquette, directrice adjointe des affaires universitaires et de l’enseignement au CISSS des Laurentides.Si l’UdeM implante aujourd’hui un campus délocalisé dans les Laurentides, c’est d’abord parce que la région fait face à une pression démographique et clinique exceptionnelle. Sa population devrait croître de 6,1% d’ici 2026, bien au-dessus de la moyenne québécoise (+ 4,2%), soit la plus forte hausse au Québec. Parallèlement, les Laurentides demeurent la région où «le ratio médecins-population est le plus faible de la province», rappelle le Dr Patrick Cossette, le doyen de la Faculté de médecine précisant que les besoins touchent autant la première ligne que plusieurs spécialités.La situation est tout aussi préoccupante en pharmacie. Dans les hôpitaux de la région, 74% des besoins en pharmaciens ne sont pas comblés aux urgences, 29% aux soins intensifs et coronariens, et 100% en dialyse rénale, où «il n’y en a tout simplement pas», observe Simon de Denus, doyen de la Faculté de pharmacie. Il mentionne que l’entrée en vigueur du projet de loi 67 - qui élargit les activités cliniques des pharmaciens - accentue encore cette pression. «Pour que la population bénéficie réellement de ces nouveaux services, il faut suffisamment de pharmaciens sur le terrain.»Dans ce contexte, former les futurs professionnels au cœur même des milieux où les besoins sont les plus criants devient un choix stratégique. Le Dr Patrick Cossette résume ainsi l’esprit du projet: «Former des médecins en région, par la région et pour la région - c’est ce modèle qui a démontré son efficacité, et c’est celui que nous déployons maintenant dans les Laurentides.»Trois-Rivières comme preuve de conceptPour les deux facultés, le pari des Laurentides s’appuie sur une expérience déjà éprouvée, celle du campus de Trois-Rivières, ouvert en 2004 et devenu une référence en matière de formation médicale en région. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. «Environ 40% de nos finissants de Trois-Rivières choisissent d’y rester, et ceux qui s’y installent y demeurent à 100%», explique Patrick Cossette. Parmi les autres diplômés, près d’un sur quatre s’établit dans la région de la Mauricie, et 40% exercent ensuite dans une autre région du Québec.Pour le doyen, ces résultats prouvent la force du modèle: l’exposition prolongée aux milieux cliniques régionaux, l’encadrement rapproché et la pratique plus diversifiée contribuent à donner le goût d’y revenir. «En région, les étudiants bénéficient d’une expérience clinique plus large, moins segmentée que dans un centre tertiaire. Cela crée un ancrage professionnel très fort», souligne-t-il.Cette immersion transforme aussi les milieux eux-mêmes. Les cliniciens de Trois-Rivières ont vu leur pratique gagner en dynamisme grâce à la présence continue d’apprenants, qui agit comme un moteur d’innovation pédagogique et un levier de recrutement. C’est cette synergie que l’UdeM souhaite désormais reproduire dans les Laurentides.À lire aussi: 10 leçons qu'on n'enseigne pas à la faculté de médecine (mais qu'on devrait)Un terrain déjà prêtSi le projet a pu prendre forme aussi rapidement, c’est que les Laurentides disposaient déjà d’un écosystème d’enseignement solidement implanté. Depuis plusieurs années, le CISSS cherchait à renforcer l’externat en médecine et en pharmacie, en augmentant progressivement le nombre de milieux de stage et de superviseurs. «On voyait l’intérêt grandir chez les équipes et le nombre de médecins volontaires augmenter d’année en année», souligne la Dre Jessica Perreault Bishop, la responsable de l’enseignement médical dans la région. Cette dynamique locale a servi de point d’appui à l’UdeM, qui multipliait les démarches pour trouver de nouveaux lieux d’enseignement en raison de la croissance de ses cohortes. La région accueillait déjà beaucoup d’étudiants, et on sentait clairement qu’elle pouvait en recevoir davantage», confirme Julie Paquette.En 2023–2024, l’UdeM y avait déjà déployé un externat presque complet. Une douzaine d’étudiants y effectuaient l’ensemble de leurs stages obligatoires, avec un taux de satisfaction très élevé. La Faculté de pharmacie s’appuie elle aussi sur une base solide. «Dans la dernière année, on avait entre 90 et 100 stages réalisés dans les Laurentides, en milieu communautaire ou hospitalier», indique Simon de Denus. Cette présence accrue des apprenants a eu un effet structurant, créant un réflexe d’enseignement chez plusieurs cliniciens.L’engouement pour le nouveau campus s’est manifesté très tôt. «Je n’ai rien vu suscitant autant d’enthousiasme. Les partenaires veulent accueillir, former, s’impliquer», observe le doyen de la Faculté de pharmacie. Pour les milieux, la perspective d’une formation complète en région représente autant un levier de recrutement qu’une occasion de renouvellement pédagogique. Quant à la suite, le CISSS des Laurentides n’exclut pas de renforcer encore son offre: si la relève en médecine familiale se maintient ou progresse, un quatrième GMF-U pourrait éventuellement être envisagé.Une formation complète et résolument interdisciplinaireDès 2026, les Laurentides accueilleront une cohorte de 24 étudiants en première année de médecine, entièrement formés sur le site de Saint-Jérôme. Ce contingent sera porté à 48 étudiants à terme. Il ne s’agit pas d’une augmentation des admissions; l’UdeM répartira différemment ses cohortes, comme elle le fait déjà entre Montréal et Trois-Rivières. «Dans notre cas, on déplace les étudiants, on n’augmente pas la capacité globale. C’est un projet de responsabilité sociale», précise Patrick Cossette.La Faculté de pharmacie adopte une logique différente. Elle implantera en 2027 un programme complet de PharmD, avec 30 étudiants la première année et 50 à terme. Cette fois, il s’agit bel et bien d’un ajout de places, rendu nécessaire par la pénurie de pharmaciens et l’élargissement progressif de leur champ d’exercice. «Pour nous, c’est une occasion de répondre directement aux besoins du réseau, tout en offrant une formation ancrée dans des milieux de soins très variés», souligne Simon de Denus.À lire aussi: Préexternat en région: le bonheur est dans la proximité, et l’exposition cliniqueLes deux facultés partageront un même campus et favoriseront des activités communes, tant en préclinique qu’en stage. L’UdeM est pionnière en la matière avec son programme Partenaires, qui réunit depuis plus de 15 ans tous les étudiants des différents programmes en santé de l’université autour de modules communs de collaboration interprofessionnelle. «La médecine et la pharmacie avancent ensemble. Sur le terrain, nos rôles sont complémentaires. C’est essentiel que la formation reflète cette réalité», insiste la Dre Jessica Perreault Bishop.Le nouveau campus prendra d’abord place dans des locaux locatifs dont le bail est en voie de finalisation. Les espaces retenus - d’une superficie d’environ 9 000 à 10 000 pieds carrés - permettront d’accueillir les premiers étudiants dès 2026, avec des salles dédiées aux cours théoriques, aux activités cliniques simulées et au travail en petits groupes. «C’est à proximité de l’hôpital de Saint-Jérôme, c’est vraiment tout près», souligne le Dr Cossette.À plus long terme, le projet de modernisation du centre hospitalier - un chantier majeur planifié sur plus d’une décennie - ouvre la porte à une intégration du campus dans les futures infrastructures hospitalières. Il ne s’agira pas nécessairement d’un bâtiment distinct, mais plutôt d’un espace rattaché à un pavillon nouveau ou rénové. «L’idée, c’est que la formation soit menée au plus près des milieux de soins, et les travaux en cours nous permettront d’y parvenir», signale Julie Paquette.Dans une actualité médicale sous tension, ce projet fait figure d’exception: un rare mouvement qui suscite, partout, davantage d’enthousiasme que de réserves.

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